« barbe », définition dans le dictionnaire Littré

barbe

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barbe [1]

(bar-b') s. f.
  • 1Poil du menton et des joues. Poils de la barbe. Barbe naissante. Ce garçon prend de la barbe. Il lui poussera bientôt de la barbe. Se faire couper la barbe. Laisser croître ou pousser la barbe. Enorgueillis d'audace en leur barbe première, Régnier, Sat. I. Me voilà guidon à barbe grise, Sévigné, 265. M. le Prince fit faire hier sa barbe, Sévigné, 399. L'un… taillait sa barbe, La Fontaine, Court. Sa barbe et ses cheveux sont blanchis par les ans, Delavigne, Paria, III, 1.

    Jours de barbe, les jours où l'on se fait la barbe.

    En termes de barbier, faire tous les matins dix ou douze barbes, raser dix ou douze personnes.

    À la barbe de, en dépit de. Je m'en vais être homme à la barbe des gens, Molière, Femmes sav. II, 9. Et vouloir à ma barbe en faire votre bien, Molière, Sgan. 21. Après la figure que nous avons faite à la barbe des généraux, Hamilton, Gramm. 2. La honte qu'il y avait à laisser prendre cette place à sa barbe, Hamilton, Gramm. 5. Aller vendre leurs oranges à la barbe de la duchesse et de toute la cour, Hamilton, Gramm. 10. Relève la gaîté française à la barbe de l'étranger, Béranger, Désaugiers.

    Fig. et populairement. Faire la barbe à quelqu'un, avoir l'avantage sur lui.

    Rire dans sa barbe, rire avec une satisfaction maligne qu'on dissimule. Un homme comme Gail doit rire dans sa barbe quand il touche cinq à six traitements, Courier, I, 133.

    Faire barbe de paille, tromper. Et l'hypocrite fit barbe de paille à Dieu, Régnier, Sat. VI. L'ancien proverbe est : faire à Dieu barbe de feurre, lui donner une gerbe de feurre (paille), au lieu d'une gerbe de blé ; le tromper, être hypocrite.

  • 2 Familièrement, la personne même qui porte la barbe. Allez, grande barbe [le cardinal Bessarion], pédant hérissé de grec, vous perdez le respect qui m'est dû, Fénelon, XIX, 360.

    Une jeune barbe, un jeune homme sans expérience.

    Une barbe grise, une vieille barbe, un vieillard.

  • 3Longs poils que certains animaux ont à la mâchoire, au museau, au bec. La barbe d'une chèvre, d'un singe, d'un chat. Barbe de coq. Barbe de poisson.

    Barbe de baleine, crins qui garnissent l'extrémité des fanons. L'Esquimaux va prendre des peaux de loup marin ; il les étend avec des barbes de baleine ; il en forme un long canot, Chateaubriand, Natch. VIII, 340.

  • 4 S. f. plur. Bandes de toile ou de dentelle qui pendent à certaines coiffures de femme. Quand nos dames reprennent vite Les barbes et le caraco…, Béranger, Requête. Il se dit aussi de la toile ou dentelle qui occupe le bas d'un masque. La barbe d'un loup, d'un masque de femme.
  • 5 Terme d'arts. Petites inégalités qui restent à certains ouvrages de métal. Ôter les barbes des flans des monnaies.

    Irrégularités des bords d'une feuille de papier.

  • 6Barbes d'une plume, les filets qui garnissent latéralement le tuyau.
  • 7Végétations de moisissure. Ces confitures ont de la barbe. Le pâtissier aura beaucoup d'honneur, si ses perdrix sont arrivées sans barbe, par le temps pourri que nous essuyons depuis un mois, Voltaire, Lettr. d'Argence, 29 janv. 1769.
  • 8 Terme de botanique. Barbe d'épi, longues arêtes des graminées, et aigrettes des composées.

    Barbe-de-capucin, chicorée sauvage. Barbe-de-bouc, salsifis sauvage. Barbe-de-chèvre, un des nom vulgaires de la spirée barbe-de-chèvre, appelée aussi barbe-de-bouc ; c'est encore un des noms vulgaires de la clavaire coralloïde (champignons). Petite barbe-de-chêne, un des noms vulgaires de la spirée ulmaire. Barbe-de-Jupiter, nom vulgaire de l'anthyllide barbe-de-Jupiter, de la joubarbe des toits, et quelquefois du fustet, à cause de ses panicules en houppes soyeuses. Barbe-de-renard, nom vulgaire par lequel on désigne plusieurs espèces du genre astragale.

  • 9 Terme d'astronomie. Sorte de chevelure placée quelquefois à la partie antérieure d'une comète, comme la queue l'est en arrière.
  • 10 En termes d'artillerie, tirer en barbe, c'est tirer le canon par-dessus la hauteur du parapet, sans le pointer par les embrasures.
  • 11En parlant du cheval, nom donné au point de réunion des deux branches du maxillaire inférieur, qui dans ce point ne sont recouvertes que par la peau.

    En termes de vétérinaire, replis, dits aussi barbillons, qui se trouvent sous la langue des chevaux et des bœufs.

  • 12 Terme de marine. Appeler en barbe, travailler ensemble, en parlant des câbles.

    Être en barbe, être mouillé à peu de distance et en avant d'un autre navire.

  • 13 Terme de menuiserie. Bois qui excède l'arasement intérieur d'une traverse.

    Terme de serrurerie. Chacune des saillies placées sur le côté du pêne d'une serrure et donnant prise à la clef.

    PROVERBE

    Barbe bien étuvée ou bien savonnée est à demi rasée.

HISTORIQUE

XIe s. Et par la barbe qui au pis me ventelet, Ch. de Rol. IV. Desur leur broines [cuirasses] leur barbes [ils] ont jetées, ib. CCXL.

XIIe s. Barbe florie [blanche], Ronc. p. 25. Li dus Bueves sans barbe, qui si bien sut plaidier, Sax. XVI.

XIIIe s. Je croi bien que detraite [arrachée] en ert [sera] sa barbe grise, Berte, C.

XVe s. Yver fait champs et arbres vieulx, Leurs barbes de neiges blanchir, Et est si froid, ort et pluvieux Qu'emprès le feu convient croupir, Orléans, Bal. 121. Et de son propre pooir, sans emprunt, soi venir mettre en barbe [tenir tête] à ung roy de France, Chastelain, Chron. des D. de Bourg. III, chap. 179. Il luy dist qu'il ne parleroit point à luy se il n'avoit sa barbe faite, et que ce n'estoit point la gise [guise] des Anglois, Fenin, 1420. Ny en un an pas une fois ne vient à justice une seule plainte d'une buffe donnée ou d'une barbe tirée, au lieu qu'ils se souloient entre-tuer par la ville, tous les jours, comme chiens, Bouciq. IV, ch. 8.

XVIe s. Que je refute publiquement le sot babil de ces galants, et leur resiste en barbe (comme on dit), decouvrant leurs mensonges, Calvin, 26. Les malfaiteurs jadis avoyent de coustume de se vestir de noir, nourrir leurs barbes, et user d'autres signes de dueil pour fleschir leurs juges à misericorde, Calvin, Instit. 997. Appeler quelqu'ung yvrongne, à sa barbe, Montaigne, III, 79. De gros valets ayant un pied de barbe, qui en un jour mangent demi mouton, Lanoue, 231. Il leur semble, quand ils voyent les ennemis en barbe, qu'ils doyvent manger (comme on dit) les charrettes ferrées, Lanoue, 318. Il fut conseillé de se confederer avec sultan Soliman, à fin de leur mettre en barbe un redoutable ennemi quand ils le molesteroyent, Lanoue, 374. Tousjours seroit-ce avoir gaigné la reputation, et acquis l'audace d'aller attaquer à leur barbe une de leurs places, Lanoue, 432. Une fausse barbe, D'Aubigné, Faen. III, 3. Quand je vis que ces heretiques nous faisoient barbe de foire [barbe de paille], et ne se vouloient pas laisser prendre sans mitaines…, Sat. Mén. p. 37. L'assemblée des mousches [voulant essaimer], qui se fait devant et autour de la porte et tout contre la rusche (que les bonnes gens de Languedoc appellent faire barbe), De Serres, 443. Barbe-de-chevre, pour la ressemblance que les fleurs de ceste herbe ont à la barbe de cest animal, la plante est ainsi appellée, De Serres, 618. Balaustes, barbe-de-bouc, rozes de provins, De Serres, 933. Je proveray en barbe de je ne sçay quels rappetasseurs…, Rabelais, Pant. V, Prol.

ÉTYMOLOGIE

Wallon bâbe ; bourguig. babe ; provenç. espagn. et ital. barba ; du latin barba. Comparez l'ancien haut allemand bart, le lithuanien barzda ; le second b fait difficulté pour assimiler barba et bart ; mais il est pour f, et l'f pour th, comme dans ruber et ἐ-ρυθρὸς, uber et οὖθαρ.