« fortuné », définition dans le dictionnaire Littré

fortuné

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fortuné, ée

(for-tu-né, née) adj.
  • 1Bien traité de la fortune ou du sort. Ne plaignons plus les disgrâces qui font sa félicité ; si elle avait été plus fortunée, son histoire serait plus pompeuse, mais ses œuvres seraient moins pleines ; et, avec des titres superbes, elle aurait peut-être paru vide devant Dieu, Bossuet, Reine d'Anglet. Le monde, voyant un homme qui a ce qu'il veut, s'écrie avec un grand applaudissement : Qu'il est heureux ! qu'il est fortuné ! Bossuet, Sermons, Providence, 2. [ô roi] vivez heureux, fortuné, victorieux de vos ennemis, père de vos peuples ; mais vivez toujours bon et toujours juste, Bossuet, Sermons, Jugement dern. 2. Plus habile que grand, plus fortuné qu'habile, En triomphant d'un peuple il a vécu tranquille, Chénier M. J. Tibère, I, 4.

    Substantivement. Pour vous, fortunés du siècle, à qui la faveur, les richesses, le crédit et l'autorité fait trouver la vie si commode…, Bossuet, Panég. Ste Thér. 3.

    Particulièrement. Celui qui a les bonnes grâces d'une dame. Je suis le misérable, et toi le fortuné, Molière, Mis. III, 1. Oh ! le bon billet, s'écriait-elle [Ninon], qu'a la Chatre ! son fortuné à la fin lui demanda ce que cela voulait dire, Saint-Simon, 151, 203.

  • 2Qui a le caractère de la bonne fortune, du bonheur. Siècle fortuné. Région fortunée. Enfin il a poussé nos armes fortunées Jusques à vous réduire au pied des Pyrénées, Corneille, Sertor. V, 1. Fêtes sacrées, mariage fortuné, voile nuptial, bénédiction, sacrifice, puis-je mêler aujourd'hui vos cérémonies et vos pompes avec ces pompes funèbres et le comble des grandeurs avec leurs ruines ? Bossuet, Marie-Thér. La suite trop fortunée de ses entreprises [de Cromwell], Bossuet, Reine d'Anglet. …Et d'un bras fortuné Bénit subitement le guerrier consterné, Boileau, Lutr. v.

    Îles Fortunées, ancien nom des îles Canaries.

  • 3 S. f. Fortunée, sorte de poire.

REMARQUE

Fortuné ne doit pas être employé pour riche ; c'est une faute née de ce que fortune, entre autres significations, a celle de richesse. Dans la logique du peuple, un homme fortuné est nécessairement un homme riche ; c'est un barbarisme très commun dans la langue, et qui provient d'une erreur très commune dans la morale, Ch. Nodier, dans le Dict. de POITEVIN.

SYNONYME

FORTUNÉ, HEUREUX. Celui qui est fortuné a reçu les faveurs de la fortune ; celui qui est heureux, jouit du bonheur. Tandis que être heureux se prend dans le sens d'avoir des chances favorables, fortuné n'admet pas cet emploi ; on est heureux au jeu, mais non fortuné. De plus, fortuné signifie à qui tout réussit, et heureux indique plutôt l'état paisible et satisfait de l'âme : un pauvre qui se contente de ce qu'il a peut être heureux ; il n'est pas fortuné.

HISTORIQUE

XVe s. Le jeune roi Edouard qui tant a esté heureux et fortuné en armes, Froissart, I, I, 27.

XVIe s. Tous soldats qui sont fortunez [qui ont été privés] à la guerre de leurs membres, à faulte desquels ils ne peuvent plus porter les armes, Carloix, III, 9. Pauvre, chetive, malheureuse, Et fortunée que je suis, Belleau, la Reconnue, IV, 1. Ceux-là [des forçats] sont, au prix d'eux [ceux qui servent un maître], fortunez et aulcunement libres, La Boétie, Servitude volontaire.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. fortugné ; du latin fortunatus, de fortuna, fortune. Fortuné, dans l'ancien usage, avait aussi bien le sens de malheureux que celui d'heureux, en raison du double sens qu'avait fortune.