« épancher », définition dans le dictionnaire Littré

épancher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

épancher

(é-pan-ché) v. a.
  • 1Dans le style élevé, verser. Épancher du vin. Ma main de cette coupe épanche les prémices, Racine, Brit. v, 5.

    Par extension. Tantôt un bois profond, sauvage, ténébreux Épanche une ombre immense, et tantôt, moins nombreux, Un plant d'arbres choisis forme un riant bocage, Delille, Jardins, II.

    Par une autre extension et fig. Mettre en dehors. Un vain désir de paraître, qui nous épanche au dehors et nous rend ennemis de toute retraite, Bossuet, Vêture, Bouillon. Lui seul, disaient-ils, savait dire et taire ce qu'il fallait, seul il savait épancher et retenir son discours, Bossuet, le Tellier.

  • 2 Fig. Verser comme un liquide qu'on répand, produire libéralement. Les fruits que la terre épanchait de son sein, Fénelon, Tél. II. Il épancha ses dons sur le globe fertile, Saint-Lambert, Saisons, I. Un grand cœur veut dans l'ombre épancher ses bienfaits, Gilbert, Stances à M. d'Arnaud. Alors [sous les païens] la religion n'était que soufferte, alors les prêtres ne demandaient pour elle aux maîtres du monde que de la laisser épancher dans le sein de l'homme ses bienfaits inestimables, Mirabeau, Collection, t. IV, p. 333.
  • 3Verser, communiquer des choses intimes. Souffrez qu'en votre sein j'épanche mon secret, Lamotte, Inès de Castro, II, 1.

    Épancher son cœur, exposer avec sincérité sa pensée, ses sentiments. Elle épancha son âme devant Dieu, Fléchier, Aiguillon. Il épanche son cœur dans celui de son ami, Rousseau, Ém. v.

  • 4S'épancher, v. réfl. Être épanché. Lorsqu'il est plein, ses eaux s'épanchent en cascades ; mais, dans les temps de sécheresse, ces épanchoirs n'en versent plus, et alors c'est du fond du réservoir qu'on les tire, Marmontel, Mém. VII. L'onde rafraîchit l'air ; l'air s'épanche en rosée, Delille, Hom. des champs, I. Plus loin, sur la rive où s'épanche Un fleuve épris de ces coteaux…, Lamartine, Méd. II, 1.

    Fig. Le sommeil sur ses yeux commence à s'épancher, Boileau, Sat. VIII. Mon cœur vous fut ouvert tant qu'a vécu mon père ; C'était le seul présent que je pouvais vous faire : Et lorsque avec mon cœur ma main peut s'épancher, Vous fuyez mes bienfaits tout prêts à vous chercher, Racine, Bérén. III, 1.

  • 5Il se dit, principalement en médecine, du sang, d'une humeur qui s'extravase. Le sang s'est épanché dans la poitrine.
  • 6Verser librement les sentiments de son cœur. Il s'épanchait en fils qui vient, en liberté, Dans le sein de sa mère oublier sa fierté, Racine, Brit. v, 3. Mon cœur pour s'épancher n'a que vous et les dieux, Racine, Phèd. v, 1. Au lieu de vouloir vous cacher mes ennuis, je cherche à m'épancher et trouve une douceur secrète à vous découvrir mon âme, Lesage, Diabl. boit. 13. Quand l'étourdi venait s'épancher à lui, Rousseau, Ém. IV. Je m'épanche avec vous, je ne dois rien vous taire, La Chaussée, Préj. à la mode, v, 5.

HISTORIQUE

XVIe s. Je ne m'espancheray pas d'avantage à poursuivre ces allusions et etymologies, Des Accords, Bigarr. f° 92, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Bourguign. épainché. Autre forme de épandre, comme pencher est une autre forme de pendre. Ces formes supposent un développement du mot latin par un suffixe, expandere en expandicare, et pendere en pendicare.