« résigner », définition dans le dictionnaire Littré

résigner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

résigner

(ré-zi-gné ; d'après Bèze, XVIe siècle, on ne prononçait pas le g : c'est aussi la prononciation de Malherbe : Telle cette princesse en vos mains résinée Vaincra de ses destins la rigueur obstinée, IV, 2) v. a.
  • 1Abandonner quelque chose en faveur de quelqu'un. Possesseur d'un trésor dont je n'étais pas digne, Souffrez avant ma mort que je vous le résigne, Corneille, Poly. IV, 4. Vous résignez quatre mille livres d'appointements : cela est d'autant plus beau que la faction ne vous en saura aucun gré, Voltaire, Lett. à l'abbé Mignot, 24 juin 1771.

    Fig. Je résigne aux mignons [aux jeunes gens]… Avecque les plaisirs, tous les maux que j'ai eus, Régnier, Épît. II.

    Résigner quelque chose à quelqu'un, avec un nom de chose pour sujet, faire qu'on la lui abandonne sans réserve. Ces vrais amis que je te donne, Ces unions que je te fais, Doivent me résigner si bien tous tes souhaits, Que tu sois mort à tout si tôt que je l'ordonne, Corneille, Imit. III, 42.

  • 2Se démettre d'un bénéfice, d'un office, etc. Il [le cardinal Altieri] l'a tiré [Cunigi] de Lucques pour en faire son secrétaire, et, depuis, lui a résigné l'archevêché de Ravenne sous une pension presque aussi grande que le revenu, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 429. Pour se faire résigner un bénéfice, Pascal, Prov. X. M. le prieur se mit en tête qu'il pourrait lui résigner son bénéfice, Voltaire, Ingénu, 3.

    Absolument, il s'entend d'ordinaire d'un bénéfice. Laisser perdre charges et bénéfices plutôt que de vendre ou de résigner, même dans son extrême vieillesse c'est se persuader qu'on n'est pas du nombre de ceux qui meurent, La Bruyère, XI.

  • 3Résigner son âme à Dieu, la remettre entre les mains de Dieu.
  • 4Se résigner, v. réfl. Se soumettre à la volonté de Dieu, à son sort, à une décision. Prions avec le peuple, et résignons-nous avec les sages, Voltaire, Dict. phil. Prières. Tout ce que je sais, c'est qu'il faut s'attendre à tout dans cette vie, se tenir prêt à tout, savoir se sacrifier pour l'amitié, et se résigner à la fatalité aveugle qui dispose des choses de ce monde, Voltaire, Lett. Richelieu, 13 janv. 1767. À quoi servirait-il d'avoir vécu quatre-vingt-deux ans, comme j'ai fait, si je n'avais pas appris à me résigner, Voltaire, Lett. Mme de St-Julien, 29 mai 1776. Tu m'as dit que ton nom, ton devoir, ton honneur Des Romains offensés te font le défenseur ; Il faut m'y résigner, Chénier M. J. Gracques, II, 1. On se résigne aisément à souffrir un mal que tous les autres endurent, Pensée de Sénèque, dans GIRAULT-DUVIVIER.

HISTORIQUE

XIIIe s. Johans dit que li meres [le maire] avoit oï les contens [la dispute], et que Peres [Pierre] avoit fete pez par-devant le meor [le maire], et avoit resiné à sa esliction, et li meres avoit confermé Johan…, Liv. de jost. 33.

XIVe s. Ledit Minucius qui avoit resigné [abdiqué], Bercheure, f° 60, verso.

XVe s. Resigner purement et simplement [un droit], Froissart, III, IV, 76.

XVIe s. Heraclytus resigna la royauté à son frere, Montaigne, I, 141. Il nous faut ceder de nostre volonté, resigner nostre cœur, renoncer et quitter toutes les cupiditez de nostre chair, Calvin, Instit. 195. Nul n'a deument renoncé à soi-mesme, sinon quand il s'est tellement resigné à Dieu, qu'il souffre volontairement toute sa vie estre gouvernée au plaisir d'icelui, Calvin, ib. 547.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. resignar ; ital. rassegnare ; du lat. resignare, de re, et signare, marquer, montrer (le sens primordial est écarter le sceau, signum).