« bâtir », définition dans le dictionnaire Littré

bâtir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bâtir [1]

(bâ-tir) v. a.
  • 1Faire une construction quelconque. Bâtir une église. La brique et le moellon qui ont servi à bâtir la ville. Je me suis bâti une cabane. À cause d'une maison qu'il faisait bâtir, Bossuet, Hist. III, 7. Les superbes remparts que Minerve a bâtis, Racine, Phèd. I, 5.

    Absolument. Passe encor de bâtir, mais planter à cet âge ! La Fontaine, Fables, II, 8. Il faut avoir trente ans pour songer à sa fortune ; elle n'est pas faite à cinquante ; l'on bâtit dans sa vieillesse, et l'on meurt quand on en est aux peintres et aux vitriers, La Bruyère, 6.

    Fig. Bâtir en l'air, former des projets chimériques. Bâtir sur le sable, former une entreprise qui ne peut durer. Et bâtissant en l'air sur le malheur d'autrui…, Corneille, Hor. IV, 4. Voilà le sable sur lequel on bâtit, Sévigné, 306.

    Bâtir à chaux et à ciment, donner à ce qu'on fait une base solide.

    Fig. et familièrement. Bâtir sur le devant, se dit d'une personne qui, engraissant, prend un gros ventre, et aussi d'une femme enceinte.

  • 2Fonder. La ville d'Alexandrie fut bâtie par Alexandre.
  • 3 Fig. Fonder, établir. Il a bâti sa fortune sur les débris de celle des autres. Les systèmes que les philosophes bâtissent. Il verra comme il faut dompter des nations Et sur de grands exploits bâtir sa renommée, Corneille, Cid, I, 7. Le pauvre homme bâtit Maint ombrage et mainte chimère, La Fontaine, Coupe. Et sur un bois détruit bâtit mille procès, Boileau, Lutr. V.

    Absolument. Quant à la conséquence qu'on tire, c'est bâtir sur un faux principe, Bossuet, Nouv. myst. 12. Les personnes de condition bâtissent toujours sur les honneurs de leur maison et de leurs ancêtres, Bossuet, Bern. 1. Mon cœur aura bâti sur ses attraits naissants…, Molière, Éc. des f. IV, 1. Vous supposez mon apostasie comme un principe ferme sur lequel vous bâtissez hardiment, Pascal, Prov. 17.

  • 4 Terme de chapellerie. Façonner le feutre sur le bassin.
  • 5Se bâtir, v. réfl. Être bâti. Les maisons qui se bâtissent aujourd'hui.

HISTORIQUE

XIIe s. E dist à ceaus [ceux] qui bastissoient maisons, Machab. I, 3. Vers cels qui ceste m'ont bastie [m'ont mis cette mauvaise affaire], Ronc. p. 15. E cil qui mortalment le soleient haïr, Envers le rei Henri medler e mal tenir, E ki furent à sa mort purchacier e bastir, Th. le mart. 159.

XIIIe s. De traïson bastir n'ert [n'était] la vieille lente, Berte, XCVI. Et puis basti un tel plait dont Lombart se repentirent à la fin, H. de Valenciennes, XV. Ha, quens de Boulongne, quens de Boulongne, quelle avés bastie la traïson entre vous et frere Garin ? Chron. de Rains, 145. De tant li [au chevalier] a son bon [plaisir] basti Amors, qui le connissoit bien, Lai de l'ombre. Moult m'avés or grant los basti, Quant de tel chose vous vantés, la Rose, 8530.

XVe s. Et avoit le roi d'Angleterre basti son siege [de Vannes] par telle maniere que les François ne pouvoient venir à lui par nul avantage, Froissart, I, I, 211. La paix, telle que le grand maistre l'avait bastie et faite avec le roy de Cypre, Bouciq. III, ch. 18. Et n'y ait si sot ne si lourd, Si nyaiz, ne si mal basty, Pour faire du gros, du demy lourd, Qui n'use des droitz du jourd'huy, Coquillart, Droits nouv.

XVIe s. Pigmalion ayant basti une statue de femme de beauté singuliere, Montaigne, II, 92. Ce livre est basti d'un espaignol barragouiné en terminaisons latines, Montaigne, II. 137. Tu tiens table comme Crassus, tu bastis comme Lucullus, et nous presches comme Caton, Amyot, Cat. d'Ut. 30. Il demeure icy à nourrir des seditions en la ville, bastissant par tel artifice les moyens de mettre la chose publique en telle confusion, que…, Amyot, ib. 61. D'Aubigné acheta dans ce temps et batit la terre du Crest ; comme il prenoit grand plaisir à son batiment…, D'Aubigné, Vie, CXLVI. Le premier tuiau sera creusé dans une grosse pierre de taille bastie au travers du mur, De Serres, 763.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. bastir ; anc. ital. bastire. Ce mot a le même radical que bâton et bât (voy. ces mots), c'est-à-dire l'idée de soutenir, de porter.