« retranchement », définition dans le dictionnaire Littré

retranchement

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

retranchement

(re-tran-che-man) s. m.
  • 1Suppression de quelque partie d'un tout. Il serait à souhaiter que les destins nous eussent accordé une vie plus longue ou plus heureuse ; mais, puisque quelque démon envieux a raccourci notre félicité par le retranchement de nos jours, il faut tâcher de la faire durer le plus que nous pouvons, Perrot D'Ablancourt, Lucien, les Amours. Le maréchal de Bellefond est à la Trappe pour la semaine sainte ; il parla fort fièrement à M. de Louvois, qui voulut faire quelque retranchement sur sa charge de général, sous M. le Prince, Sévigné, 131. Sa Majesté, qui donne à Mme la Dauphine le temps qu'il donnait à Mme de Montespan ; jugez de l'effet que peut faire un tel retranchement, Sévigné, 17 mars 1680. Le retranchement du bois superflu ne faisait que rendre les fruits meilleurs, Bossuet, Hist. II, 12. Dans les opérations que l'on fit sur les monnaies du temps de la république, on procéda par voie de retranchement, Montesquieu, Esp. XXII, 13. Cette scène [du pauvre], convenable au caractère impie de don Juan, mais dont les esprits faibles pouvaient faire un mauvais usage, fut supprimée à la seconde représentation, et ce retranchement fut peut-être cause du peu de succès de la pièce, Voltaire, Vie de Molière.
  • 2 Terme de marine. Peine de discipline (voy. RETRANCHER, n° 7).
  • 3Il se dit quelquefois pour suppression totale. Le retranchement de sa pension le réduit à la misère. Le retranchement des abus. Une mort chrétienne, préparée par des infirmités sensibles et humiliantes, par un retranchement des plaisirs et des consolations humaines, Fléchier, Duch. de Mont.
  • 4En grammaire, terme générique par lequel on désigne toute suppression de lettres ou de syllabes dans un mot, de mots dans une phrase.
  • 5Économie, réduction de dépense. Ô Dieu, quel changement, quel retranchement, quelle économie dans cette maison ! huit enfants, n'avoir pas eu le temps d'obtenir la moindre grâce ! Sévigné, 386. Que n'avez-vous fait un équipage proportionné à celui des autres, à la misère du temps, au… retranchement dont le roi donne l'exemple ? Sévigné, mars 1690. Et [ils] trouvent dans leur frugalité même de quoi faire des retranchements de piété et de pénitence, Massillon, Carême, Jeûne.

    Particulièrement, réduction dans les rentes que l'État payait. Encore au lieu de payement, On parle d'un retranchement, Régnier, Ép. III. Vous me retranchez tout net neuf années dans votre dernière lettre ; jamais notre contrôleur général n'a fait de si grands retranchements, Voltaire, Lett. au roi de Pr. 1er fév. 1773.

  • 6Suppression de certaines avances ou saillies dans les rues et sur les chemins publics.
  • 7Espace retranché d'un plus grand. Son domestique couche dans un retranchement. Elle poussa une porte qui n'était couverte que d'une tapisserie, et par où l'on entrait dans un petit retranchement où je me mis, Marivaux, Pays. parv. part. 5.
  • 8 Terme de guerre. Disposition employée pour couvrir les défenseurs d'une position et arrêter les assaillants (ainsi dite parce que les retranchements forment un espace coupé dans un plus grand). Un bois impénétrable, dont le fond est un marais, et, derrière des ruisseaux, de prodigieux retranchements, Bossuet, Louis de Bourb. On remarquera l'éminence qu'occupa ce grand capitaine, et le ruisseau dont il se couvrit sous le canon du retranchement de Selestadt, Bossuet, ib. Après beaucoup de pertes et de marches ruineuses, le czar, poussé vers le Pruth, n'avait pour tout retranchement que des chevaux de frise et des charriots, Voltaire, Charles XII, 5.

    Se dit aussi d'un obstacle naturel, comme un ravin, un bois, un cours d'eau, etc. servant à se retrancher.

  • 9 Fig. Les défenses, les arguments dont on use. Elle [Mme de Bury, dans son procès avec la maison de Grignan] croyait bien nous jeter dans le labyrinthe des semestres… c'était un très bon retranchement pour la quintessence de la chicane, Sévigné, 1er juin 1689. Il ne lui resta aucun retranchement à son erreur, Bossuet, Var. 15. Il vous faut un homme qui n'aime que la vérité et vous… qui vous dise la vérité malgré vous, qui force tous vos retranchements, Fénelon, Tél. XI. Elle [la moquerie] attaque l'homme dans son dernier retranchement, qui est l'opinion qu'il a de soi-même, La Bruyère, XI. Comme il se vit pressé, il fut obligé de sortir de ses retranchements, et il commença à dire force sottises, Montesquieu, Lett. pers. 101.

    Forcer quelqu'un dans ses retranchements, dans ses derniers retranchements, dans son dernier retranchement, détruire ses plus fortes raisons.

HISTORIQUE

XVIe s. Le retranchement de la superfluité de la depense, Amyot, Pomp. 26. J'eusse soulagé mon lecteur par les retranchements que j'apporte aux longues harangues, mais…, D'Aubigné, Hist. II, 245. L'usage des retranchemens, qui est un remede merveilleusement utile, peu pratiqué par le passé ; mais en nos guerres civiles on a appris d'en très bien user, Lanoue, 404.

ÉTYMOLOGIE

Retrancher.