« égorger », définition dans le dictionnaire Littré

égorger

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

égorger

(é-gor-jé. Le g prend un e devant a ou o : nous égorgeons, j'égorgeai) v. a.
  • 1Couper la gorge. Égorger un mouton. … Pour épreuve elle égorge un bélier à leurs vues, Corneille, Médée, I, 1.
  • 2Tuer avec le fer, en parlant des êtres humains. Ces dieux qui dans Pharsale ont mal servi Pompée, Qui, la foudre à la main, l'ont pu voir égorger, Corneille, Mort de Pomp. V, 4. Il faut que je fasse le tour du logis, de peur qu'il n'y ait quelqu'un de caché qui me vienne égorger, Perrot D'Ablancourt, Lucien, le Songe ou le Coq. Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger, Pascal, Pensées, art. XXIV, 35, éd. Lahure, 1860. La nation chérie a violé sa foi… Maintenant elle sert sous un maître étranger ; Mais c'est peu d'être esclave, on la veut égorger, Racine, Esth. I, 4. On égorge à la fois les enfants, les vieillards, Racine, ib. I, 5. Pygmalion ne couche jamais deux nuits de suite dans la même chambre, de peur d'y être égorgé, Fénelon, Tél. III. Vers la fin de son règne, il [Aristomène] combattit les Lacédémoniens, prit leur roi Théopompe, et égorgea, en l'honneur de Jupiter d'Ithome, trois cents hommes parmi lesquels le roi était la principale victime, Rollin, Hist. anc Œuvres, t. III, p. 40, dans POUGENS.

    Par extension. Pour avoir un carrosse et que tout y réponde, Combien un médecin égorge-t-il de monde ? Boursault, Fables d'Ésope, IV, 3. Ce n'est pas qu'aucun de ces millions d'hommes qui se font égorger prétende un fétu sur ces tas de boue, Voltaire, Micromégas, 7. Des hommes indignes du nom de chrétiens égorgeaient les peuples du nouveau monde, et la cour de Rome fulminait des bulles pour prévenir ces atrocités, Chateaubriand, Génie, IV, VI, 11.

  • 3Ancien terme de marine. Serrer les huniers, une voile au moyen des égorgeoirs.
  • 4Faire payer aux gens beaucoup plus qu'ils ne doivent. On égorge les gens dans cette auberge.

    Ruiner les affaires de quelqu'un. Dans son embarras lui demander de l'argent, c'est l'égorger.

    Desservir d'une manière cruelle. Bissy égorgeait en secret le cardinal de Noailles auprès de Mme de Maintenon, Saint-Simon, 310, 66.

  • 5S'égorger, v. réfl. Se couper la gorge à soi-même. Il s'est égorgé avec un rasoir. Je vous demande pardon de mes folies ; mais, dans l'état où je suis, il faut s'égayer ou s'égorger, Rousseau, Lett. à la mar. de Luxembourg, 21 juill. 1762.

    Fig Se faire un très grand tort à soi-même. Fuir Paris, ce serait m'égorger de ma main, Gresset, Méchant, II, 7.

  • 6Se tuer l'un l'autre dans un combat. N'en doutons plus, Olympe, ils se vont égorger, Racine, Thébaïde, I, 1. Le faux honneur… Avant tout aux mortels prescrit de se venger, L'un l'autre au moindre affront les force à s'égorger, Boileau, Sat. X. Presqu'aucun de ces animaux qui s'égorgent mutuellement n'a jamais vu l'animal pour lequel il s'égorge, Voltaire, Micromégas, 7. Si l'état naturel de l'homme était la guerre, tous les hommes s'égorgeraient ; il y a longtemps que nous ne serions plus, Voltaire, Dial. XXIV, 3.

SYNONYME

ASSASSINER, ÉGORGER. La différence entre ces deux mots est que l'assassin fait son coup à l'improviste et en se cachant, tandis que l'on peut égorger au grand jour, quand, par exemple, on exécute l'ordre d'un maître tout-puissant et irrité : Christine a fait égorger Monaldeschi.

HISTORIQUE

XVIe s. Les couteaux si trenchans qu'on a veu esgorger Depuis les rois hautains eschauffez à la guerre Jusqu'au ver innocent qui se traine sur terre, D'Aubigné, Tragiques, liv. I, Misères.

ÉTYMOLOGIE

É- pour es- préfixe, et gorge. Rabelais disait esgorgeter, dans Garg. I, 27.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉGORGER. Ajoutez :
7S'égorger, être égorgé. Les victimes s'égorgent dans le parvis ; mais il n'y a que l'arche où l'on conserve la manne, Fléchier, Sermons, Samaritaine.