« fumier », définition dans le dictionnaire Littré
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fumier
- 1La paille qui a servi de litière aux animaux domestiques, s'est mêlée avec leur fiente, s'est imbibée de leur urine et s'est ensuite décomposée par la fermentation. Ôter le fumier d'une écurie.
Le fumier employé à propos et suivant sa qualité, supplée en partie aux labours ; les labours peuvent-ils suppléer au fumier ? je ne le crois pas pour les terres légères
, Raynal, Hist. phil. XIV, 38.Fumier long, pailleux, blanc, vert, fumier non décomposé et où la paille est encore dans toute sa longueur.
Fig.
Ils [les laquais enrichis] relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les terres montagneuses et arides
, Montesquieu, Lett. pers. 98. - 2Il se dit abusivement de différents engrais tels que les excréments d'animaux, la gadoue, les matières animales ou végétales en putréfaction, les balayures des rues ou des cours, les curures des rivières ou des fossés, etc.
On appelle encore fumier les herbes qu'on laisse faner sans les faire manger, ou le foin qu'on ne recueille pas dans la saison.
Fumier local, synonyme de récoltes enterrées.
- 3Amas de fumier que l'on forme dans un trou, dans une fosse ; tas de fumier qui est dans une cour. Allez jeter cela sur le fumier.
Hardi comme un coq sur son fumier, se dit d'un homme qui se prévaut de l'avantage qu'il a d'être chez lui.
Fig. Il ne faut pas l'attaquer sur son fumier, il ne faut pas l'attaquer chez lui, là où il est le plus fort.
Être comme Job sur son fumier, être réduit au dernier degré de misère et de souffrance.
Quand vous seriez sur le fumier comme Job, si vous avez Dieu, vous avez tout
, Massillon, Carême, Pâques.Alors semblable à l'ange envoyé du Très Haut, Qui vint sur son fumier prendre Job en défaut
, Lamartine, Harm. IV, 11.Mourir sur un fumier, mourir dans la misère après avoir perdu tout son bien.
Fig. La pourriture commune des corps morts.
Je rêvais cette nuit que, de mal consumé, Tout à côté d'un pauvre on m'avait inhumé, Que, ne pouvant souffrir un pareil voisinage, En mort de qualité je lui tins ce langage : Qui te rend si hardi de m'approcher ainsi ? Retire-toi, coquin, va pourrir loin d'ici. - Coquin ! ce me dit-il, d'une arrogance extrême ; Va chercher tes coquins ailleurs ; coquin toi-même ; Ici tous sont égaux, je ne te dois plus rien ; Je suis sur mon fumier comme toi sur le tien,
Le Pére Patrix. - 4 Fig. Misère et abjection.
Les uns [les saints] se sont sauvés dans l'obscurité, les autres dans l'élévation… les uns sur le fumier, les autres sur le trône
, Massillon, Carême, Évid. de la loi.Destinés à finir un jour leur misère sur la roue ou sur le fumier
, Rousseau, Orig. notes. - 5 Fig. Se dit de ce dont on ne fait aucun cas.
Qui suit bien ses leçons goûte une paix profonde, Et comme du fumier regarde tout le monde
, Molière, Tart. I, 6.Je sentais tout son fumier [de d'Antin], mais je n'en pouvais ignorer les perles qui y étaient semées
, Saint-Simon, 421, 80.Littérairement, ce qui est grossier inculte. Virgile tirait des perles du fumier d'Ennius.
PROVERBES
L'œil du fermier vaut du fumier.
Épands ton fumier près, et marie ta fille loin, c'est-à-dire soigne ton avoir et garde-toi des tracas.
SYNONYME
FUMIER, ENGRAIS. Engrais est le terme le plus général ; il se dit de tout ce qui engraisse la terre. Le fumier est la litière des animaux d'étable ou d'écurie avec leurs excréments. Engrais peut se prendre pour fumier ; mais fumier ne se prend qu'abusivement pour engrais. La gadoue est un engrais et non un fumier.
HISTORIQUE
XIIe s. Toz jors doit puir [puer] li fumiers, Et felons enuier et nuire
, Chrestien de Troyes, Chev. au lyon, v. 115. Et cil reversent le fien… Renoars vit le femier reverser
, Bat. d'Aleschans, v. 4003-7. Seanz el fembrier
, Job, p. 450.
XIIIe s. Qui vodroit un femier covrir De dras de soie ou de floretes
, La Rose, 8946.
XIVe s. Hors de là [du Guesclin évanoui] fu portez à force et à exploit, Et mis en un fumier qui chaux et bon estoit, Tant qu'il revint à lui et ses membres tiroit
, Guesclin. 3624-3704. Et teles personnes ypocrites ressemblent l'ort fumier lait et puant que l'on cuevre de drap d'or et de soie
, Ménagier, I, 3.
XVe s. Ilz nous sont venuz assaillir sur nostre fumier, montrons deffense comme fait le chien
, Perceforest, t. III, f° 47. Folye fait envahir le chien sur son fumier [la folie fait entreprendre des choses dangereuses]
, ib. t. v, f° 60.
XVIe s. Aucuns laissent macerer et tremper l'espace de huit ou dix jours au baing marie, ou bien au ventre de cheval, c'est à dire au fumier, l'espace d'un mois
, Paré, XXVI, 15. En son fumier cheval engraisse quand il y repose à son aise
, Génin, Récréat. t. II, p. 238. Dans l'argile, sable vaut fumier
, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 75. Et plus met on de paille en l'estable et plus y a de fumier
, Leroux de Lincy, ib. Labour d'esté vaut fumier
, Leroux de Lincy, ib.
ÉTYMOLOGIE
Bourg. femei ; du bas-lat. fimarium, dérivé de fimus, fumier. Pour la corruption de la voyelle radicale de femier, voy. FUMER 2. Le provençal a femorier, fermorier, femorie, fomorie. Fimus avait donné régulièrement fien, en provençal fem, femp. Fimus semble avoir le même radical que fumus, fumée, ainsi dit probablement à cause de la fumée qui en sort ; du moins suffire, suffimen portent à croire que l'u de fumus a pu se changer en i (voy. FUMER 1).