« ingérer (s') », définition dans le dictionnaire Littré

ingérer (s

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ingérer (s') [1]

(in-jé-ré. La syllabe jé prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je m'ingère, excepté au futur et au conditionnel : je m'ingérerai, je m'ingérerais) v. réfl.
  • 1Vouloir s'introduire auprès de, entrer dans, sans être demandé, sans avoir qualité. Ceux qui s'ingèrent auprès des rois, qui se veulent rendre nécessaires dans les cours, Bossuet, Polit. X, IV, 1. Pour s'ingérer dans un emploi, Bourdaloue, Serm. 24e Dim. après la Pentec. Dominic. t. IV, p. 434. Le pécheur sait s'affermir contre toute crainte, et, d'un pas ferme, d'un visage assuré, il s'ingère dans la troupe des fidèles, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 355. Aucun ne doit s'ingérer dans la prêtrise ni dans les saints ministères, s'il n'y est dûment appelé, Fléchier, Panég. I, 168. Je suppose que vos premières mœurs ne vous ont pas annoncé par leur déréglement que vous ne deviez jamais prétendre à vous ingérer dans le sanctuaire, Massillon, Confér. vocat. à l'état ecclés. 2.
  • 2Se mêler de quelque chose sans en avoir le droit, l'autorisation, ou sans en être requis. Et s'oser ingérer de faire grâce aux rois Est d'un sourd attentat les soumettre à ses lois, Rotrou, Bélis. IV, 1. Vous vous ingérez donc de lui baiser la main, Scarron, Jodelet, III, 12. Vous êtes un impertinent de vous ingérer des affaires d'autrui, Molière, Méd. m. lui, I, 3. Il est constant par cette histoire que Valdo et ses disciples sont tous de simples laïques, qui, sans ordre et sans mission, se sont ingérés de prêcher, Bossuet, Var. XI, § 124. S'ingérer dans les intrigues et les intérêts du siècle, Bourdaloue, Exhort. char. env. les pauvres, t. I, p. 24. Dangereux modèles et tous propres à faire tomber dans le froid, dans le bas et dans le ridicule, ceux qui s'ingèrent de les suivre, La Bruyère, I. Il s'ingéra de la gronder, Hamilton, Gramm. 10. À Rome s'ingérait de la médecine qui voulait, Montesquieu, Espr. IX, 14.

REMARQUE

On dit, avec un substantif, s'ingérer de, et s'ingérer dans ; avec un infinitif, s'ingérer de ; cependant Bossuet a dit s'ingérer à : Nul ne se doit ingérer de son autorité propre à gouverner l'Église, Bossuet, Var. XV. Cette construction est bonne aussi, et a des exemples dans l'historique.

HISTORIQUE

XVe s. Il fit publier que, si quelqu'un s'ingeroit denuire au chevalier anglois, il lui en cousteroit la vie, Mém. sur du Guesclin, 6. Il s'estoit ingeré de aler… copper, prendre et emporter à son pourfit singulier ramille et tonsture de bos [bois], Du Cange, ramilix. Ceulx qui se ingerent à demander plus grans offices et estaz qu'ilz ne sont dignes, Bibl. des ch. 6e série, t. II, p. 144.

XVIe s. Ses soudards entreprenoient sur l'office du capitaine general, s'ingerans de dire que l'on devroit faire telle et telle chose que l'on ne faisoit pas, Amyot, P. Aem. 20. Comme si en introduisant diversité de noms, ils estoyent à excuser, en ingerant une facon nouvelle et bastarde, Calvin, Inst. 702. Ces advocats qui s'ingerent pour maintenir la justice de Dieu, Calvin, ib. 763. Cecy est trop hardyment fait à vous de vous ingerer en ceste compaignie, Palsgrave, p. 672. Que nul ne se ingere ou advance de pesquier [pêcher] d'aucun harnas es eauwes de nostre dit pays, Coust. gén. t. I, p. 813. Il le pouvoit ingerer [induire] à commettre des delicts, Nouv. coust. gén. t. II, p. 601.

ÉTYMOLOGIE

Lat. ingerere, porter dans, pousser dans, de in… 2, et gerere, porter (voy. GESTION).