« fierté », définition dans le dictionnaire Littré

fierté

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fierté [1]

(fièr-té) s. f.
  • 1Qualité d'un courage fier, intrépidité. Sa fierté l'abandonne, il tremble, il cède, il fuit, Boileau, Lutr. V.

    Au plur. Ah ! si, non plus que vous, je n'ai point le cœur bas, Nos fiertés pour cela ne se ressemblent pas, Corneille, Att. III, 4.

  • 2État d'un esprit fier, qui s'enorgueillit de ses avantages réels ou supposés. Et n'ayant rien de grand qu'une sotte fierté, Boileau, Sat. V. Du nom de fierté noble on orna l'impudence, Boileau, ib. XI. Il avait la fierté de ne vouloir rien tenir de moi, Fénelon, Tél. XII. Tant de jalousies basses et secrètes que nous nous dissimulons par fierté, Massillon, Avent, Jugement. La fierté annoncée par l'extérieur est tellement un défaut que les petits, qui louent bassement les grands de ce défaut, sont obligés de l'adoucir ou plutôt de le relever par une épithète : cette noble fierté, Voltaire, Dict. phil. Fierté. Il [Napoléon] marche longtemps tout agité et l'entraîne sur ses pas, sans que sa fierté puisse se résoudre à rompre un si pénible silence ; elle va céder enfin, mais en menaçant ; il priera qu'on lui demande la paix, comme s'il daignait l'accorder, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 9.

    Au plur. Fiertés, actes de fierté. L'humilité corrigera vos jugements désavantageux et téméraires, vos railleries et vos médisances, vos vaines complaisances et vos fiertés, Bourdaloue, Panég. de St Franç. de Paule, 1. C'était une des fiertés du peuple romain de détester, de mépriser, d'humilier les rois, Champagny, les Césars, Caligula, VIII, 1.

    La fierté d'un vœu, vœu ambitieux. La perte de Sylla n'est pas ce que je veux ; Rome attire encor moins la fierté de mes vœux, Corneille, Sertor. IV, 2.

  • 3Qualité d'une âme fière, hauteur de courage. Leur retraite [des serviteurs de Dieu] en vrais biens se voit toujours féconde, Et trouve un plein repos dans la digne fierté Qui leur fait négliger le monde, Corneille, Imit. III, 10. Cette jeune beauté Garde en vain un secret que trahit sa fierté, Racine, Iphig. I, 2. Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté, Racine, Ath. II, 5. La fierté de l'âme, sans hauteur, est un mérite compatible avec la modestie ; il n'y a que la fierté dans l'air et dans les manières qui choque ; elle déplaît dans les rois même, Voltaire, Dict. phil. Fierté.

    Fig. Il se dit des choses. Et réellement, pendant quelques jours encore, la fierté d'une contenance inébranlable pouvait seule appuyer ses négociations, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 11.

  • 4Il se dit de l'état de l'âme d'une femme qui ne se rend pas à l'amour. Contre un amant qui plaît pourquoi tant de fierté ? Racine, Andr. II, 1. …Oui, je te le confesse, J'affectais à tes yeux une fausse fierté, De toi j'attends ma joie et ma félicité, De ma sanglante mort ta mort sera suivie, Racine, Bajaz. II, 1. Les poëtes ont eu peut-être plus de raison qu'ils ne pensaient : la fierté d'une femme n'est pas simplement la pudeur sévère, l'amour du devoir, mais le haut prix que son amour-propre met à sa beauté, Voltaire, Dict. phil. Fierté. Elle appela la fierté à son secours ; c'est en amour une grande ressource pour les femmes, et qui souvent pour elles fut le supplément de la vertu, Genlis, Mlle de Clermont, p. 100, dans POUGENS.

    Au plur. De maltraiter l'asile et blesser les bontés Où je me suis sauvé de toutes vos fiertés, Molière, Femm. sav. IV, 2.

  • 5 Terme de peinture. Fierté de touche, de coloris. Jules Romain donnait beaucoup de fierté à ses tableaux. Le dorique grec a de la fierté. On a dit quelquefois la fierté du pinceau pour signifier des touches libres et hardies, Voltaire, Dict. phil. Fierté.

HISTORIQUE

XIe s. Puis si chevauchent, Deus ! par si grant fiertet, Ch. de Rol. X.

XIIe s. Par grant fierté [il] a la broine [cuirasse] endossée, Ronc. p. 52. Plus a fierté Herupe et Bretaigne et Touraine Que touz li remenanz que mer cloe et açaine, Sax. XX.

XIIIe s. Or poés oïr estrange fierté que li dus de Venise fist, qui vieils homs estoit et rien ne veoit, Villehardouin, LXXVIII.

XIVe s. Il se pensa que il convendroit que la fierté des courages fust atrempée et amolie par desacoustumance d'armes, Bercheure, f° 13.

XVe s. Et ainsi dura si grant piece cette bataille, que un lyon de grande fierté dust estre lassé, Bouciq. I, 14.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. feritat, ferdad, fertat ; du latin feritatem, de ferus (voy. FIER 3). On trouve aussi, dans les anciens textes, fieror.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. FIERTÉ.
5Ajoutez :

Il se dit aussi au pluriel. La fresque, dont la grâce, à l'autre [peinture à l'huile] préférée, Se conserve un éclat d'éternelle durée, Mais dont la promptitude et les brusques fiertés Veulent un grand génie à toucher ses beautés, Molière, le Val-de-Grâce.