« préjugé.2 », définition dans le dictionnaire Littré

préjugé

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

préjugé [2]

(pré-ju-jé) s. m.
  • 1Ce qui a été jugé auparavant dans un cas analogue. Cette sentence est un préjugé pour notre cause.
  • 2Circonstance, apparence qui fait supposer ce qu'on doit craindre ou espérer. Je ne vois rien qui m'oblige à supprimer des événements remarquables qui se rencontrent dans mon sujet, et qui peuvent servir d'instruction et de préjugé en des occasions pareilles, Pellisson, Hist. de l'Acad. IV. L'inutilité de la vie de quelques-uns [des prêtres] ne doit pas être un préjugé contre la régularité et l'utilité de la conduite des autres, Fléchier, Serm. II, 330. À son port, il ne douta point qu'il n'y eût de quoi former des préjugés avantageux sur tout le reste, Hamilton, Gramm. 7. Lachaussée fait de très bons vers, du moins dans le genre didactique ; ce n'est pas un bon préjugé pour le genre de la comédie, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 32. Un avocat qui ne se nomme pas, et c'est un funeste préjugé contre lui, écrit un libelle diffamatoire contre M. de Morangiès et contre moi, Voltaire, Polit. et lég. Rép. à l'écrit d'un avocat.
  • 3Opinion, croyance qu'on s'est faite sans examen. Le défaut de nos examens c'est que nous ne nous examinons jamais que dans nos propres préjugés, Massillon, Carême, Confess. Ce mot va paraître un blasphème à l'idolâtre préjugé, Lamotte, Odes, t. I, p. 360, dans POUGENS. Les préjugés de la superstition sont supérieurs à tous les autres préjugés, Montesquieu, Esp. XVIII, 18. J'appelle ici préjugés, non pas ce qui fait qu'on ignore certaines choses, mais ce qui fait qu'on s'ignore soi-même, Montesquieu, Préf. de l'Espr. des lois. Le soleil se lève, la lune aussi, la terre est immobile : ce sont là des préjugés physiques naturels, Voltaire, Dict. phil. Préjugés. Le préjugé est une opinion sans jugement, Voltaire, ib. Ce n'est point par préjugé que vous courez au secours d'un enfant inconnu prêt à tomber dans un précipice, ou à être dévoré par une bête ; mais c'est par préjugé que vous respecterez un homme revêtu de certains habits, marchant gravement, parlant de même, Voltaire, ib. J'ai rendu justice à l'Anglais Shakspeare, comme à l'Espagnol Calderon, et je n'ai jamais écouté le préjugé national, Voltaire, Irène, Lett. Si, en faveur du préjugé [qui admet que Turenne changea de religion à cinquante ans par persuasion], il faut adoucir ce trait, de tout mon cœur ; je ne veux point choquer d'aussi grands seigneurs que les préjugés, Voltaire, Lett. Henault, 8 janv. 1752. Les préjugés, de quelque espèce qu'ils puissent être, ne se détruisent pas en les heurtant de front, D'Alembert, Mélanges etc. t. V, Réflexions sur l'ode. Ces préjugés tiennent moins à l'ignorance qu'à la passion : l'Anglais a les préjugés de l'orgueil, et le Français ceux de la vanité, Rousseau, Ém. V. Les préjugés même doivent être discutés et traités avec circonspection, Duclos, Consid. mœurs, 2. Un préjugé, n'étant autre chose qu'un jugement porté ou admis sans examen, peut être une vérité ou une erreur, Duclos, ib. On est revenu, depuis quelque temps, de beaucoup de préjugés ; mais on s'accoutume trop à regarder comme tel tout ce qui est admis, Duclos, Œuv. t. VII, p. 202. Les préjugés ne se retirent que comme les ombres, successivement et par degrés, Bailly, Hist. astr. mod. t. II, p. 423. Il avait les principes et les préjugés qui servent à maintenir en tout pays les choses comme elles sont, Staël, Corinne, VI, 4. On ne saurait trop le redire, préjugé est le synonyme de jugement précipité ; et on perd bien du temps pour vouloir aller trop vite, Destutt-Tracy, Instit. Mém. scienc. mor. et pol. t. I, p. 356.

HISTORIQUE

XVIe s. Quelqu'un se mocquera de quoy je fais ici un prejugé des evenemens de la guerre, comme s'ils devoyent succeder en la maniere que je le figure, Lanoue, 436. Le diable, profitant de ses doutes, lui suggera d'estouffer tous les prejugez de son enfance et de son education, D'Aubigné, Vie, LXXXV.

ÉTYMOLOGIE

Préjugé 1.