« métaphysique », définition dans le dictionnaire Littré

métaphysique

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métaphysique

(mé-ta-fi-zi-k') s. f.
  • 1Partie de la philosophie, définie différemment suivant les différentes époques : dans l'antiquité, doctrine de l'être ou de l'essence des choses, considérée indépendamment des propriétés particulières ou des modes déterminés qui établissent une différence entre un objet et un autre ; selon Kant, l'inventaire systématique de toutes les richesses intellectuelles qui proviennent de la raison pure, c'est-à-dire des idées et des principes que l'intelligence tire de son propre fonds sans le concours de l'expérience ; enfin, de nos jours, science des principes, plus élevée et plus générale que les autres, de laquelle toutes les connaissances tiennent leur certitude et leur unité. Il saisissait dans tout les principes les plus élevés et les plus généraux, ce qui est le caractère de la métaphysique, Fontenelle, Leibnitz. Je vais donc me jeter dans la nuit de la métaphysique, pour oser combattre contre les Leibnitz, les Wolf, les Frédéric, Voltaire, Lett. prince royal de Prusse, 23 janv. 1738. Ô métaphysique, nous sommes aussi avancés que du temps des premiers druides, Voltaire, Phil. Newt. I, 9. Nous avons fait en mathématique des prodiges qui étonneraient Apollonius et Archimède, et qui les rendraient nos écoliers ; mais, en métaphysique, qu'avons-nous trouvé ? Voltaire, Or. Chesterf. ch. 4. La métaphysique a cela de bon, qu'elle ne demande pas des études préliminaires bien gênantes ; c'est là qu'on peut savoir tout sans avoir rien appris, Voltaire, Dict. phil. Trinité. Si quelques-uns se sont élevés à ce haut point de métaphysique d'où l'on peut voir les principes, les rapports et l'ensemble des sciences, aucun ne nous a sur cela communiqué ses idées, Buffon, Hist. nat. 1er disc. Œuv. t. I, p. 74. Voulons-nous pénétrer dans ces abîmes de métaphysique qui n'ont ni fond ni rive, et perdre à disputer sur l'essence divine ce temps si court qui nous est donné pour l'honorer ? Rousseau, Hél. VI, 8. On peut regarder la métaphysique comme un grand pays dont une petite partie est riche et bien connue, mais confine de tous côtés à de vastes déserts où l'on trouve seulement de distance en distance quelques mauvais gîtes, prêts à s'écrouler sur ceux qui s'y réfugient, D'Alembert, Mélanges de litt. d'hist. et de philos. t. V, § 1.
  • 2En un sens plus restreint, théorie des idées. La métaphysique a pour but d'examiner la génération de nos idées, D'Alembert, Éléments de philos. ch. 13. La science qui contribue le plus à rendre l'esprit lumineux, précis et étendu, et qui, par conséquent, doit le préparer à l'étude de toutes les autres, c'est la métaphysique, Condillac, Conn. hum. Introd. Les lumières de deux sciences, non-seulement différentes, mais opposées, et que l'on s'obstine trop à confondre, savoir l'ancienne métaphysique théologique ou la métaphysique proprement dite, et la moderne métaphysique philosophique ou l'idéologie, Destutt de Tracy, Inst. mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 316.
  • 3Se prend quelquefois en mauvaise part, pour désigner l'abus des abstractions. Il y a bien de la métaphysique dans ce traité de morale. Faut-il entrer avec lui [le socinien] dans cette discussion [l'incarnation, la présence réelle, le péché originel], et jeter les simples fidèles dans la plus subtile et la plus abstraite métaphysique ? Bossuet, 6e avert. III, 27.

    Fig. Il se dit aussi d'une analyse trop subtile des sentiments. Je ne sais quelle métaphysique du cœur s'est emparée de nos théâtres ; s'il ne fallait pas l'en bannir entièrement, encore moins fallait-il l'y laisser régner, D'Alembert, Disc. prélim. Encycl. Œuv. t. I, p. 290, dans POUGENS. Cette lecture succédait à une autre qui avait été très brillante ; semée de traits vifs et saillants, et à la suite desquels toute la métaphysique de Marivaux ne parut, si on peut s'exprimer de la sorte, qu'une vapeur imperceptible, D'Alembert, Éloge de Marivaux.

  • 4Les parties les plus élevées d'une science particulière, d'un art quelconque. La métaphysique du droit. La métaphysique des mathématiques. Je veux mourir s'il y a dans toutes ces têtes-là le premier mot de la métaphysique de leur art, Diderot, Salon de 1767, Œuvr. t. XIV, p. 140, dans POUGENS.

    Métaphysique de la géométrie, expression dont Descartes (Lettre au P. Mersenne, janv. 1639) se servait pour désigner la géométrie générale.

  • 5 Adj. Qui appartient à la métaphysique. La philosophie métaphysique. J'estime que cela [ne pas se fier aux sens] est nécessaire pour se rendre capable de connaître la vérité des choses métaphysiques, lesquelles ne dépendent point des sens, Descartes, Rép. aux secondes object. 67. La question devint si subtile et si métaphysique, que leurs plus grands partisans auraient mieux aimé y renoncer, Fontenelle, Malebranche. Le vivant et l'animé, au lieu d'être un degré métaphysique des êtres, est une propriété physique de la matière, Buffon, Animaux, Compar. des anim. et des végét. Et tous les deux nous fîmes par moitié Un drame court et non versifié Dans le grand goût du larmoyant comique, Roman moral, roman métaphysique, Voltaire, le Pauvre Diable.

    Certitude métaphysique, celle qui est fondée sur une évidence à priori.

    Mal métaphysique, voy. MAL, n° 3.

    Trop abstrait. Des idées obscures et métaphysiques. Qu'on ne confonde pas l'esprit métaphysique avec l'esprit philosophique, Marmontel, Élém. litt. Œuv. t. III, p. 439, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIVe s. C'est en metaphysique et non pas en science morale, Oresme, Eth. VII, 12.

XVe s. Elle est dicte methaphysique en tant que elle considere ens [l'être] et les choses qui ensuivent à lui, Christine de Pisan, Charles V, III, 3.

ÉTYMOLOGIE

Τὰ μεταφυσιϰὰ, locution grecque tirée de ce qu'Aristote, venant à son traité de métaphysique qui est placé après les traités de physique, le commence par ces mots : μετὰ τὰ φυσιϰὰ, après les choses naturelles.