« poltron », définition dans le dictionnaire Littré
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poltron, onne
- 1Qui est sans courage.
Je renonce à la prudence, si elle est si poltronne et si scrupuleuse
, Guez de Balzac, Liv. VI, lett. 3.Il n'est, je le vois bien si poltron sur la terre Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi
, La Fontaine, Fabl. II, 14.Nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire… nous serions volontiers poltrons pour acquérir la réputation d'être vaillants
, Pascal, Pens. II, 1, éd. HAVET.Il est poltron comme un lézard
, Voltaire, Lett. Richelieu, 22 janv. 1768.Me voilà poltron comme un lièvre
, Picard, Coméd. ambulants, I, 6.Substantivement. Ne faites pas la poltronne.
Il n'y a guère de poltrons qui connaissent toute leur peur
, La Rochefoucauld, Max. 370.Le czar, dites-vous, n'avait pas la valeur de Charles XII ; cela est vrai ; mais enfin ce czar, né avec peu de valeur… a vaincu en personne le plus brave homme de la terre ; j'aime un poltron qui gagne des batailles
, Voltaire, Lett. pr. roy. de Pr. janvier 1738.Un poltron ne laisse pas de fuir, quoique sûr d'être tué en fuyant
, Rousseau, Réponse au roi de Pologne.Poltron révolté, se dit d'une personne faible qui, poussée à bout, montre de l'énergie, et, par suite, d'un homme qui change du tout au tout.
On dit que les Sirven ont été déclarés innocents au parlement de Toulouse ; on ajoute que la tragédie des Guèbres a été ou doit être représentée sur le théâtre de cette ville ; c'est ici le cas des poltrons révoltés
, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 22 févr. 1770. - 2 Terme de fauconnerie. Oiseau poltron, un oiseau de proie, auquel on a coupé les ongles des pouces, c'est-à-dire les doigts de derrière où consiste sa force, pour l'empêcher de voler le gros gibier ; ou celui qu'on ne peut parvenir à dresser.
- 3 S. m. Terme de pêche. Crabe prêt à quitter son test ; on en fait des appâts.
HISTORIQUE
XIVe s. E no son civaler, anci son un poltron
, Dans un ms. français mais écrit en Italie au commencement du XIVe s. Bibl. des chartes, 4e série t. III, p. 413.
XVIe s. Bref il est si poltron [paresseux], pour bien le deviser, Que…
, Du Bellay, J. VI, 18, verso. J'ay ainsi l'ame poltronne, que je ne mesure pas la bonne fortune selon sa haulteur
, Montaigne, IV, 28. Affin que le soldat ne devint poultron, et pour le tenir toujours en devoir et cervelle, il faisoit donner souvent des allarmes
, Carloix, IX, 7. Les cruels, aspres et malicieux sont lasches et poultrons
, Charron, Sagesse, I, 31. Jamais poltron ne feit beau fait
, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 321.
ÉTYMOLOGIE
Espagn. poltron ; portug. poltrão, poltron, poltrona, grand fauteuil ; ital. poltrone ; napol. potrone. On a donné trois étymologies de ce mot. 1° Pollex truncus, pouce coupé, à cause que les hommes qui voulaient échapper au service militaire, sous les empereurs romains, se coupaient un pouce. Mais le mot français, qui ne commence à être usité que dans le XVIe siècle, est d'origine italienne ; et l'italien poltrone ne peut, d'après la forme, venir de pollex truncus. À la vérité, on a fait valoir que le faucon poltron est en effet un oiseau à qui on a coupé les ongles des doigts de derrière ; mais il est possible que l'oiseau, devenu lâche après cette mutilation, ait été dès lors dit poltron, à cause de sa lâcheté, non à cause de sa mutilation. Et dans tous les cas, cela ne suffit pas pour qu'on puisse passer par-dessus la forme du mot, qui ne permet pas une telle dérivation. 2° Ménage et à sa suite Génin ont pris pour radical l'italien poltruccio, poltracchio, poledro, puledro, poltro, anc. fr. poutre, jeune jument, qui vient du latin pullus (voy. POULAIN), disant qu'un animal jeune et délicat a servi de type à la mollesse, à la paresse, à la poltronnerie. 3° La dernière étymologie est l'all. Polster, lit, anc. haut-all. polstar et bolstar. à la vérité, l'ital. classique n'a pas poltro dans le sens de lit ; mais le milanais a polter, le romagnol pultar, avec ce sens. Diez fait remarquer que la disparition de l's, qui n'est pas usuelle en italien, ne doit pas surprendre dans le groupe des consonnes l s t r, et que boldrone, qui signifie couverture de lit, annonçant une permutation du p et du b, indique une origine germanique, vu qu'en allemand ces lettres permutent facilement. Cette dernière étymologie paraît la vraie.