« prévaloir », définition dans le dictionnaire Littré

prévaloir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prévaloir

(pré-va-loir) v. n.

Il se conjugue comme valoir, excepté au présent du subjonctif où il fait : que je prévale, que tu prévales, qu'il prévale, que nous prévalions, que vous prévaliez, qu'ils prévalent.

  • 1Remporter l'avantage, en parlant des personnes. Il fut donné à celui-ci [Cromwell] de tromper les peuples et de prévaloir contre les rois, Bossuet, Reine d'Anglet. Celui-ci [Philoclès] était sans empressement, et laissait l'autre [Protésilas] prévaloir, Fénelon, Tél. XII. Bientôt j'aperçus que vous prévaudriez sur la ligue, et votre courage me donna bonne opinion de vous, Fénelon, Dial. des morts mod. (Henri IV, Sixte V) Il [Philippe II] étendait sa domination au bout de l'Amérique, et ne pouvait prévaloir contre la Hollande, Voltaire, Mœurs, 165. Pour empêcher la maison d'Autriche de trop prévaloir, Voltaire, Louis XIV, 7.

    Il se dit aussi des choses. Si l'amour du pays doit ici prévaloir, Corneille, Cinna, II, 1. Les paroles des méchants ont prévalu contre nous, Sacy, Bible, Psaum. LXIV, 4. L'Église contre qui l'enfer ne peut prévaloir, Bossuet, Hist. II, 3. L'erreur prévalait partout, Bossuet, ib. II, 5. Le vice n'a pas encore prévalu jusqu'à pouvoir obtenir du monde, que le monde l'approuvât, Bourdaloue, Pénitence, 2e avent, p. 494. Que les abus autorisés souvent par le plus grand nombre des ministres ne prévalent jamais auprès de vous contre les règles saintes qui les condamnent ! Massillon, Confér. Nécess. du bon exemple.

  • 2Prévaloir à, se trouve souvent dans le XVIIe siècle. Si la mollesse de leurs conseils ne prévaut pas toujours à la vigueur et aux bonnes inclinations de leur maître, Guez de Balzac, De la cour, 5e disc. Pourquoi son sentiment prévaudra-t-il au nôtre ? Bossuet, 6e avert. III, 55. Les apôtres ont prévalu à tous les empereurs, Bossuet, Hist. II, 11. Ce sont des occasions particulières lesquelles ne doivent point prévaloir à la maxime générale, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 337. L'esprit de pique et de jalousie prévaut chez eux à l'intérêt de l'honneur…, La Bruyère, XII.
  • 3Se prévaloir, v. réfl. Tirer avantage. Ils se sont prévalus, elle s'est prévalue de ces avantages. Quand il se prévaudra de ce nom déjà pris, Corneille, Héracl. II, 2. … vous faites sonner terriblement votre âge ; Ce que de plus que vous on en pourrait avoir, N'est pas un si grand cas pour s'en tant prévaloir, Molière, Mis. III, 5. N'auraient-ils pas pu [les premiers chrétiens] se prévaloir de tant de guerres civiles et étrangères dont l'empire romain était agité ? Bossuet, 5e avert. 16. C'est le peuple du monde [les Anglais] qui a le mieux su se prévaloir à la fois de ces trois grandes choses, la religion, le commerce et la liberté, Montesquieu, Esp. xx, 7.

    Absolument. Allons !… ce que j'en dis n'est pas pour me vanter… Je ne me prévaux point, mais je vous félicite, Collin D'Harleville, Vieux célib. I, 2.

  • 4Tirer parti, user (archaïsme qui n'est plus guère usité). Ainsi se conserve le corps humain, en y maintenant une bonne constitution, en se prévalant des secours dont la faiblesse des choses humaines veut être appuyée, Bossuet, Polit. VII, I, 1. Je chercherai, si vous y consentez, à me prévaloir sur vous des trois cents francs de Mlle Levasseur, Rousseau, Lett. à Michel Rey, août 1766. Les dix louis dont vous craignez de vous prévaloir, Rousseau, Lett. à Sauttersheim, 21 juin 1764.

REMARQUE

1. Dans se prévaloir, le pronom personnel est construit avec un verbe neutre comme dans s'enfuir, s'écrier, et anciennement se dormir ; ce qui lui donne un sens refléchi (voy. SE).

2. " Quoique ceux qui s'attachent à l'exactitude de la grammaire soutiennent que c'est ainsi qu'il faut parler [prévaille] ; on dit à la cour prévale et non pas prévaille ; et c'est la cour qui nous doit servir de règle. " TH. CORN. Prévale est devenu le subjonctif usité.

SYNONYME

SE PRÉVALOIR, SE TARGUER. Dans se prévaloir il y a une idée d'avantage, de prépondérance qui n'est pas dans se targuer, qui exprime seulement le désir qu'on a d'humilier les autres.

HISTORIQUE

XVIe s. Se prevaloir [tirer parti] de la sottise ou de la lascheté des ennemis, Montaigne, I, 28. Ils abandonnerent la ville d'Annonay, après avoir gasté les grains et vivres qui restoient en icelle, de peur que les ennemis ne s'en pussent prevaloir [servir], Casteln. 148. Il se voulut elever [fâcher], se prevalant de sa maistresse, et se deffendre par plusieurs raisons, ID. 163. N'en congnoissant aujourd'hui autre [chevalier] qui le prevalust, D. Flores de Grèce, f° CXLIV, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Lat. prævalere, de præ, avant, et valere, valoir.