« foi », définition dans le dictionnaire Littré

foi

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foi

(foi) s. f.
  • 1Fidélité, exactitude à remplir ses engagements ; et, par extension, assurance, serments, protestations de loyauté. Si j'en obtiens l'effet, je t'engage ma foi De ne respirer pas un moment après toi, Corneille, Cid, III, 4. Aucun de tes amis ne t'a manqué de foi, Corneille, Cinna, III, 4. Ma foi m'engage ailleurs aussi bien que la vôtre, Corneille, Héracl. I, 4. Mais c'est trop que d'en croire un Romain sur sa foi, Corneille, Nicom. II, 3. Avec beaucoup de foi le traité s'exécute, La Fontaine, Fianc. Je veux m'abandonner à la foi de ma femme, Molière, Éc. des mar. I, 3. Cultivez vos amis, soyez homme de foi, Boileau, Art p. IV. Si la foi dans son cœur retrouvait quelque place, Racine, Andr. II, 1. Ta foi dans mon malheur s'est montrée à mes yeux, Racine, ib. IV, 1. Et moi, si mon devoir, si ma foi ne l'arrête…, Racine, Bajaz. I, 1. Je ne reconnais plus la foi de vos discours Qu'au soin que vous prendrez de m'éviter toujours, Racine, Mithr. II, 6. Quoi ! de quelque côté que je tourne la vue, La foi de tous les cœurs est pour moi disparue, Racine, ib. III, 4. Ah ! sans doute on s'en peut reposer sur ma foi, Racine, Iphig. III, 6. Manquant à la foi qu'elle avait donnée à mon père, Fénelon, Tél. VII. Cet esclave chrétien Qui, sur sa foi, seigneur, a passé dans la France, Voltaire, Zaïre, I, 3. Est-ce là cette foi si pure et si sacrée Qu'à mon époux, qu'à moi votre bouche a jurée ? Voltaire, Mér. I, 3. Charles se défia toujours des promesses du monarque, et se livra à la foi du chevalier, Voltaire, Mœurs, 125. On a déjà vu que la maxime s'était introduite, de ne pas garder la foi aux hérétiques, on en concluait qu'il ne fallait pas la garder aux Mahométans, Voltaire, ib. 89.

    La foi des traités, des engagements, du serment, des serments, etc. l'assurance que l'on donne de quelque chose par les traités, les engagements, etc. Il veut que d'un festin la pompe et l'allégresse Confirment à leurs yeux la foi de nos serments, Racine, Brit. V, 1.

    Fig. Sur la foi des traités, selon la confiance établie entre les honnêtes gens.

    Donner sa foi, faire une promesse solennelle. Non, seigneur, j'en réponds, et vous donne ma foi Que personne jamais n'aura pouvoir sur moi, Molière, D. Garc. V, 5. Oui, je vous ai promis et j'ai donné ma foi de n'oublier jamais tout ce que je vous dois, Racine, Bajaz. III, 5.

    Jurer sa foi, affirmer par serment. Jurez-en votre foi, Molière, Mar. f. 2. Il vous aime très chèrement, il en jure sa foi, Sévigné, 381.

    Foi de Bohême, la foi que les voleurs se gardent entre eux.

    Foi de gentilhomme, foi d'honnête homme, etc. façons de parler dont on use pour attester plus fermement quelque chose.

    Foi de, sur ma foi, par ma foi, ma foi, locutions affirmatives de ce qu'on dit ou de ce qu'on avance. Foi de peuple d'honneur ils lui promirent tous De ne bouger non plus qu'un terme, La Fontaine, Fabl. IX, 19. Quel autre art de penser Aristote et sa suite Enseignent-ils, par votre foi ? La Fontaine, ib. XI, 9. Il épouse Mademoiselle, ma foi, par ma foi, ma foi jurée, Sévigné, 9. Ma foi ! sur l'avenir bien fou qui se fiera ! Racine, Plaid. I, 1. Les précautions n'y font, ma foi, rien, Hamilton, Gramm. 9. Mais de la maison, ma foi, Le plus beau lit fut pour moi, Béranger, Sénat.

  • 2 Terme de féodalité. Foi et hommage, serment de fidélité que le vassal prêtait entre les mains du suzerain.

    Homme de foi, le vassal qui doit foi et hommage.

    Terme de blason. Foi se dit de deux mains jointes en signe d'alliance.

    Terme de fauconnerie. Laisser aller un oiseau sur sa foi, lui donner plus de filière, pour le réclamer en liberté.

  • 3Foi conjugale, la promesse de fidélité que les deux époux se font au moment du mariage. De te garder la foi du mariage, La Fontaine, Rich. Je sais qu'ils [les sultans] se sont fait une superbe loi De ne point à l'hymen assujettir leur foi, Racine, Bajaz. I, 3.

    Consentement au mariage, dans le langage de la poésie et de la prose élevée. Je le veux de ma main présenter à Chimène, Et que pour récompense il reçoive sa foi, Corneille, Cid, IV, 5. Oui, c'est elle en un mot, dont l'adresse subtile La nuit reçut ta foi sous le nom de Lucile, Molière, le Dép. V, 9. Le jour où j'obtins sa foi [de ma femme], Un sénateur vint chez moi, Béranger, Sénateur.

  • 4Bonne foi, qualité de celui pour qui la foi est toujours sacrée, et, plus généralement, la sincérité, la franchise. Rien n'est si dangereux que trop de bonne foi, Corneille, Sertor. IV, 3. Ne m'allez pas tromper, je vous prie ; il y aurait de la conscience à vous, et vous voyez comme j'y vais à la bonne foi, Molière, D. Juan, II, 2. L'ardeur de s'enrichir chassa la bonne foi, Boileau, Épître IX. J'ai tenu ma parole, j'ai été ami et ennemi de bonne foi, Fénelon, Dial. des morts mod. Richelieu, Mazarin. Les princes alliés veulent agir de bonne foi avec nous, Fénelon, Tél. XX. Nous voudrions savoir si nous sommes de bonne foi revenus à Dieu, Massillon, Car. Passion. Êtes-vous de bonne foi dans cette résolution ? Massillon, Car. Confess. L'évêque du Mans, du Crevy, disait : Je n'ai jamais lu le livre de Quesnel, mais j'en ai entendu dire beaucoup de bien ; et si, par notre acceptation de la bulle, nous avons mis la foi à couvert, nous n'y avons pas mis la bonne foi, Duclos, Règne Louis XIV, Œuv. t. v, p. 133, dans POUGENS.

    Laisser quelqu'un sur sa bonne foi, le laisser maître de sa conduite, ne pas le surveiller. On laisse ce jeune homme sur sa bonne foi.

    On dit dans le même sens : être sur sa bonne foi, sur sa foi.

    Autrefois on a dit sous et non sur. Et le mettre en état, dessous sa bonne foi, De régner en ma place ou de périr pour moi, Corneille, Héracl. IV, 1.

    Cet homme est fait à la bonne foi, ou il vit à la bonne foi, c'est-à-dire il est assez niais pour se fier aux apparences, ou pour croire tous ceux qui lui donnent des paroles.

    Être de bonne foi, être trop confiant. Ne soyez pas, ma sœur, d'une si bonne foi, Molière, Femmes sav. I, 1.

    En jurisprudence, bonne foi, la conviction où l'on est que l'on exerce un droit légitimement, dans les conditions légales. Possesseur de bonne foi, celui qui possède en vertu d'un titre dont il ignore les vices.

    En bonne foi, de bonne foi, manière d'en appeler à la franchise, à la justice. En bonne foi, crois-tu, sans t'éblouir les yeux, Avoir de grands sujets de paraître joyeux ? Molière, Mis. III, 1. De bonne foi, voulez-vous que Dieu oublie les crimes ? Massillon, Car. Pardon. Je demande en bonne foi si cette espèce d'héroïsme est comparable à celui de Caton, de Cassius, Voltaire, Olympie, remarque de l'acte V.

    De bonne foi, en bonne foi, sincèrement. C'est-à-dire que cette grâce suffit, quoiqu'elle ne suffise pas ; c'est-à-dire qu'elle est suffisante de nom et insuffisante en effet ; en bonne foi, cette doctrine est subtile, Pascal, Prov. 2. De bonne foi, madame, répliquai-je, je n'en sais rien, Fontenelle, Mondes, 2e soir.

    On dit dans le même sens : de la meilleure foi du monde. Il vous assure cela de la meilleure foi du monde.

    Mauvaise foi, déloyauté, absence de franchise, de sincérité. La mauvaise foi de ce débiteur. Homme de mauvaise foi. La mauvaise foi d'un récit. Faire provision de quelques dés de mauvaise foi, Hamilton, Gramm. 3.

    Il se dit de même en jurisprudence. Possession de mauvaise foi. C'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.

  • 5Valeur du témoignage rendu, véracité. Certainement nous ferions difficulté de croire ces choses sur la foi d'autrui, Guez de Balzac, liv. II, lett. 1. Ordinairement ils [les catholiques] négligent trop les livres de controverse ; appuyés sur la foi de l'Église, ils ne sont pas assez soigneux de s'instruire dans les ouvrages où leur foi serait confirmée, et où ils trouveraient les moyens de ramener les errants, Bossuet, Confér. avec Claude, avertissement. Je puis attester ici la foi publique : ceux qui eurent besoin de son secours trouvèrent-ils jamais entre eux et lui des barrières impénétrables ? Fléchier, Lamoignon. Attribuant tout le succès de cette négociation au sophiste Libanius contre la foi de l'histoire et contre le témoignage des auteurs contemporains, Fléchier, Hist. de Théod. III, 85.

    Faire foi, prouver, témoigner. Acte qui fait foi en justice. [Ils] Nous content qu'ils sont fils d'Hercule Sans toutefois en faire foi, Malherbe, VI, 8. Je le repousserai d'un air qui fera foi Qu'on ne doit pas manquer de respect à son roi, Tristan, Mariane, II, 5. Oui, je veux que de tout vos yeux vous fassent foi, Molière, Mis. III, 7. Mon Dieu ! laissons là le mérite ; J'en ai fort peu sans doute et vous en faites foi, Molière, Tart. II, 4. Les histoires grecques font foi que cette philosophie venait d'Orient, Bossuet, Hist. II, 5. Dans les champs phrygiens les effets feront foi Qui la chérit le plus ou d'Ulysse ou de moi, Racine, Iphig. I, 2. L'état où il paraissait, son sang, ses plaies faisaient foi pour lui, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 71, dans POUGENS. Qui croirait qu'il lui en coûta [à Henri IV] trente-deux millions numéraires de son temps pour payer les prétentions de tant de seigneurs ? les mémoires du duc de Sully en font foi, Voltaire, Mœurs, 174.

    Dans le langage des certificats. En foi de quoi j'ai signé le présent certificat, c'est-à-dire pour attester telle chose j'ai signé.

    Fig. Sur la foi de, en se confiant, en croyant à… Sur la foi de ses pleurs je n'ai rien craint de vous, Corneille, Rodog. v, 4. Et nous qui jugeons tout sur la foi de nos yeux, Corneille, Sertor. III, 2. Le plus sage s'endort sur la foi des zéphyrs, La Fontaine, Él. aux nymphes de Vaux. Sur la foi de ses pleurs ses esclaves tremblèrent, Racine, Bajaz. I, 1. Et qui ne se serait comme moi déclarée Sur la foi d'une amour si saintement jurée ? Racine, Andr. II, 1. Un roi dont la grandeur éclipsa ses ancêtres Crut pourtant, sur la foi d'un confesseur normand, Jansenius à craindre et Quesnel important, Voltaire, Loi nat. IV.

  • 6Créance que l'on accorde aux hommes ou aux choses. Je doutais qu'un secret n'étant su que de moi Sous un tyran si craint pût trouver tant de foi, Corneille, Hérac. II, 6. Quiconque le peut croire ainsi que vous et moi, S'il a manque de sens, n'a pas manque de foi, Corneille, le Ment. III, 2. Venez, divin mortel, sa [de Démocrite] folie est extrême ; Hippocrate n'eut pas trop de foi pour ces gens, La Fontaine, Fabl. VIII, 26. Beaucoup de gens ont une ferme foi Pour les brevets…, La Fontaine, Orais. Quoiqu'à leur nation bien peu de foi soit due, Molière, l'Ét. II, 13. Mais je n'ai point pris foi sur ces méchantes langues, Molière, Éc. des f. II, 6. Mme de Montmorenci avait dans Bordeu une foi dont son fils finit par être la victime, Rousseau, Conf. X. J'ai foi à vos discours où le mensonge n'entre pas, Courier, au rédacteur de la Quotidienne.

    Ajouter foi, et, quelquefois, prêter foi, croire, donner créance. À Phorbas ajouteriez-vous foi ? Corneille, Œdipe, IV, 2. Ils ajoutaient foi aux fausses prédictions, Bossuet, Hist. II, 8. À ces discours trompeurs le monde ajoute foi, Boileau, Sat. X.

    Avoir foi en soi-même, croire en soi, être plein de confiance dans son habileté, son succès, etc. Il se trouble à l'éclat de sa grandeur suprême, Il s'impose, il s'adore, il a foi dans lui-même, Delavigne, Paria, I, 2.

    En foi, en confiance. Si l'on vous presse d'aller à Paris, marchez en foi, Bossuet, Lett. Corn. 65.

  • 7Croyance aux dogmes de la religion. Les premiers disciples de la foi. La propagation de la foi. Qui fuit croit lâchement et n'a qu'une foi morte, Corneille, Poly. II, 6. Il est impossible de plaire à Dieu sans la foi ; car, pour s'approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu'il y a un Dieu, Sacy, Bible, St Paul, Ép. aux Hébr. XI, 6. Combien aura-t-il plus de soin de vous vêtir, ô homme de peu de foi ! Sacy, Bible, Év. St Matthieu VI, 30. Si jamais l'on peut dire que la voie du chrétien est étroite, c'est, messieurs, durant les persécutions ; car que peut-on imaginer de plus malheureux que de ne pouvoir conserver la foi, sans s'exposer au supplice, ni sacrifier sans trouble, ni chercher Dieu qu'en tremblant ? Bossuet, Reine d'Anglet. Nous voyons en Louis non un roi, mais un serviteur de Jésus-Christ et un prince qui s'élève au-dessus des hommes plus encore par la foi que par sa couronne, Bossuet, Marie-Thér. Les gages de l'amour divin, en eux-mêmes, sont indépendants de notre foi ; seulement il faut notre foi pour en profiter, Bossuet, Var. IX, § 32. Pour être assuré d'avoir cette foi vive qui opère la véritable conversion du cœur, il faudrait être assuré que le péché ne règne plus en nous, Bossuet, ib. I, § 16. Une foi vive est le fondement de la stabilité que nous admirons ; car d'où viennent nos inconstances, si ce n'est de notre foi chancelante ? Bossuet, Marie-Thér. La foi est donc un soutien, mais des choses qu'on doit espérer ; c'est une pleine conviction de ce qui ne paraît pas, Bossuet, ib. Mais qui eût pu refuser l'eucharistie à l'innocence, et Jésus-Christ à une foi si vive et si pure ? Bossuet, ib. Siècle vainement subtil… où tant d'âmes insensées cherchent leur repos dans le naufrage de la foi, et ne font d'effort contre elles-mêmes que pour vaincre, au lieu de leurs passions, les remords de leur conscience, Bossuet, Ann. de Gonz. Croyons donc avec saint Jean en l'amour d'un Dieu ; la foi nous paraîtra douce, en la prenant par un endroit si tendre, Bossuet, Anne de Gonz. Il faut imposer silence à nos pensées, à nos discours et à notre raison, et entrer avec Moïse dans la nuée, c'est-à-dire dans les saintes ténèbres de la foi, pour connaître Dieu et ses vérités, Bossuet, 1er serm. Quinquag. 1. Il est essentiel à la foi de ne pas voir et de croire ce qu'on ne voit pas, Bourdaloue, Pens. t. I, p. 156. De même que la foi vivifie les œuvres, on peut dire que les œuvres vivifient la foi, Bourdaloue, ib. p. 178. Le concile de Trente, voulant nous donner une idée exacte de la foi, s'est servi de trois paroles bien remarquables, lorsqu'il nous déclare que la foi est le commencement, le fondement et la racine de notre justification, Bourdaloue, 3e dim. après l'Épiph. Dominic. t. I, p. 133. La nation chérie a violé sa foi, Racine, Esth. I, 4. La foi qui n'agit point est-ce une foi sincère ? Racine, Ath. I, 1. Armez-vous d'un courage et d'une foi nouvelle ; Il est temps de montrer cette ardeur et ce zèle Qu'au fond de votre cœur mes soins ont cultivés Et de payer à Dieu ce que vous lui devez, Racine, ib. IV, 2. Je dis que la foi est absolument nécessaire à l'homme dans les voies ténébreuses de cette vie, Massillon, Car. Vér. de la religion. Les Asiatiques ne peuvent croire que par la foi le voyage de Mahomet dans les sept planètes, les incarnations du dieu Fo, de Vitsnou, de Xaca, de Brama, de Sommonacodom, Voltaire, Dict. phil. Foi. Le dieu des humbles fois descend du ciel sur nous, Lamartine, Joc. VI, 230.

    Fig. Je ne pouvais croire qu'il fût possible qu'elle [Mlle de Rambouillet] eût rencontré à écrire si bien de cette sorte [dans le style des romans de chevalerie], n'ayant jamais lu de cette manière de livres ; mais c'est par foi qu'il faut la connaître, et non pas par raison, Voiture, Lett. 30.

    Planter la foi dans un pays, y introduire la religion chrétienne.

    Avoir la foi, être convaincu de la vérité d'une religion, et, en particulier, de la religion chrétienne. Vous vous convertiriez si vous aviez la foi, Massillon, Avent, Délai. Quand on a de la foi et qu'on est touché de la gloire de Dieu, Massillon, Carême, Mélange.

    Foi divine, celle qui est fondée sur la révélation ; foi humaine, celle qui est fondée sur le témoignage des hommes.

    Foi de saint Thomas, celle qui ne s'accorde que quand on a vu et touché, ou reconnu vrai par quelque épreuve, par allusion à Thomas, qui dans l'Évangile ne veut croire à Jésus ressuscité que quand il l'a touché. Voilà de ces cas où il ne faut avoir de foi que celle de saint Thomas, et demander à voir et à toucher, Voltaire, Lett. duch. de Hesse-Cassel, 14 mai 1754.

    La foi, avec l'espérance et la charité, est une des trois vertus théologales.

    Le mérite de la foi, le mérite qu'il y a à croire les mystères de la religion, sans y employer la raison ou la science. Comme le mérite de la foi est de nous faire espérer contre l'espérance même…, Bourdaloue, Carême, sur la Providence. On dit que Fra Paolo ne voulut pas jeter les yeux sur le livre d'un de ses amis qui démontrait la vérité des dogmes pour ne pas perdre le mérite de la foi, Voltaire, Lett. Constant de Rebecque, le.... 1773.

    La foi du charbonnier, foi ferme, mais sans science. On tire ce proverbe d'un conte : un charbonnier, étant enquis par le diable de ce qu'il croyait, lui répondit toujours : je crois ce que l'Église croit. La foi du centenier, la foi du charbonnier sont passées en proverbe ; je suis soldat et bûcheron, c'est comme charbonnier, Courier, Lett. à l'Acad. des inscr.

    Familièrement. N'avoir ni foi ni loi, n'avoir ni religion ni morale. Un coupe-gorge où il n'y a ni foi ni loi, Sévigné, 597. Qui méprise Cotin n'estime point son roi, Et n'a, selon Cotin, ni dieu, ni foi, ni loi, Boileau, Sat. IX.

  • 8L'objet de la foi, les dogmes d'une religion, cette religion même. Ses aumônes se répandaient de toutes parts jusqu'aux dernières extrémités de ses trois royaumes ; et, s'étendant, par leur abondance, même sur les ennemis de la foi, elles adoucissaient leur aigreur et les ramenaient à l'Église, Bossuet, Reine d'Anglet. Nous croyons, dit l'apôtre, et nous confessons l'amour que Dieu a pour nous ; c'est là toute la foi des chrétiens ; c'est la cause et l'abrégé de tout le symbole, Bossuet, Anne de Gonz. Il reste la foi qui est la plus noble de toutes les connaissances, parce qu'elle a l'autorité de la révélation, Fléchier, II, 156. Il [Théodose] ordonnait que la foi de Nicée fût généralement reçue et approuvée dans toute l'étendue de son empire, Fléchier, Hist. de Théod. II, 1. Il est de foi que tous ceux qui ne vivront pas dans la vigilance chrétienne, seront surpris par une ruine prompte et inévitable, Fénelon, t. XVII, p. 208. Il lisait beaucoup sur les matières de religion, car sa piété était éclairée, et il accompagnait de toutes les lumières de la raison la respectable obscurité de la foi, Fontenelle, Dodart. Martyr, ainsi que moi, de la foi de mes pères, Voltaire, Zaïre, II, 3.

    Profession de foi, exposition des dogmes ou principes que l'on tient pour orthodoxes.

    Profession de foi a passé dans le langage général, où il signifie toute déclaration de principes auxquels on adhère, et, particulièrement, la déclaration qu'un candidat fait de ses opinions, de ses principes. Il a envoyé aux électeurs sa profession de foi.

    Règle de foi, s'est dit quelquefois, dans le langage ecclésiastique, pour profession de foi. On a dit aussi confession de foi.

    Articles de foi, les différentes parties d'un symbole, d'une profession de foi.

    Familièrement. Croire une chose comme un article de foi, la croire fermement.

    Croire tout comme article de foi, être fort crédule.

    Fig. Ce n'est pas article de foi, se dit d'une chose indigne de croyance.

  • 9Armée de la foi, bandes espagnoles qui se formèrent en 1820 pour renverser la constitution de 1812, et défendre le roi et la foi. M. le maire est le télégraphe de notre commune ; en le voyant on sait tous les événements ; lorsqu'il nous salue, c'est que l'armée de la foi a reçu quelque échec, Courier, Gazette du village, n° 4.
  • 10Ancien terme d'optique. Ligne de foi, la ligne, qui, partant du centre de l'objet, tombe perpendiculairement sur le centre du verre de la lunette avec laquelle on le regarde.

    Terme d'horlogerie. La ligne de l'alidade qui passe toujours par le centre de la graduation (voy. LIGNE n° 15).

HISTORIQUE

XIe s. Serai ses hom par amor et par feid, Ch. de Rol. VI. Que l'uns à l'autre la sue feit plevist [engageât], ib. XX.

XIIe s. Par foi [par ma foi], Ronc. p. 25. Par ma foi, Guenes, vous avez blasme grant, ib. p. 181. Il boissa [trompa] le roi Charle et sa foi lui menti, ib. p. 192. Onques [je] ne chantai faintement ; Ma bone foi m'en a gardé, Couci, p. 121. Se vostre home vous veulent par droite foi aidier, Sax. VI. L'arcevesque respunt senz ire e senz desrei ; Richarz, tu es mis huem : si me deis porter fei, Th. le mart. 51.

XIIIe s. Cil jurerent seur sains le message à tenir en bonne foi, Villehardouin, LV. Je vous pri sur la foy que vous m'avez jurée, Berte, X. De foy et de creance enterine et meüre, ib. XLII. Dame, foy que je doi au cors saint Nicolas, Berte est la mieudre ouvriere…, ib. LVII. Je lo [conseille] en bonne foy que nous nous en aillons, ib. LXXVII. Je n'i sui pas tenus, s'on ne me fet foi que li escrit sunt perdu…, Beaumanoir, XL, 32. Et qui edefie en heritage qu'il tient par cause de male foi, cil qui par bone cause le gaaigne, a les edefices sans riens rendre, Beaumanoir, XX, 3. Noz avons veu apeler de foi mentie, Beaumanoir, LXI, 63. Nus hom ne puet [peut] venir à beatitude se par foi non, Latini, Trésor, p. 461.

XIVe s. Nus ne quens [comte] ne bers [baron] ne autres ne puet donner son homme de foi [vassal], se n'est à son frere ou à sa suer, Ordonn. t. I, p. 204.

XVe s. Et firent les princes et seigneurs leur foy humblement les genoulx à terre, Commines, V, 18.

XVIe s. L'ancienneté de l'Escriture n'est pas de petite importance, pour nous y faire adjouster foi, Calvin, Inst. 38. Cela ne blesse en rien nostre foi, Calvin, ib. 103. La foi souvent vaut autant à dire comme saine et pure doctrine quant à la religion, Calvin, ib. 429. La foy est une vision des choses qui ne se voyent point, Calvin, ib. 321. Foy morte [sans œuvres], Calvin, ib. 642. Je me fie aysement à la foy d'aultrui, Montaigne, I, 26. Observer la foy donnée, Montaigne, I, 27. [Témoins] dignes de foy, Montaigne, I, 202. Ils enregistrent, à la bonne foy, toutes choses sans chois, Montaigne, II, 110. Il n'a rien desguisé, de quoy font foy les libres jugements que…, Montaigne, II, 112. Possesseur de malle foi ne peut prescrire, Loysel, 730. Les vices qui ont pris pied ne s'en vont point (comme on dit) à la bonne foy ; il faut les pousser dehors, Lanoue, 104. On remarquera quelques evenements qui font foy que ce que j'ay mis en avant n'est pas impossible, Lanoue, 316. Je n'estois pas sur mes armes, je n'avois qu'une petite foi de gentilhomme [petit couteau qui attestait la noblesse par le droit de sortir armé], D'Aubigné, Faen. II, 3. Je lui appris à parler de la gorge, à peigner ses cheveux, à dire : ma foy hay, au lieu de ma foy, D'Aubigné, Conf. II, 1. Fiefs nobles escheuz à gens roturiers par succession directe, se departent par teste jusqu'à ce qu'ils viennent à la tierce foi [c'est-à-dire à la troisième génération] ; et quand ils sont en tierce foy, y prend l'ainé tel avantage comme font les gens nobles, Coust. génér. t. II, p. 277.

ÉTYMOLOGIE

Berry, foué ; pic. et lorrain, fi ; franc-comt. fay ; provenç. espagn. et portug. fe ; ital. fede ; du latin fides, de même radical que le grec πείθ-ειν, persuader.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FOI.
10Ligne de foi, voy. LIGNE, n° 15, où ce qu'est la ligne de foi est mieux expliqué.
11En termes juridiques, faire foi à, accorder pleine confiance à. Attendu qu'A… et Ce, banquiers à Boulogne, attestent ces faits, et ajoutent que les titres appliqués à D… sont toujours restés depuis dans leur caisse ; qu'il y a lieu de faire foi à cette déclaration et d'admettre la continuité de possession à D…, Gaz. des Trib. 25-26 janv. 1875, p. 81, 4e col.