« fier », définition dans le dictionnaire Littré

fier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fier [1]

(fi-é), je fiais, nous fiions, vous fiiez ; que je fie, que nous fiions, que vous fiiez v. a.
  • 1Commettre à la foi de quelqu'un. Je lui fierais tout ce que j'ai au monde. Ciel ! à qui voulez-vous désormais que je fie Les secrets de mon âme et le soin de ma vie ? Corneille, Cinna, IV, 3. Je vous fie son salut en toute assurance, Scarron, Rom. com. II, 19.

    Fig. Cher prince, dont je n'ose en mes plus doux souhaits Fier encor le nom aux murs de ce palais, Corneille, Rodog. III, 3.

  • 2Se fier, v. réfl. Mettre sa confiance. Souvent qui trop se fie aussi trop se hasarde, Rotrou, Antig. II, 4.

    Se fier à quelqu'un ou à quelque chose, s'assurer sur quelqu'un ou sur quelque chose. Le plus sûr est, ma foi, de se fier à nous, Molière, Éc. des mar. I, 1. Il me semble qu'on peut se fier à vos paroles, Sévigné, 42. Je jurai de ne me plus fier aux physionomies, Sévigné, 233. Osée, roi d'Israël, s'était fié au secours de Sabacon, Bossuet, Hist. I, 7. Quoi ! Narcisse, tandis qu'il n'est point de Romaine… Qui, dès qu'à ses regards elle ose se fier, Sur le cœur de César ne les vienne essayer, Racine, Brit. II, 2. Vous fiez-vous encore à de si faibles armes ? Racine, Iphig. V, 2.

    Ne pas se fier à ses oreilles, ne pas croire ce qu'on entend. À peine je me fie encore à mes oreilles, Corneille, Poly. IV, 5.

    Ne pas se fier à ses yeux, ne pas croire ce qu'on voit.

    Se fier à quelqu'un de quelque chose, avoir confiance en quelqu'un pour cette chose. Il y a d'autres esprits d'une plus haute élévation, à qui il [le prince] peut se fier de plus importants emplois et donner une plus noble part en ses desseins, Guez de Balzac, De la cour, 1er disc. Personne À qui de mon secret je m'osasse fier, Régnier, Élég. v. Harpalus à qui le roi s'était fié de la garde des trésors, Vaugelas, Q. C. 554. Seigneur, voulez-vous bien vous en fier à moi ? Corneille, Nicom. IV, 3. S'ils voulaient se fier à la compagnie [au sénat de Rome] de la réparation, Bossuet, Hist. III, 6. Fiez-vous aux Romains du soin de son supplice, Racine, Mithr. v, 5. Ce n'eût pas été au comte de Melford qu'on se fût fié d'un dessein de cette importance, Saint-Simon, 87, 137.

    Se fier en, mettre sa confiance. Ma volonté ne se fie pas en ma mémoire des choses de cette importance-là, et elle me représente à toute heure que j'ai cela à faire, jusqu'à ce qu'il soit fait, Voiture, Lett. 111. Qu'ils [les lecteurs] repassent si longtemps et si souvent cette considération [l'incertitude des sens] en leur esprit, qu'enfin ils acquièrent l'habitude de ne plus se fier si fort en leurs sens, Descartes, Rép. aux secondes object. 67. Je vous manderai toujours sincèrement comme je suis ; fiez-vous en moi, Sévigné, 10 juil. 1675.

    Se fier sur, compter sur. Il se fiait assez sur la modération de ce prince et sur sa propre grandeur pour ne rien craindre de sa part, Perrot D'Ablancourt, Tacite, 174. Ma foi, sur l'avenir bien fou qui se fiera, Racine, Plaid. I, 1. Et lorsque avec frayeur je parais à vos yeux, Que sur mon innocence à peine je me fie, Racine, Brit. II, 3. Sur l'avenir insensé qui se fie, Racine, Athal. II, 9. Je sais vous estimer autant que je vous aime, Et sur votre vertu me fier à vous-même, Voltaire, Zaïre, I, 2.

    Se fier de quelqu'un, compter sur lui (tournure qui a vieilli). Aspathine et Gobrias, les premiers des Perses et de qui plus il se fiait [Otanès], Courier, II, 185. On ne dit plus aujourd'hui celui dont ou duquel je me fie, ni la personne de laquelle je me fie, il faut dire : celui en qui ou à qui je me fie, Acad. Observ. sur Vaugelas, p. 556, dans POUGENS.

    Fiez-vous-y, se dit par antiphrase pour avertir quelqu'un de ne pas se fier à une personne ou à une chose. Oui, fiez-vous-y, à cette physionomie si prévenante, qui disparaît un quart d'heure après, pour faire place à un visage sombre, Marivaux, Jeux de l'amour et du has. I, 1.

    Fig. Nage toujours et ne t'y fie pas, se dit pour faire entendre qu'il faut s'aider soi-même, sans trop compter sur autrui.

HISTORIQUE

XIe s. Et Olivier en qui il tant se fiet, Ch. de Rol. XLIII.

XIIe s. Fiez la moi, ronc. p. 31. Dame, fait-il, ce vous puet moult grever, Que [vous] vous fiés en vostre seigneurage, Quesnes, Romancero, p. 109.

XIIIe s. Tant je me fie à sa grant loiauté, Jà pour autre [elle] ne me devra guerpir, Le Comte D'Anjou, Romanc. p. 124. Car trop en sa biauté se fie Qui atent que fame le prie, la Rose, 7689.

XVe s. Les compaignons de qui il se fioit le plus, Froissart, I, I, 16. Mais jà pour ce trop ne vous y fiez ; C'est tout neant des choses de ce monde, Deschamps, Néant du monde. … tel court est ; foulz s'i fie ; … C'est la destruction D'ame et de corps ; adieu, court, je te lesse, Deschamps, De l'intérieur des cours. Je laisse faire à mon conseil, je me fie en eulx, Commines, II, 6. Pour ce que de tous points ne se fyoit point de ses gens d'armes, Commines, IV, 4.

XVIe s. Je me fie ayséement à la foy d'aultruy, Montaigne, I, 26. Fier une chose à quelqu'un, Montaigne, I, 27. Je me feusse plus volontiers fié à luy de moy, qu'à moy, Montaigne, I, 214. Le duc se fiant [comptant] qu'on n'auroit pas touché à sa bouteille, Montaigne, I, 253. Et duquel il s'estoit toujours fié, Montaigne, III, 304. En trop se fier a danger, Génin, Récréat. t. II, p. 238. Qui ne se fie n'est pas trompé, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 399. De qui je me fie, Dieu me garde, Cotgrave Souvent femme varie, Est bien fou qui s'y fie, François I. La nef qui disjoint nos amours N'aura de moi que la moitié ; Une part te reste, elle est tienne ; Je la fie à ton amitié, Pour que de l'autre il te souvienne, Marie Stuart, Adieux à la France.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. fiar, fizar ; espagn. et portug fiar ; ital. fidare ; verbe roman formé du latin fidus, qui se fie (voy. FOI).