« effaroucher », définition dans le dictionnaire Littré

effaroucher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

effaroucher

(è-fa-rou-ché) v. a.
  • 1Effrayer, faire fuir, en parlant des animaux. Effaroucher du gibier. Les cris effrayants de l'armée ennemie, joints à une grêle de traits et de pierres lancées de divers côtés par les archers et les frondeurs, les troublaient [les éléphants], les effarouchaient, les mettaient en fureur, et souvent les obligeaient de se tourner contre leurs propres troupes, Rollin, Hist. anc. t. XI, 1re part. p. 389, dans POUGENS.
  • 2Mettre en crainte et en défiance. Il faut, si vous m'en croyez, n'effaroucher personne, Molière, Avare, V, 1. Phelippeaux acheva d'effaroucher son père par tous les détails qu'il lui rapporta, Saint-Simon, 201, 186. C'était la funeste régence de Brunehault qui avait surtout effarouché la nation, Montesquieu, Espr. XXXI, 1. Trop d'éclat l'effarouche ; il voit d'un œil sévère Dans le bien qu'on lui fait le mal qu'on peut lui faire, Voltaire, Brutus, II, 2.

    Absolument. Un homme de talent, s'il est austère, il effarouche, La Bruyère, XII.

    Fig. Effaroucher les pigeons, éloigner d'une maison les personnes qui y apportent profit.

  • 3 Fig. Rendre quelqu'un moins traitable, le choquer. Et ceux que vos rigueurs ne font qu'effaroucher, Corneille, Cinna, IV, 4. Et je n'ai plus un cœur que le crime effarouche, Racine, Théb. III, 6. Ils [les épicuriens] n'ont reconnu des dieux que par bienséance, pour ne pas effaroucher la canaille d'Athènes, Voltaire, Dial. XXIX, 4. Un front cicatrisé par la guerre et le temps Effarouchait en vain mon cœur et mes beaux ans, Voltaire, Soph. I, 3. Elle ne fut ni surprise de sa conquête ni effarouchée d'une prompte déclaration, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 3, dans POUGENS.
  • 4S'effaroucher, v. réfl. Être effarouché. Ce cheval s'est effarouché.

    Fig. Mon cœur s'en effarouche, et j'en frémis d'horreur, Corneille, Hor. II, 3. Vous lui cachez, madame, un secret qui le touche ; Je crains qu'en l'apprenant son cœur ne s'effarouche, Corneille, Nicom. I, 5. Ne t'effarouche pas d'un feu dont je fais gloire, Corneille, Suréna, I, 1. C'est un étrange fait qu'avec tant de lumières Vous vous effarouchiez toujours sur ces matières, Molière, Éc. des f. IV, 8. Les hypocrites n'ont point entendu raillerie ; ils se sont effarouchés d'abord et ont trouvé étrange que j'eusse la hardiesse de jouer leurs grimaces, Molière, Tart. Préface. Je sais que vos attraits, encor dans leur printemps, Pourraient s'effaroucher de l'hiver de mes ans, Voltaire, Mér. I, 3. Le lecteur se scandalise et s'effarouche de tout, Rousseau, Ém. IV.

    Il se dit aussi des sentiments. Que ton ambition ne s'effarouche pas, Corneille, Perthar. III, 4. Je connais sa vertu prompte à s'effaroucher, Racine, Bajaz. I, 4.

HISTORIQUE

XVIe s. S'effaroucher de voir un homme mort, Montaigne, I, 80. Cette sotte humeur de s'effaroucher des formes contraires aux notres, Montaigne, IV, 123. Sans raison quelconque, comme bestes effarouchées, ilz s'alloient eulx mêmes enferrer, Amyot, P. Aemil. 33. Au lieu qu'il avoit trouvé l'isle toute effarouchée, sauvage et haïe par les naturels habitans mesme, Amyot, Timol. 46. Ce bœuf s'effaroucha lors contre le bouvier qui le menoit, Amyot, Dion, 49. S'effaroucher ou s'offenser des paroles, est preuve de grande foiblesse ou d'estre touché de la maladie, Charron, Sagesse, I, 23.

ÉTYMOLOGIE

É- pour es- préfixe, et farouche ; Berry, effourâcher.