« épier.2 », définition dans le dictionnaire Littré

épier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

épier [2]

(é-pi-é), j'épiais, nous épiions, vous épiiez ; que j'épie, que nous épiions, que vous épiiez v. a.
  • 1Observer secrètement quelqu'un. Vous autres que j'emploie à l'épier sans cesse, Régnier, Élég. II. Je l'ai fait épier par des regards fidèles, Voltaire, Sémir. v, 2. On l'observe, on l'épie, et tout me fait trembler, Voltaire, Triumv. III, 3.

    Il se dit aussi des choses. On épie toutes vos démarches. Épier les mouvements de l'ennemi. Je ne sais pas du moins épier ses discours, Racine, Brit. III, 8.

    Absolument. La Forêt, qui se loge en même hôtellerie, Feignant de ne rien voir, observe, écoute, épie, Hauteroche, Esp. follet, II, 1.

  • 2 Par extension, observer attentivement, essayer de découvrir, de pénétrer. Arons vient voir ici Rome encor chancelante, Découvrir les ressorts de sa grandeur naissante, Épier son génie, observer son pouvoir, Voltaire, Brut. I, 1. Tu venais épier le secret de mes feux, Voltaire, ib. II, 3. Est-ce de nos tyrans quelque ministre affreux Dont l'œil vient épier les pleurs des malheureux ? Voltaire, Mérope, III, 2. Le cruel dissimule, il observe, il épie S'il pourra dans nos champs porter le glaive impie, Chénier M. J. Charles IX, II, 3. Du printemps près de vous épier les prémices, Delille, Paradis perdu, II.

    Épier l'occasion, le moment d'agir, attendre l'instant convenable. Je viens pour épier le moment favorable, Racine, Esth. II, 1. Ma sœur et moi, cédant à tout par complaisance, Du nouveau possesseur épiâmes l'absence, Lamartine, Joc. VII, 240.

  • 3 Terme de vénerie. Épier le relevé, guetter le temps où la bête sortant du lieu qui lui a servi de retraite pendant le jour, va repaître.
  • 4S'épier, v. réfl. S'observer secrètement l'un l'autre.

    S'épier, être comme à l'affût des propres mouvements de son âme. Il faut s'épier de près, dit Montaigne.

HISTORIQUE

XIe s. Que Guenelon nous a touz espiez [trahis], Ch. de Rol. LXXXVIII.

XIIIe s. Et tant erra qu'il vint à Osterriche, et fu espiiés et connus, Chr. de Rains, p. 46. Por ce l'apel on larrecin, que li lerres espie l'ore [l'heure] et le point que nus ne le voie, Beaumanoir, XXX, 3.

XVe s. Au voir dire et raconter, c'estoit grand merveille de ce qu'ils faisoient [les pillards en campagne] ; ils espioient, telle fois estoit, et bien souvent, une bonne ville ou un bon chastel, une journée ou deux loin ; et puis s'assembloient vingt ou trente brigands…, Froissart, I, I, 324.

XVIe s. Avoir l'œil au guet, l'oreille aux escoute pour espier d'où viendra le coup, Montaigne, IV, 386. Moy qui m'espie de plus prez, comme celuy qui n'ay pas fort à faire ailleurs, Montaigne, II, 323. Ilz se cachoient durant le jour, puis sur la nuit s'en alloient espier les chemins, et y tuoient le premier qu'ils rencontroient des ylotes, Amyot, Lyc. 58.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. espiar ; ital. spiare ; du germanique : anc. haut-allem. spehôn ; allem. spähen ; danois, spaa ; angl. to spy. Comparez le latin spicere, le grec σϰέπτειν, le sanscrit paç, mots qui signifient voir.