« fiel », définition dans le dictionnaire Littré

fiel

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fiel

(fièl) s. m.
  • 1La bile des animaux, humeur jaune contenue dans une petite vessie adhérente au foie. Frottez-lui [à Tobie] les yeux avec ce fiel de poisson que vous portez avec vous ; car assurez-vous qu'en même temps les yeux de votre père s'ouvriront, et il verra la lumière du ciel, Sacy, Bible, Tobie, XI, 8.

    On ne dit guère le fiel de l'homme ; cependant on dit, chez l'homme comme chez les animaux, vésicule du fiel pour désigner le réservoir de la bile.

    Fiel de bœuf, extrait de fiel, qui sert à enlever les taches de graisse.

  • 2 Fig. Amertumes, chagrins, peine. Que tout seul, s'il se peut, je boive tout le fiel Que répandrait sur vous la colère du ciel, Mairet, Sophon. IV, 1. Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée, Racine, Phèd. IV, 1. Hélas ! mon père [Louis XVI] est mort d'une mort bien amère ; Ses bourreaux, ô mon Dieu, m'ont abreuvé de fiel, Hugo, Odes, I, 5.
  • 3Haine, animosité, humeur caustique. Ils déchargent tout leur fiel sur l'homme, Bossuet, II, Démons, 2. Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévots ! Boileau, Lutr. I. Des sottises du temps je compose mon fiel, Boileau, Disc. au roi. J'avais tantôt rempli d'amertume et de fiel Son cœur déjà saisi des menaces du ciel, Racine, Athal. III, 3. Portant dans le cœur un fiel secret d'amertume contre votre frère, Massillon, Avent, Disp. Ce cœur plein d'amertume Répandait malgré lui le fiel qui le consume, Voltaire, Oreste, II, 6. Luther, Zwingle, Calvin avaient des mœurs farouches ; leurs discours respiraient le fiel, Voltaire, Mœurs, 132. Jamais surtout mon vers, qu'aucun fiel n'envenime, N'immole un honnête homme au besoin d'une rime, Millevoye, à mons. D....

    Plume trempée dans le fiel, manière d'écrire pleine d'amertume et de méchanceté. Je trempai ma plume dans mon fiel, et cela composa une sotte lettre amère, dont je vous fais mille excuses, Sévigné, Lett. à Bussy, 6 juil. 1670. Quel livre de controverse n'a pas été écrit avec le fiel ? Voltaire, Polit. et législ. Avis au public sur les parricides ; des suites de l'esprit de parti.

    On dit dans un sens analogue : langue trempée dans le fiel. Si votre langue n'est pas toujours trempée dans le fiel, Massillon, Carême, Pardon.

    Être sans fiel, n'avoir point de fiel, n'avoir ni méchanceté ni rancune. Vous n'avez non plus de fiel qu'un pigeon, Destouches, Fausse Agn. II, 2. Cette âme sans fiel ne voyait que clémence et miséricorde où les dévots ne voient que justice et punition, Rousseau, Confess. VI. Je n'ai point de fiel, et jamais, je l'espère, la haine n'approchera de mon âme, Picard, Vieille tante, IV, 6.

    Se nourrir de fiel, s'abreuver de fiel, vivre dans le mécontentement, la jalousie, la haine.

  • 4Fiel de verre, écume qui se forme sur les creusets pendant la fusion. Le fiel du verre qui s'élève au-dessus du verre fondu, n'est qu'un mélange de ces impuretés et des sels, Buffon, Min. t. III, p. 339, dans POUGENS.
  • 5 Terme de botanique. Fiel de terre, la fumeterre et la petite centaurée.

HISTORIQUE

XIIe s. C'est deable qu'ore ne fine, Qui es humains cuers met hayne, Fiel, descordance e amertors, Tant qu'il en a fait traïtors, Benoit de Sainte-Maure, II, 11626.

XIIIe s. Et cil donerent en la moie viande fiel, et en la moie soif m'abuvrerent d'aisil [vinaigre], Psautier, f° 81. En moi n'a ne venin ne fiel ; Il ne me remaint rien souz ciel ; Tout va sa voie, Rutebeuf, 26. Car au chief [bout] de neuf jours, les cors de nos gens que il avoient tuez vindrent au desus de l'yaue, et dit l'en que c'estoit pource que les fielz en estoient pourriz, Joinville, 238.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. fel ; espagn. hiel ; ital. fele ; du lat. fel ; comp. le grec χόλος, bile ; allem. Galle, bile.