« nuée », définition dans le dictionnaire Littré

nuée

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nuée

(nu-ée) s. f.
  • 1Grosse nue. Le soleil se couchait dans une nuée d'or et d'azur, Voiture, Lett. 10. La nuée du Seigneur se reposait sur le tabernacle pendant le jour, et une flamme y paraissait pendant la nuit, Sacy, Bible, Exode, XL, 36. Nous devons regarder la nuée qui porte le tonnerre comme un grand corps électrisé, Brisson, Traité de phys. t. III, p. 490, dans POUGENS. Ce ciel menaçant, cette terre [la Russie au delà du Niémen] sans abri nous attrista ; quelques-uns même, naguère enthousiastes, en furent effrayés comme d'un funeste présage ; ils crurent que ces nuées enflammées s'amoncelaient sur nos têtes et s'abaissaient sur cette terre pour nous en défendre l'entrée, Ségur, Hist. de Nap. IV, 2. Rois, peuples, couvrez-vous d'un sac souillé de cendre ; Bientôt sur la nuée un juge doit descendre, Hugo, Odes, III, 1.

    Les Nuées, titre d'une comédie d'Aristophane, dans laquelle Socrate est tourné en ridicule. On vit par le public un poëte avoué [Aristophane] S'enrichir aux dépens du mérite joué, Et Socrate par lui, dans un chœur de nuées, D'un vil amas de peuple attirer les huées, Boileau, Art p. III.

  • 2 Par extension, nuage formé d'une vapeur quelconque. Du fond de notre sacristie Une épaisse nuée à longs flots est sortie, Qui, s'ouvrant à mes yeux dans son bleuâtre éclat, M'a fait voir un serpent conduit par le prélat, Boileau, Lutr. IV.
  • 3 Fig. Multitude de personnes, d'oiseaux, d'animaux venus en troupe. Et il [Holopherne] partit lui et toutes ses troupes avec ses chariots, sa cavalerie et ses archers, qui couvrirent toute la face de la terre comme des nuées de sauterelles, Sacy, Bible, Judith, II, 11. Une nuée de traits obscurcit l'air et couvrit tous les combattants, Fénelon, Tél. XIX. Il n'est pas rare de voir, dans les mers d'Amérique, des nuées d'oiseaux attirés par des nuées de papillons si considérables que l'air en est obscurci, Buffon, Ois. t. XII, p. 314. Des nuées d'Arabes furent appelées en Égypte pour remplacer les habitants que la misère avait détruits, Silvestre de Sacy, Instit. Mém. inscr. et belles-lett. t. V, p. 40.

    Par exagération. Un grand nombre. Ici quelle nuée de témoins ! Massillon, Carême, Vérité de la religion. Les nuées de commis et d'employés si odieux au peuple, si incommodes au public, Rousseau, Gouv. de Pologne, 11. C'est le discours qui précède que les Dion Cassius, les Xiphilin, et la nuée des détracteurs de Sénèque depuis son siècle jusqu'au nôtre, ont successivement paraphrasé, Diderot, Claude et Nér. I, 59. À ce bruit répandu avec l'affectation d'une malveillance marquée, je m'aperçus que j'avais des ennemis ; je fus même averti que j'en avais une nuée, Marmontel, Mém. IV.

    Il se dit aussi des choses. Léon X publia la bulle de condamnation du 18 juin 1520… dès lors il [Luther] n'eut plus que de la fureur ; on vit voler des nuées d'écrits contre la bulle, Bossuet, Variat. I.

  • 4 Fig. Menace, orage qui se prépare. L'ennemi menaçait plusieurs provinces ; la nuée a crevé sur celle-ci. Il se forme de cela une armée de vingt-cinq mille chevaux, de quinze mille hommes de pied, et de quarante canons ; cette nuée grosse de foudres et d'éclairs vient fondre sur la Picardie, Voiture, Lett. 74.
  • 5 Terme d'astronomie. Nuées de Magellan, se dit de deux blancheurs remarquables que l'on observe dans le ciel austral.
  • 6 Terme de lapidaire. Nom donné aux parties sombres qui se trouvent quelquefois dans les pierres précieuses, et qui en diminuent beaucoup la valeur.
  • 7Nuée d'or, nuage, nom marchand d'une coquille univalve.
  • 8 Terme d'alchimie. La nuée dont Jupiter couvrit Io, la petite peau qui paraissait au commencement de la congélation de l'élixir.

HISTORIQUE

XVe s. Se Dieu plaist, briefment la nuée De ma tristesse passera, Orléans, p. 55. À celle heure le herault cria au chevalier à la nuée [vapeur qui sortait du cheval en sueur]… tout a vaincu le chevalier à la fumée, Perceforest, t. VI, f° 40.

XVIe s. Le ciel estoit clair sans nuée quelconque, Amyot, Arat. 24.

ÉTYMOLOGIE

Nue. Le wallon noûlêie, nûlêie, le namurois nulée supposent un thème latin fictif nubilata.