« gibier », définition dans le dictionnaire Littré

gibier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

gibier

(ji-bié ; l'r ne se prononce pas et ne se lie jamais) s. m.
  • 1 Terme collectif. Animaux qu'on prend à la chasse. Le gibier du lion, ce ne sont pas moineaux, La Fontaine, Fabl. II, 19. En général, la qualité du gibier dépend beaucoup de la nourriture, Buffon, Ois. t. V, p. 393, dans POUGENS. Peu de jours après il me fit envoyer un panier de gibier, que je reçus comme je le devais, Rousseau, Conf. X. Corneille de la Pierre, dans ses commentaires sur l'Écriture sainte, rapporte qu'un moine soutenait et prêchait que le bon gibier avait été créé pour les religieux, et que, si les perdreaux, les faisans, les ortolans pouvaient parler, ils s'écrieraient : Serviteurs de Dieu, soyons mangés par vous, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 239, dans POUGENS. Quoiqu'entre nous, Mon cher, je ne sois point de ces seigneurs jaloux Qui gardent leur gibier comme on fait sa maîtresse, Collin D'Harleville, Optimiste, III, 10.

    Gibier à plumes, les perdrix, cailles, etc. Gibier à poil, les lièvres, lapins, chevreuils, etc. Gros gibier, les cerfs, daims, sangliers, etc. Menu gibier, les lièvres, perdrix, bécasses, etc.

    Fig. Il se dit par mépris de personnes peu recommandables, dignes d'être chassées comme on fait le gibier. Vous savez que je suis quelque peu du métier à me devoir connaître en un pareil gibier, Molière, Ét. III, 2.

    Fig. et familièrement. Cela n'est pas de son gibier, cela dépasse sa portée, sa capacité, ses ressources, et aussi cela n'est pas de son goût, ne lui convient pas. La vérité n'est pas de notre portée ni de notre gibier, Pascal, dans COUSIN.

    On le dit aussi de personnes qui sont au-dessus de notre condition. Dorante : Et me dis seulement si tu connais ces dames. - Cliton : Non : cette marchandise est de trop bon aloi, Ce n'est point là gibier à des gens tels que moi, Corneille, Ment. I, 1.

  • 2 Fig. et familièrement. Personne que l'on poursuit, que l'on attrape, que l'on dupe. Nous autres fourbes de la première classe, nous ne faisons que jouer, lorsque nous trouvons un gibier aussi facile que celui-là, Molière, Pourc. II, 3. Comme le duc m'avait permis de lui parler en faveur des personnes à qui je voudrais rendre service, il me fallait un chien de chasse pour découvrir le gibier, c'est-à-dire un drôle qui eût de l'industrie et fût propre à déterrer et à m'amener des gens qui auraient des grâces à demander au premier ministre, Lesage, Gil Blas, VIII, 7.
  • 3Gibier de potence, celui qui mérite d'être pendu. Allons, que l'on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence, Molière, l'Avar. I, 3.

    On a dit dans le même sens : gibier à prévôt, gibier de bourreau. D'un gibier de bourreau tu prends donc l'intérêt ? Th. Corneille, Comt. d'Org. v, 10.

    Familièrement. Gibier à commissaire, fille publique, filou repris de justice.

HISTORIQUE

XIIIe s. Un jour d'aoust, après mangier, Alerent tous trois en gibier, Du Cange, gibicere.

XIVe s. Martin, escuier, allant en gibier un espervier au poing, Du Cange, ib. L'aloe de gibier, c'est l'aloe de cest an qui a courte queue sans blancheur, Ménagier, III, 2.

XVe s. Le roy luy dit que il avoit conclu que point ils ne seroient combatus ; et ainsi ne le furent ils point ; et si s'estoient ils mis au plus beau gibier que jamais furent, Hist. d'Artus III, connest. de France, p. 778, dans LACURNE. Bourgeoise hante le gibier [a des amants] ; Et pour mieux faire son debvoir, Elle aime un plaisant escuyer, Coquillart, p. 44, dans LACURNE.

XVIe s. Un soldat guascon y banda par deux fois son arbaleste et tira à ceux de dedans autant assurement que s'il eust tiré au gibier pour son plaisir, Beaugué, Guerre d'Écosse, I, 10. Leur amitié et leur concorde, lesquelles deux choses sont certes du gibier de la philosophie, l'Amant ressuscité, p. 88, dans LACURNE. Ne vous ruez si fort sur la saincte Escriture ; ce n'est votre gibier ny le mien aussi, Cholières, Contes, t. II, Après-dînée 8. Le deable dont tu es le vrai gibier, Noël Dufaïl, Cont. d'Eutrap. ch. 1.

ÉTYMOLOGIE

Bourguign. jubié. La locution primordiale est aler en gibier ; gibier est donc un nom verbal d'un verbe gibeer, giboyer (voy. ce dernier mot).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GIBIER. - HIST. XIIIe s. Ajoutez : Esperviers [ils] portent et faucons, Ostoirs, tercets, esmerillons ; Car ils vivoient de jebiers ; Quant il les vit, moult en fu liés, Li biaus desconneus, V. 3906.

XVe s. Ajoutez : Puisque nous volons nestoyer Le pays de ces Anglois ci, Et que les voyons en gibier, Pourquoy demoront il ainsi ? Myst. du siége d'Orléans, p. 764.