« obligation », définition dans le dictionnaire Littré

obligation

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obligation

(o-bli-ga-sion ; en vers, de cinq syllabes) s. f.
  • 1Ce qui oblige. Obligation de conscience. Obligation d'honneur. Vous témoigner que je ressens, comme je dois, les solides obligations que j'ai d'être votre serviteur, Voiture, Lett. 40. L'obligation qu'il [Dieu] leur impose de faire l'aumône, Pascal, Prov. XI. Celui-là est un homme fait et un véritable sage, qui ne se fait pas une obligation du soin de contenter ses désirs, mais qui sait régler ses désirs suivant ses obligations, Bossuet, 2e sermon, Purific. 2. Les docteurs décident qu'il y a obligation de demander à Dieu toutes ces grâces [contenues dans le Pater], Bossuet, Ét. d'orais. IV, 1. Il faut remarquer l'obligation si glorieuse que ce grand pape [saint Grégoire] impose aux princes d'élargir les voies du ciel, Bossuet, Reine d'Anglet. Cette première obéissance est absolument nécessaire et d'une obligation indispensable, Bourdaloue, Exhort. sur l'obéiss. relig. t. I, p. 260. Je compte sur quelque part dans vos prières, à cette grande fête, et je n'oublierai pas mes obligations là-dessus, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 23 déc. 1705.

    D'obligation, imposé, nécessaire. M. Jurieu aurait bien fait d'autres sermons [aux premiers chrétiens patients dans la persécution], et leur aurait enseigné que la modestie n'est d'obligation que lorsqu'on est le plus faible, Bossuet, 5e avert. 19. On voit par cette doctrine [de saint Augustin] que l'oraison dominicale est supposée être l'oraison d'obligation de tous les fidèles, Bossuet, Ét. d'orais. VI, 7. Les femmes [à la cour de Turin] avaient chacune un amant d'obligation, Hamilton, Gramm. 4. La duchesse de Berry jeûnait très exactement les jours d'obligation, Saint-Simon, 435, 57. L'Église adopta bientôt cette solennité [fête des Morts], et en fit une fête d'obligation, Voltaire, Mœurs, 45.

  • 2Lien de reconnaissance pour quelque service, pour quelque plaisir. Je t'en ai, je te l'avoue, toutes les obligations du monde, Molière, l'Avare, II, 6. Je veux que vous m'ayez cette obligation, Sévigné, 119. Vous ne m'avez aucune obligation de cette société [de ce que je tiens société à M. de Rennes]… c'est un homme admirable… sa conversation est légère…, Sévigné, 401. Vous lui avez des obligations infinies, Sévigné, 531. L'obligation que je leur ai de m'accorder cette grâce, Bossuet, Lett. 31. Il a fait semblant de m'avoir obligation de l'avoir éclairé, Fénelon, Tél. III. Si les hommes savaient obliger, je crois qu'ils feraient tout ce qu'ils voudraient de ceux qui leur auraient obligation, Marivaux, Marian. part. 1. J'ai, dans toutes mes passions, détesté le vice de l'ingratitude ; et, si j'avais obligation au diable, je dirais du bien de ses cornes, Voltaire, Lett. Richel. 3 juin 1771. Il [le duc de Choiseul] m'accordait sur-le-champ ce que je lui demandais ; je ne lui ai jamais rien demandé que pour les autres ; c'est ce qui augmente les obligations que je lui ai, Voltaire, Lett. Rochefort, 27 mars 1771. Ce n'est que depuis un siècle environ qu'on a médité sur l'art de penser et de parler ; nous en avons l'obligation aux Grecs d'Italie et de Sicile, Barthélemy, Anach. ch. 57. Si l'on ne sent point du tout les petites obligations, l'on est incapable de ressentir fortement les grandes, Genlis, Ad. et Théod. t. I, p. 136, dans POUGENS.

    Fig. Avoir l'obligation de… à une chose, devoir à cette chose ce dont il s'agit. Si les financiers ne sont plus grossiers, si les gens de cour ne sont plus de vains petits-maîtres, si les médecins ont abjuré la robe, le bonnet et les consultations en latin, si quelques pédants sont devenus hommes, à qui en a-t-on l'obligation ? au théâtre, au seul théâtre, Voltaire, Lett. Albergati, 23 déc. 1760.

    Il se dit aussi, par politesse, en des occasions de peu d'importance. Prêtez-moi ce livre pour quelques jours, Je vous en aurai bien de l'obligation.

  • 3Action d'obliger, de rendre service. Puisque vous avez pris plaisir de m'obliger, je ne veux pas que vous ayez le regret d'avoir perdu votre obligation, Guez de Balzac, liv. V, lett. 25.
  • 4 Terme de droit. Lien de droit qui astreint une personne envers une autre à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Les obligations du vendeur, de l'acheteur. Le terme d'obligation a deux significations : dans une signification étendue, lato sensu, il est synonyme au terme de devoir, et il comprend les obligations imparfaites, aussi bien que les obligations parfaites ; on appelle obligations imparfaites les obligations dont nous ne sommes comptables qu'à Dieu, et qui ne donnent aucun droit à personne d'en exiger l'accomplissement : tels sont les devoirs de charité, de reconnaissance… le terme d'obligation dans un sens plus propre et moins étendu ne comprend que les obligations parfaites, qu'on appelle aussi engagements personnels, qui donnent à celui envers qui nous les avons contractés le droit d'en exiger de nous l'accomplissement… les jurisconsultes définissent ces obligations ou engagements personnels un lien de droit qui nous astreint envers un autre à lui donner quelque chose, ou à faire ou à ne pas faire quelque chose… ces termes… ne conviennent qu'à l'obligation civile : l'obligation naturelle… est aussi, quoique dans un sens moins propre, une obligation parfaite, car elle donne, sinon dans le for extérieur, au moins dans le for de la conscience, à celui envers qui elle est contractée, le droit d'en exiger l'accomplissement ; au lieu que l'obligation imparfaite ne donne pas ce droit, Pothier, Traité des obligations, 1re part. art. prélim.

    Obligation générale, celle qui donne lieu à des reprises sur tous les biens présents et à venir du débiteur.

    Obligation spéciale, celle dont le payement ne peut être poursuivi que sur certains biens.

    Obligation principale, celle qui forme le principal objet de l'engagement.

    Obligation naturelle, celle qui est fondée sur l'équité, mais qui ne produit point d'action, par opposition à l'obligation civile.

    Obligation pure et simple, celle qui n'est soumise ni à une condition ni à un terme.

  • 5Acte notarié par lequel on s'oblige à donner ou à faire telle chose dans un temps fixé.

    Il se dit aussi de toute espèce d'engagement de payer. Le roi ne lui avait payé qu'une partie de cette somme, et pour le reste il lui avait donné une obligation, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. X, p. 313, dans POUGENS.

    Obligation causée, celle dont la cause est exprimée dans l'acte.

    Faire honneur à ses obligations, payer ses dettes, acquitter ses engagements.

  • 6Titre qui représente des capitaux prêtés, soit aux administrations publiques, soit à des compagnies de commerce, d'industrie, de chemins de fer : ils sont productifs d'intérêts et remboursables dans un temps limité. Obligation de la ville de Paris, des chemins de fer, etc.

HISTORIQUE

XIIIe s. La seconde [espèce de preuves] si est par lettres, si comme quant aucuns s'est obligiés par letres, et cil qui s'obliga nie l'obligacion, Beaumanoir, XXXIX, 3.

XIVe s. À lui obligiez fu li bers Bertram gentilz En obligacions à sceaux et escriz, Guesclin. v. 19676.

XVe s. Pour ce que le roi anglois, comme roi de France, les avoit quittés de la somme et de l'obligation, ce que nullement il ne pouvoit faire, Froissart, I, I, 106. Ils allerent environ en quarante maisons de juifs, pillerent et roberent vaisselle d'argent, joyaux, robbes et les obligations, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1380. Vieille obligation deffait nouveau marché, Perceforest, t. v, f° 77.

XVIe s. Nous sommes par naturelle obligation tenus d'obeir, Calvin, Instit. 272. Obligations de bienfaits, Amyot, Démosth. 25. À fin que sa mort l'affranchist de l'obligation qu'il avoit au dict comte, Montaigne, I, 30. Ennemi juré d'obligation, d'assiduité, de constance, Montaigne, I, 103. Sans obligation de temps et de lieu, Montaigne, I, 182. En recognoissance des obligations que je vous doibs, Montaigne, IV, 311.

ÉTYMOLOGIE

Prov. obligatio ; espagn. obligacion ; ital. obligazione ; du lat. obligationem, de obligare, obliger.