« combler », définition dans le dictionnaire Littré

combler

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

combler

(kon-blé) v. a.
  • 1Remplir une mesure, un vaisseau jusque par-dessus le bord. Combler un boisseau.

    Fig. Combler la mesure, commettre une dernière action qui rende toute patience, toute indulgence impossible. Mes crimes désormais ont comblé la mesure, Racine, Phèd. IV, 6.

    Fig. Ou plutôt il fallait, comblant ta perfidie, Lui ravir tout d'un coup la parole et la vie, Racine, Phèd. IV, 2. Quand le ciel en colère De ceux qu'il persécute a comblé la misère, Voltaire, Orphel. V, 1. Ses prédécesseurs avaient commencé la ruine des mœurs ; il la comble, Diderot, Ess. sur Claude.

  • 2Remplir un creux ou un vide. Combler un fossé. Prends ton pic, et me romps ce caillou qui te nuit ; Comble-moi cette ornière…, La Fontaine, Fabl. VI, 18.

    Par extension. Cette ligne, fournie par les manuscrits, comble une lacune dans le texte.

    Combler un déficit, fournir l'argent qui manque dans une caisse.

    Fig. Combler les vœux, les désirs, les souhaits de quelqu'un, lui procurer tout ce qu'il souhaite.

  • 3Faire avoir en surabondance. J'étais lasse d'un trône où d'éternels malheurs Me comblaient chaque jour de nouvelles douleurs, Corneille, Rodog. II, 3. Qu'il comble d'épouvante et Grenade et Tolède, Corneille, Cid, IV, 3. Puisse d'un prompt succès votre grande entreprise Combler vos ennemis d'un mortel désespoir, Corneille, Médée, IV, 6. Ce choix pouvait combler trois familles de gloire, Corneille, Hor. I, 2. Cette déesse qui nous comble de biens, Fénelon, Tél. I. Il nous combla de présents, Fénelon, ib. I. Vous me comblez de joie en m'apprenant que les stoïciens subsistent encore, Fontenelle, Sénèque et Scarron. Cet hommage rendu à l'Académie par un savant illustre que l'Europe avait comblé de titres littéraires, honore à la fois cette compagnie et la nation, Condorcet, Linné.
  • 4 Elliptiquement. Combler quelqu'un, le satisfaire entièrement. Vous me comblez. Entre ces tilleuls sans feuillage, Nous regarder comblait nos jours, Béranger, Maudit printemps.
  • 5Se combler, v. réfl. Être comblé. On a vu plusieurs vallées se combler par des éboulements.

HISTORIQUE

XIIe s. Por de besans pleine mine comblée Ne vous voudroie…, Guill. D'Orange, Variantes, t. II, p. 294.

XIVe s. Et de draps y avoit mainte pile empilée, Et de lange et de linge mainte huche comblée, Guesclin. 20398. Et en l'un des bachins pumes [pommes] je meteroie, Et l'autre par dechà de florins combleroie, Baud. de Seb. I, 1037. Les gens de guerre avoient rompu et comblé en partie ung puis qui estoit en la maison, Du Cange, abosatio.

XVe s. Le cheval n'estoit mye frais ; car il avoit erré grant journée ; et il se combla des pieds de devant et cheut en une crevace moult grande, et le chevalier tomba dessoubz, Lancelot du lac, t. I, f° 43.

XVIe s. La mer comblant de limon et de sable les fosses d'entre deux, Montaigne, I, 231. Combler un bras de mer, Amyot, Thémist. 31. Je vous conseille de combler ici vos victoires, et de pendre vostre espée au croc, D'Aubigné, Hist. II, 483. Celuy est bien mon oncle qui le ventre me comble, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Provenç. cumular ; espagn. colmar ; ital. colmare, cumulare ; du latin cumulare, combler. Dans l'exemple de Lancelot du lac, se combler veut dire chopper, et vient du bas latin colmus, embarras dans un chemin, qui se trouve dans encombrer (en-combr-er), et qui vient de cumulus (voy. COMBLE 1).