« labeur », définition dans le dictionnaire Littré

labeur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

labeur

(la-beur) s. m.
  • 1Terme du style relevé et poétique. Travail pénible et suivi. Donc un nouveau labeur à tes armes s'apprête ; Prends ta foudre, Louis…, Malherbe, II, 12. Moi qui n'ai ni l'esprit ni l'haleine assez forte Pour te suivre de près et te servir d'escorte, Je me contenterai, sans me précipiter, D'admirer ton labeur, ne pouvant l'imiter, Régnier, Sat. IX. …Le bœuf vient à pas lents ; Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête, Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants, La Fontaine, Fabl. X, 2. Un octogénaire plantait… Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ? La Fontaine, ib. XI, 8. On exige que vous connaissiez ceux que les fatigues de l'âge et de leurs labeurs ont épuisés, Massillon, Car. Aumône. Loin des livres modernes, ces cruels sophismes dont on berce les riches et les grands qui s'endorment sur les labeurs du pauvre, ferment leurs entrailles à ses gémissements…, Raynal, Hist. phil. XV, 4.
  • 2Il se dit pour labour dans cette phrase-ci : Ces terres sont en labeur, elles sont en culture, par opposition à terres en friche.

    Bêtes de labeur, celles qui servent pour la culture et le labourage.

  • 3 Terme d'imprimerie. Ouvrages de labeur, ouvrages considérables et tirés à grand nombre, par opposition à ouvrages de ville qui sont de peu d'étendue et se tirent à moindre nombre.

    Presse à labeurs, presse destinée aux ouvrages de luxe.

REMARQUE

Chateaubriand, au lieu de travail en parlant d'une femme qui enfante, a dit labeurs, en imitation du latin labores qui a ce sens : Adam, témoin des labeurs de son épouse, et recevant dans ses bras Caïn, l'éleva vers le ciel, Génie, I, III, 2.

HISTORIQUE

XIIe s. De tribulaciun apelai le segnor, e exoït [entendit] mei en laür li sire, Liber psalm. p. 179. Jà n'iert perie ma labours, Se fins cuers puet d'amors joïr, Chrestien de Troyes, dans HOLLAND, p. 234. Ne vus metez en eire [voyage] ne en si grant labur, Th. le mart. 85.

XIIIe s. À cix [ceux] qui se doivent vivre de lor labor, Beaumanoir, XXIV, 13.

XIVe s. [Il] Aroit fait à vo gré et paiet ma labour, Baud. de Seb. VII, 651. Mais, se Dieu plaist, par mon labeur pourra estre mieux entendue ceste noble science, Oresme, Prol. C'est très grascieuse labeurs, Jean de Condé, p. 173.

XVe s. Et faut que de nous [paysans] vienne et de nostre labour ce dont ils [les nobles] tiennent les estats, Froissart, II, II, 106. Voult de rechef Bouciquaut aller au labeur d'armes en frontieres au pays de Picardie, Bouciq. I, 13. Les nobles hommes, citadins, mechaniques, gens de labeur et de toutes autres conditions, Perceforest, t. IV, f° 3.

XVIe s. Jouir du fruit de son labeur, Amyot, Arist. et Caton comp. 8. Qui aime labeur parvient à honneur, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 382.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. labor, laor ; espagn. labor ; ital. lavoro ; du lat. laborem, labeur. Labor tient au radical sanscrit rabh, désirer, agir violemment ; il s'y rapporte lettre pour lettre, l'r du sanscrit se changeant en l dans le latin (voy. le radical sanscrit ruc, lat. lucere) ; le sanscrit â-rabh, agir avec vigueur, a donné l'ancien haut allem. arapeit, d'où l'allemand moderne Arbeit, travail. Dans les meilleurs textes, labeur, labor, labour est du féminin, comme c'est la règle quand un nom latin en or se transforme en mot français ; mais on le trouve aussi masculin de bonne heure ; c'est cette irrégularité qui s'est implantée dans la langue moderne. On remarquera laür, fait suivant les règles de l'ancienne langue, qui laisse tomber les consonnes latines intermédiaires.