« victime », définition dans le dictionnaire Littré

victime

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

victime

(vi-kti-m') s. f.
  • 1Chez les païens et les peuplades sauvages, créature vivante offerte à la divinité. Demain au Capitole il fait un sacrifice ; Qu'il en soit la victime ! Corneille, Cinna, I, 3. Je saurai, s'il le faut, victime obéissante, Tendre au fer de Calchas une tête innocente, Racine, Iphig. v, 4. Pythagore disait que les dieux avaient en horreur des victimes sanglantes, et que cela était capable d'attirer leur indignation sur ceux qui prétendaient les honorer par de tels sacrifices, Fénelon, Pythagore. Les Germains avaient à peu près les mêmes mœurs que les Gaulois, sacrifiaient comme eux des victimes humaines…, Voltaire, Mœurs, Avant-propos. Il est sûr que c'est dans cette classe infortunée [le peuple, à Taïti] qu'on prend les victimes pour les sacrifices humains, Bougainville, Voy. t. II, p. 108. Quand la lune présente un certain aspect… ils [les Taïtiens] sacrifient des victimes humaines, Bougainville, ib. t. II, p. 85.

    Fig. Nous sommes des victimes condamnées toutes à la mort ; nous ressemblons aux moutons qui bêlent, qui jouent, qui bondissent en attendant qu'on les égorge, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 7 août 1769.

  • 2Chez les Juifs, animaux qu'on immolait en sacrifice. Victime propitiatoire. Victime d'expiation. Ils immolèrent des victimes pacifiques au Seigneur, savoir des veaux, Sacy, Bible, Exode, XXIV, 5.

    Fig. La justice divine s'élève, il [le pécheur] prend son parti contre soi-même, il confesse qu'il mérite d'être sa victime, Bossuet, Sermons, Rechute, 1. Le prix de la victime augmente le prix du sacrifice, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 421.

  • 3 Terme de théologie. La victime offerte pour le salut des hommes, Jésus-Christ. Souvenez-vous, ô sacré pontife, quand vous tiendrez en vos mains la sainte victime qui ôte les péchés du monde…, Bossuet, Anne de Gonz.
  • 4 Fig. Celui qui est frappé de quelque coup, comme l'était la victime des anciens. Lui, qui de tous les miens fit autant de victimes, Corneille, Héracl. I, 2. Sous des formes différentes, je vis une affliction sans mesure ; mais je vis aussi des deux côtés [chez Louis XIV et Marie-Thérèse] la foi également victorieuse, et deux victimes royales immoler d'un commun accord leur propre cœur, Bossuet, Mar.-Thér. Et vous, pauvres de Jésus-Christ… vous premièrement, pauvres volontaires, victimes de Jésus-Christ, religieux, vierges sacrées, Bossuet, ib. Il faut que Merci tombe aux pieds du prince, digne victime de sa valeur, Bossuet, Louis de Bourbon. Il mande à ses agents qu'il n'est pas juste que la paix de la chrétienté soit retardée davantage à sa considération… ah ! quelle grande victime se sacrifie au bien public ! Bossuet, ib. Désespéré d'avoir manqué son crime, Sans doute il a voulu prendre cette victime [il a tué Roxane], Racine, Bajaz. v, 10. Triste jouet des vents, victime de leur rage, le pilote effrayé…, Racine L. Relig. ch. II.
  • 5 Fig. Celui qui est sacrifié aux intérêts, aux passions d'autrui. Il fut la victime de la calomnie. De ses propres forfaits serai-je la victime ? Racine, Théb. IV, 3. Je fus la victime d'une négociation amoureuse et d'un traité que les soupirs avaient fait, Montesquieu, Lett. pers. 9. Puisque me voilà la victime des jansénistes, je dédierai Mahomet au pape, et je compte être évêque in partibus infidelium, attendu que c'est là mon véritable diocèse, Voltaire, Lett. d'Argental, 22 août 1742. Ces tristes victimes de nos fantaisies et de nos caprices [les prostituées] m'ont toujours offert l'image du malheur et jamais celle du plaisir, Duclos, Œuv. t. VIII, p. 129.

    Celui à qui ses propres passions sont funestes, ou à qui sa propre vertu devient fatale. Il a péri victime de ses excès. Victime de son dévouement. Elle [l'âme religieuse] voit tant de mondains se faire les victimes de leur ambition, les victimes de leurs intérêts, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 427. Nous serons en mourant les victimes de la vérité, Fénelon, Tél. III.

  • 6S'est dit, absolument, des personnes qui périrent condamnées par les tribunaux révolutionnaires.

    Cheveux, costume à la victime, coiffure, habillement qui rappelait la toilette des condamnés montant à l'échafaud et qui devint à la mode dans quelques salons, lors de la réaction dont le 9 thermidor fut suivi.

    Bal des victimes, bal où l'on n'était admis qu'en prouvant qu'on avait une victime dans sa famille.

  • 7 Familièrement, une victime, un souffre-douleur, une personne objet de plaisanteries (voy. VICTIMER).
  • 8 Terme de cuisine. Côtelette à la victime, celle qui est cuite entre deux autres côtelettes qu'on sacrifie en les posant sur la braise, de sorte que tout le jus des deux côtelettes victimes passe dans celle du milieu.

HISTORIQUE

XVIe s. Que je sois ta victime, o celeste beauté, Blanche fille du ciel, flambeau d'eternité [la Vérité], D'Aubigné, Tragiques, éd. LALANNE, p. 81.

ÉTYMOLOGIE

Lat. victima. Les étymologistes latins varient : les uns le tirent de vincire, lier, parce qu'on liait la victime ; les autres, de vincere, parce que la victima était sacrifiée au retour de la victoire, tandis que l'hostia l'était en allant à l'ennemi ; d'autres enfin, de vigere, être fort, parce que la victima était une grosse bête, tandis que l'hostia était une petite bête. Corssen (Ausspr. 2° éd. t. I, p. 509) est favorable à cette dernière opinion.