« âne », définition dans le dictionnaire Littré

âne

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

âne

(â-n') s. m.
  • 1Bête de somme du genre cheval, à longues oreilles. L'âne est d'un naturel aussi sensible, aussi patient, aussi tranquille que le cheval est fier, ardent, impétueux, Buffon, Âne. Plus bête que l'âne de la fable, je m'inquiétais beaucoup pour savoir de quel maître j'aurais l'honneur de porter le bât, Rousseau, Confess. v.

    En dos d'âne, en forme de dos d'âne, c'est-à-dire ayant deux parties réunies au sommet, et présentant un talus de chaque côté.

    Têtu comme un âne, très opiniâtre.

    Sérieux comme un âne qu'on étrille, d'une sévérité affectée.

    Méchant comme un âne rouge, difficile, méchant, d'un naturel difficile.

    C'est un âne bâté, c'est un homme fort ignorant.

    C'est un âne débâté, il est trop adonné aux femmes.

    Le pont aux ânes, ce que personne ne doit ni ne peut ignorer ; ce qui est si facile que tout le monde doit y réussir.

    Bonnet d'âne, bonnet en papier et garni de deux cornes qu'on met sur la tête des enfants en guise de punition. Il n'y a qu'un bonnet d'âne à mettre sur la tête d'un savant qui croit savoir bien ce que c'est que la dureté, la cohérence, etc. Voltaire, Lett. Pruss. 57.

    Oreilles d'âne, cornets de papier imitant la forme d'une oreille d'âne, qu'on met à un enfant, pour le punir d'une faute d'ignorance.

    Contes de Peau d'âne, petits contes inventés pour l'amusement des enfants, ainsi nommés de ce qu'il y en a un qui porte précisément ce titre. Si Peau d'âne m'était conté, J'y prendrais un plaisir extrême, La Fontaine, Fab. VIII, 4. Peau d'âne, employé absolument, est masculin.

  • 2 Fig. Homme sans intelligence, esprit fermé. Un gros âne pourvu de mille écus de rente, Régnier, Sat. IV. Mais, Rapin, à leur goût, si les vieux sont profanes, Si Virgile, le Tasse et Ronsard sont des ânes, Régnier, Sat. IX. Va, tu n'es qu'un gros âne, La Fontaine, Cuv. Ma foi de tels savants sont des ânes bien faits, Molière, Fâch. III, 2.

    Adjectivement. Je n'y suis pas âne [je m'y connais], Molière, Fâch. I, 1.

  • 3En astronomie, ânes, étoiles de la constellation du Cancer.
  • 4Tête d'âne, sorte de poisson, le chabot des rivières.
  • 5Pas d'âne, espèce de plante médicinale.

    Pas d'âne, s'est dit aussi d'une sorte de mors de cheval.

    Il s'est dit encore d'une sorte de garde d'épée qui couvre toute la main. C'est une garde à pas d'âne.

  • 6En technologie, étau et outils divers.

PROVERBES

L'âne du commun est toujours le plus mal bâté, c'est-à-dire les affaires d'une communauté sont plus mal faites que celles d'un particulier.

À laver la tête d'un âne on perd sa lessive ; c'est peine perdue de vouloir instruire une personne stupide.

Il cherche son âne et il est dessus ; il cherche ce qu'il a entre les mains.

Pour vous montrer que votre âne n'est qu'une bête ; pour vous faire voir que vous vous trompez.

Pour un point, faute d'un point, Martin perdit son âne ; c'est-à-dire peu de chose a manqué pour que l'affaire réussît.

Nul ne peut faire un âne boire, si ce n'est quand il a soif ; il faut vouloir les choses en leur temps.

Il ressemble à l'âne de Buridan, se dit d'un homme qui ne sait pas se décider. Buridan, dans la scolastique, disait qu'un âne placé à égale distance de deux boisseaux d'avoine, parfaitement égaux entre eux, n'ayant aucune raison de se décider pour l'un plutôt que pour l'autre, mourrait de faim entre les deux.

SYNONYME

ÂNE, IGNORANT. On est âne par disposition d'esprit, et ignorant par défaut d'instruction. L'ignorant n'a pas appris ; l'âne ne peut pas apprendre.

HISTORIQUE

XIIe s. Returnum ; par aventure, mis peres ad jà les adnes mis à nonchaleir, Rois, 29. Quant li baron l'entendent, chascuns s'est arrier trais, Tout ainsi com li asnes qui regarde le fais, Sax. X.

XIIIe s. Tant con li vilains se demente, Timez, ses asnes espanois, Qui ne crient [craint] gelée ne nois, Oï dementer son seignor, Ren. 16997.

XIVe s. Et se touz ceulx qui soustiennent perilz et peines par fureur ou autre passion estoient fors de vraye fortitude, les asnes le seroient, Oresme, Eth. 86. Pour che dist uns proverbes que dient li pluisour ; Qui asne et femme mainne, sans paine n'est du jour, Baud. de Seb. VII, 659. Ils ne soient contrains et condamnés à chevaucher un asne, Du Cange, asinus. Il convenoit que le dit Vincent chevauchast un asne par la vile, Du Cange, ib.

XVe s. Querir un asne pour icelui asne chevaucher, Du Cange, ib. Il convient chevaucher l'asne, Du Cange, ib. Il est de grands clercs en françoys, Qui ne sont que asnes en latin, Coquillart, Droits nouv. Rien n'y font sept pintes, ne huict, Tandis que dorment maistre et dame, Puis après, sans mener, grant bruyt, Je leur ramentoy le jeu d'asne, Villon, Ball. des femmes de Paris.

XVIe s. Dans RABELAIS : Deferrer l'asne [aller à pied] ; Tirer des pets d'un asne mort [tenter l'impossible] ; Faire de l'asne pour avoir du bren [du son] ; Il y aura de l'asne [quiproquo, malentendu] ; Laver la teste d'un asne [perdre son temps] ; Mener l'asne [tenir la chandelle] ; Chantez à l'asne, il vous fera des peds. Il adjouste que nul n'est fait nostre frere, que par l'esprit d'adoption, lequel n'est donné que par l'ouie de la foy : je respon que tousjours il retombe de son asne, appliquant mal et sottement aux petits enfans ce qui n'est dit que des gens aagez, Calvin, Inst. 1091. On commença divers petits jeux, comme escorcher l'anguille, brider l'asne, prendre la grenouille, et autres, Yver, p. 615. Si lors je l'eusse entendu il y eust eu de l'asne [des coups] : je recevois tousjours quelque affront avec ces Nourmans, D'Aubigné, Faen. II, 13. À rude asne rude asnier, H. Estienne, Précell. p. 179.

ÉTYMOLOGIE

Maconnais, ône ; Berry, aine ; wall. âgne ; provenç. asne, aze ; catal. ase ; espagn. asno ; ital. asino ; d'asinus, ὄνος ; kymr. asyn ; bas-bret. azen ; goth. asilus ; allem. esel ; angl. ass.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÂNE. Ajoutez :

7Âne salé, jeu de jardin d'origine anglaise, consistant en un javelot suspendu à une corde qu'on lance, en le faisant osciller, contre un but qui est une figure de vieille femme grimaçante et la bouche ouverte (ce nom est une singulière corruption du nom anglais de ce jeu : aunt Sally, la tante Sarah).

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : On pense (Benfey, Pictet) que l'âne et son nom grec sont de provenance sémitique, hébr. atana, marcher lentement, à petits pas ; d'où ὄτνος, ὄσνος, ὄνος, et asinus se rattachant à ὄσνος. Cependant Weber rapproche ὄνος du latin onus, fardeau, et du sanscr. anas, et asinus du sanscr. asita, gris cendré.