« raccommoder », définition dans le dictionnaire Littré

raccommoder

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raccommoder

(ra-ko-mo-dé) v. a.
  • 1Réparer, remettre en bon état. Les chemins de Vitré sont devenus si impraticables, qu'on les fait raccommoder par ordre du roi, Sévigné, 15 juin 1680. C'est ainsi [à coups de pierre] que Deucalion et Pyrrha raccommodèrent si bien l'univers, Sévigné, 15 mai 1689. Il [le maréchal de Villeroi] rabattrait bien de l'estime qu'il a pour moi, s'il me voyait montrer à lire à Mlle de la Tour, examiner la vocation d'une postulante, ou raccommoder mes chemises, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, t. VI, p. 257, dans POUGENS. Vous passeriez vos jours à raccommoder ses serviettes, Hamilton, Gramm. 9. Le père du fameux Jean XXII, qui ajouta un troisième cercle à la tiare, et qui porta trois couronnes sans posséder aucune terre, raccommodait des souliers à Cahors, Voltaire, Mœurs, 184.

    Fig. et absolument. On raccommodait sans cesse, au lieu qu'il eût fallu commencer par nettoyer l'aire et écarter tous les vieux matériaux, comme fit Lycurgue à Sparte, pour élever ensuite un bon édifice, Rousseau, Inég 2e part.

    Fig. Raccommoder ses flûtes, réparer une gaucherie. L'envoyé parut scandalisé des discours de l'abbé, qui tâcha de raccommoder ses flûtes, Bayle, Lett. p. 740, dans POUGENS.

  • 2Remettre en bonne santé. Je suis assurée… que vous me manderez que l'air d'Aix vous a toute raccommodée, que vous n'êtes plus si maigre qu'à Grignan, Sévigné, 11 oct. 1673.
  • 3Remettre dans un état plus convenable, plus selon la bienséance. Raccommoder ses cheveux, sa coiffure. Votre perruque est dérangée ; raccommodez-la. N'a-t-elle point resté derrière Pour raccommoder sa jartière ? Scarron, Virg. II.
  • 4Réformer, dans un ouvrage d'esprit, ce qu'il peut y avoir de mauvais. Je ne puis jamais raccommoder ce qui vient naturellement au bout de ma plume, Sévigné, 3 avr. 1681. Je n'avais que dix-huit ans quand je fis cette ode, mais je l'ai raccommodée, Boileau, Note sur l'ode 2.

    Absolument. Quand je m'aperçois de ces répétitions, je fais une grimace épouvantable ; mais il n'en est autre chose… je ne sais point raccommoder, Sévigné, 11 mars 1672.

  • 5Remettre le bon état dans les affaires, dans les relations. On dit que L. a trouvé sa chère épouse écrivant une lettre qui ne lui a pas plu ; le bruit a été grand, d'Hacqueville est occupé à tout raccommoder, Sévigné, 296. L'affaire de M. de Surville n'est pas facile à raccommoder ; mais il ne faut pas se rebuter, Maintenon, Lett. à Mme de Villette, 20 mars 1707. Le P. la Chaise veut raccommoder ce qu'il a gâté sur le P. Poisson, mais il a plus de talent pour le mal que pour le bien, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 24 sept. 1697. Pour raccommoder nos affaires, tu veux donner à souper, Hamilton, Gramm. 3. Laisse-moi faire ; je m'en vais raccommoder tout cela, Al. Duval, Jeun. de Henr. V, III, 10.

    En ce sens, raccommoder peut avoir un nom de chose pour sujet. Cet événement ne raccommodera pas ses affaires, sa fortune.

    Raccommoder une sottise, la réparer.

    Raccommoder quelqu'un dans l'esprit d'un autre, l'y remettre en bonne opinion. Cela le raccommoda dans l'esprit de Sénantes, Hamilton, Gramm. 4.

    Raccommoder se dit aussi, absolument, au sens de raccommoder dans l'esprit. Notre princesse a eu, en tout ceci, une conduite si obligeante pour vous, qu'elle doit vous raccommoder pour longtemps, Maintenon, Lett. au duc de Noail. 5 août 1710.

  • 6Remettre d'accord des personnes brouillées. Tâchez de me raccommoder avec M. de Grignan, Sévigné, 454. Le roi a raccommodé l'archevêque de Reims avec celui de Paris, Sévigné, 22 janv. 1672. Elle prit soin de raccommoder ces deux amants, Hamilton, Gramm. 11.

    Raccommoder quelqu'un avec lui-même, lui procurer le calme de la conscience. Daignez, par pitié, s'il est possible, me raccommoder avec moi-même, Genlis, Théât. d'éduc. les Dangers du monde, III, 9.

    En un sens plus vague, raccommoder avec quelqu'un, faire accepter, excuser sa conduite. Mon très cher philosophe, vous m'avez raccommodé avec Sirven ; je vois avec plaisir qu'il poursuit son affaire, Voltaire, Lett. l'abbé Audra, 19 juin 1770.

  • 7Se raccommoder, v. réfl. S'arranger, se rétablir. Son pauvre esprit que le latin gâta ne se raccommoda pas dans la logique, Guez de Balzac, le Barbon. Je reprends mon heure de coucher ; mon sommeil se raccommode avec le matin, Sévigné, 15 juin 1676. Il me semble que les choses ne se raccommodent pas, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 6 sept. 1716. Vous êtes dans l'âge où les estomacs se raccommodent, Voltaire, Lett. Mme de Fontaine, 16 déc. 1755.
  • 8Se réconcilier. Le roi a voulu que Mme de Longueville se raccommodât avec Mademoiselle, Sévigné, 3 avril 1671. Elle [Mme de Montespan] s'est raccommodée avec le roi, Maintenon, Lett. à Mme de Frontenac, 1680, t. I, p. 73, dans POUGENS. Quand les dames querellent longtemps, elles ont envie de se raccommoder, Dancourt, Chev. à la mode, V, 6. Un homme connu se raccommoda avec sa femme, en voyant le Préjugé à la mode ; j'ai vu l'homme du monde le plus fier devenir modeste après la comédie du Glorieux, Voltaire, Lett. Albergati, 23 déc. 1760. Il est dur d'avoir un ennemi ; mais, quand les sujets d'inimitié sont si publics et si injustes, il est lâche de se raccommoder, Voltaire, Lett en vers et en prose, 57.

    Fig. Se raccommoder avec quelque chose, en prendre meilleure opinion. Pour me raccommoder avec Fontainebleau, j'y veux aller au-devant de vous, Sévigné, 29 mai 1675.

HISTORIQUE

XVIe s. Ayant gaigné ceste place, il la faudroit raccommoder promptement et y laisser une forte garnison, Lanoue, 438. On seroit contraint de sejourner huit ou dix jours à Philippopoli, pour se rafraischir, et faire raccommoder les blessez, Lanoue, 444. Il rencontra sur sa route Aubigné avec lequel il se raccommoda, D'Aubigné, Vie, 126.

ÉTYMOLOGIE

Re…, et accommoder ; wallon, rakomodé ; Berry et Normandie, racmoder. Cette prononciation, où l'o a tendance à se changer en e muet, serait mieux représentée par racquemoder ; on l'entend quelquefois dans la conversation.