« médiocrité », définition dans le dictionnaire Littré

médiocrité

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médiocrité

(mé-di-o-kri-té) s. f.
  • 1État, qualité de ce qui est médiocre. La médiocrité de sa fortune. Un homme qui n'a de l'esprit que dans une certaine médiocrité est sérieux et tout d'une pièce ; il ne rit point, il ne badine jamais, La Bruyère, XI. Il y a dans certains hommes une certaine médiocrité d'esprit qui contribue à les rendre sages, La Bruyère, ib. J'avais déjà reproché à mon souverain d'avoir fait médiocrité de quatre syllabes ; médiocrité est de cinq, et mon prince l'avait fait de quatre ; énorme faute, et l'une des plus grandes qu'il fera jamais, Voltaire, Lett. prince royal de Prusse, avril 1740.
  • 2Insuffisance du côté du mérite, de la qualité. C'est un vice [la jalousie] qui suit la médiocrité, Boileau, Art p. IV. Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable, la poésie, la musique, la peinture, le discours public, La Bruyère, I. Le sublime en tout genre est le don le plus rare… La médiocrité couvre la terre entière, Voltaire, Ép. 85. En ce genre comme en littérature, le succès, le grand succès est assuré à la médiocrité, l'heureuse médiocrité qui met le spectateur et l'artiste commun de niveau, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XV, p. 12. Il comparait la médiocrité orgueilleusement modeste et obscurément couronnée dans ces tribunaux subalternes, à ces dieux pénates des anciens, qui n'étaient révérés que dans les maisons où ils présidaient, D'Alembert, Éloges, Moncrif. Malgré ses efforts, il n'atteignit que la perfection de la médiocrité, Barthélemy, Anach. ch. 69. Cette femme, que vous m'avez représentée comme une femme si redoutable, si pénétrante, est, au vrai, d'une médiocrité…, Genlis, Théât. d'éduc. l'Intrigante, II, 4.
  • 3Œuvre d'un mérite médiocre. Enchanté des chefs-d'œuvre du siècle passé, autant que dégoûté du fatras prodigieux de nos médiocrités, je vais expier les miennes en me faisant le commentateur de P. Corneille, Voltaire, Mél. litt. à l'auteur du Mercure, 1761.

    Personnage médiocre, quant aux talents et à l'esprit. Une des médiocrités de ce temps-ci.

    Collectivement. Les gens médiocres. Je le voyais courbé maintenant sous ce manteau de plomb que Dante décrit dans l'Enfer, et que la médiocrité jette sur les épaules de ceux qui passent sous son joug, Staël, Corinne, XIV, 1.

  • 4État de fortune, position qui tient le milieu entre le haut et le bas dans la société. Retirez-vous, trésors ; fuyez : et toi, déesse, Mère du bon esprit, compagne du repos, Ô médiocrité, reviens vite ! La Fontaine, Fabl. VII, 6. Je ne veux être, si je le puis, ni malheureux ni heureux, je me jette et me réfugie dans la médiocrité, La Bruyère, VI. Il laissa sa famille dans la médiocrité, Fénelon, Tél. XIX. Et… le premier des biens, la médiocrité, Collin D'Harleville, Optimiste, IV, 5.
  • 5Modération, juste milieu, juste tempérament (en ce sens, il vieillit). L'extrême esprit est accusé de folie, comme l'extrême défaut ; rien que la médiocrité n'est bon, Pascal, Pens. VI, 14, éd. HAVET. Il faut que je cherche une règle certaine qui compose mes mœurs selon la droite raison, et réduise mes actions à la juste médiocrité, Bossuet, Sermons, Loi de Dieu, préambule. Quels excès terribles, et quelles armes opposées ! aveugles enfants d'Adam… ne trouverez-vous jamais la médiocrité, ou la justice, où la vérité, où la droite raison a posé son trône ? Bossuet, Cornet. Il n'est rien ni de plus grand devant Dieu, ni de plus inutile selon le monde, que cette médiocrité tempérée en laquelle la vertu consiste, Bossuet, Sermons, Visitat. 3. Il faut garder la médiocrité en toutes choses, Fénelon, Solon. La médiocrité des désirs est la fortune du philosophe ; et l'indépendance de tout, excepté des devoirs, est son ambition, D'Alembert, Préf. 3e vol. Encycl. Œuv. t. I, p. 398, dans POUGENS. Les uns vous semblaient trop habiles, les autres trop ignorants… vous cherchiez cette médiocrité justement vantée par les sages, Courier, Lett. à l'Acad. des inscr.

HISTORIQUE

XIVe s. La continuation de l'os dur ne seroit pas faite o [avec] les membres molz sans moien [le cartilage] qui eust mediocrité de dureté, H. de Mondeville, f° 9.

XVIe s. La raison imprime en la partie irraisonnable les vertus morales, qui sont mediocritez entre le peu et le trop, Amyot, De la vertu morale, 10. Et, pour ce que tu as opté mediocrité en matiere de coingnée, par le vueil de Juppiter je te donne ces deux aultres, Rabelais, Pant. IV, Nouv. prol.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. mediocritat ; espagn. mediocridad ; ital. mediocrità ; du lat. mediocritatem, de mediocris, médiocre.