« émotion », définition dans le dictionnaire Littré

émotion

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

émotion

(é-mo-sion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.
  • 1Mouvement qui se passe dans une population. On ne parle que de la guerre ; le roi a deux cent mille hommes sur pied ; toute l'Europe est en émotion, Sévigné, 127.

    Mouvement excité dans les humeurs, dans l'économie. Il a trop marché, cela lui a donné de l'émotion.

    Une émotion de fièvre, un léger mouvement de fièvre. Il n'a plus la fièvre, mais je lui trouve encore de l'émotion.

    Terme de médecine. Émotion du pouls, état d'un pouls qui s'écarte un peu, pour la vivacité et la fréquence, de l'état naturel. Ici émotion est pris au sens physique.

  • 2Agitation populaire qui précède une sédition, et quelquefois la sédition elle-même ; ce qui est un mouvement moitié physique, moitié moral. Rome autrefois a vu de ces émotions, Corneille, Nicom. V, 2. Beautru et Nogent traitaient l'émotion de bagatelle, Retz, II, 521. Cette émotion ne se serait pas à la fin terminée sans qu'il y eût beaucoup de sang répandu, Vertot, Révol. rom. III, 270. La cherté étant excessive dans les années de 1709 et 1710, il y eut quelques émotions qu'il n'eût été ni prudent, ni humain de punir trop sévèrement, Fontenelle, Argenson. Ils [maréchal de Boufflers et duc de Gramont] rencontrèrent le maréchal d'Huxelles dans son carrosse, qu'ils arrêtèrent pour lui demander des nouvelles parce qu'il venait du côté de l'émotion, Saint-Simon, 244, 3.
  • 3Mouvement moral qui trouble et agite, et qui se produit sous l'empire d'une idée, d'un spectacle, d'une contradiction, et quelquefois spontanément sous l'influence d'une perturbation nerveuse, comme cela a lieu quelquefois dans l'hypocondrie. Une des choses qui m'effrayait le plus, était que, lorsque j'étais bien haut et que je regardais en bas, la couverture [où on le bernait] me paraissait si petite qu'il me semblait impossible que je retombasse dedans ; et je vous avoue que cela me donnait quelque émotion, Voiture, Lett. IX. Si ce grand silence à ton émotion fait quelque violence, Corneille, Cinna, V, 1. Et quoique le dehors soit sans émotion, Le dedans n'est que trouble et que sédition, Corneille, Poly. II, 2. Une émotion universelle de la personne, Pascal, dans COUSIN. À quel propos donner cette émotion ? Sévigné, 442. Le peu d'émotion qu'il eut de sa contusion, Sévigné, 492. Qui pourrait n'être pas ému à ce spectacle [la mort de la reine] ? mais ces émotions d'un jour, qu'opèrent-elles ? Bossuet, Marie-Thér. L'esprit de charité et de douceur a ses émotions et ses colères, Pascal, Prov. X. Se sentant de l'émotion contre un esclave : je te frapperais, dit-il [Socrate], si je n'étais en colère, Rollin, Hist. anc. t. IV, p. 356, dans POUGENS. Et cette émotion dont son âme est remplie, A bientôt épuisé les forces de sa vie, Voltaire, Zaïre, III, 4. Dès qu'il fut seul avec ses officiers les plus dévoués, toutes ses émotions éclatèrent à la fois par des exclamations d'étonnement, d'humiliation et de colère, Ségur, Hist. de Napol. IX, 12.

    En un sens particulier, trouble heureux ou doux de l'âme. Les arts du dessin, la sculpture, la peinture ont beaucoup de rapports avec la poésie dans les émotions qu'éprouve l'artiste et dans celles qu'il veut communiquer, Turgot, Ébauche du 2e disc. Progrès de l'esprit humain, p. 275. Il me trouvait plus belle, et ses émotions Ouvrirent un chemin à mes séductions, Lemercier, Frédég. et Bruneh. I, 2. C'est là le mérite de Richardson : ainsi, par ce don de l'émotion et du pathétique, les images les plus fortes, les plus hardies arriveront naturellement sous sa plume, Villemain, Litt. franç. XVIIIe siècle, 2e part. 1re leçon.

HISTORIQUE

XVIe s. Lors de l'emotion de Catilina [conspiration, soulèvement], Montaigne, I, 340.

ÉTYMOLOGIE

Lat. emotionem, de emotum, supin de emovere, émouvoir (voy. ÉMOUVOIR).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉMOTION. Ajoutez :
4Petit mouvement fébrile. Monseigneur le Dauphin eut hier un second accès [de fièvre], qu'on pourrait compter pour le troisième, à cause d'une émotion qui marqua un peu jeudi dernier, Bossuet, Lett. à Huet, 21 oct. 1670, dans Correspond. 25 déc. 1876, p. 1080.