« croc.2 », définition dans le dictionnaire Littré

croc

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

croc [2]

(kro ; le c ne se prononce pas, même devant une voyelle, excepté dans croc-en-jambe, dites : kro-k en jambe ; au pluriel, krô ; l's se lie : des krô-z aigus) s. m.
  • 1Sorte de grappin de fer ou de bois auquel on suspend quelque chose. Pendre de la viande au croc. Apprends-moi ton métier, camarade, de grâce ; Rends-moi le premier de ma race, Qui fournisse son croc de quelque mouton gras, La Fontaine, Fabl. XII, 9.

    Pendre au croc un habit, l'y suspendre quand on le quitte. Je pendis au croc une seconde fois mon habit, pour en prendre un de mon maître et me donner l'air d'un médecin, Lesage, Gil Blas, II, 3.

    Fig. Pendre son épée au croc, mettre les armes au croc, quitter le métier des armes, la vie militaire. Je veux pendre l'épée au croc, Molière, les Préc. 12. Si Dieu ne change mes résolutions, je mettrai bientôt mon armure au croc, Courier, Lett. I, 285.

    Mettre un procès au croc, le pendre au croc, cesser de le poursuivre.

    Être au croc, être interrompu, empêché. Quoi ! la pièce [comédie] est au croc une seconde fois, Piron, Métrom. IV, 5.

    Avoir à son croc, avoir certaines choses utiles accrochées au croc. Bonne chasse, dit-il [le loup en apercevant un cheval], qui t'aurait à son croc, La Fontaine, Fabl. V, 8.

    Fig. Amour n'avait, à son croc, de pucelle Dont il crût faire un aussi bon repas, La Fontaine, Comment l'espr.

    Fig. Mille autres moutons comme moi, Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire, Seront servis au peuple-roi, Chénier, 269.

  • 2Longue perche dont le bout est armé d'un crochet. Un croc de batelier. Une partie des soldats était occupée à tirer avec des crocs les corps entassés dans les maisons [dans le siége de Carthage par Scipion Émilien], Chateaubriand, Itin. III, 157.

    Les crocs de la ville, se disait, à Paris et dans d'autres grandes villes, de grands crocs dont on se servait pour abattre les maisons qui brûlaient, à l'effet d'éteindre le feu. Enfin sous mille crocs la maison abîmée Entraîne aussi le feu qui se perd en fumée, Boileau, Sat. VI.

  • 3 Terme d'agriculture. Croc ou crochet, instrument aratoire à une, deux ou plusieurs dents aiguës, faisant avec le manche un triangle plus ou moins ouvert. Le croc est principalement employé dans la petite culture.
  • 4 Terme de marine. L'extrémité recourbée d'un grand nombre d'ustensiles de fer.

    Croc à émerillon, celui qui tourne sur l'estrope ferrée d'une poulie.

    Dans le langage des marins. Coup de croc, petit verre d'eau-de-vie, dit aussi coup de sec. Nous prîmes un coup de croc.

  • 5Dents recourbées ou pointues de certains animaux. Ce mâtin a de grands crocs. …Sa gueule faisait une laide grimace, Qui, parmi de l'écume, à qui l'osait presser, Montrait de certains crocs…, Molière, Princ. d'Élide, I, 2.

    Par extension, pince d'écrevisse. Eh bien ! cet animal aux longs crocs, au pas lent [l'écrevisse], Montre au sage étonné que ce spectacle enchante, Les débris renaissants de sa serre tranchante, Delille, Trois règnes, VII.

  • 6 Terme de botanique. Croc de chien, arbre épineux des Antilles, ainsi nommé parce que ses épines arrêtent les chiens à la chasse ; le fruit en est une prunelle jaune.
  • 7 Au plur. Moustaches recourbées en crochet. Sa bouche était surmontée de deux crocs de moustache rousse.

REMARQUE

Le peuple dit souvent un croc pour un voleur, un escroc ; mais ce paraît être une corruption du mot escroc, et non une figure du mot croc.

HISTORIQUE

XIIe s. E chaesnes, e crocs, e phieles, e mortiers e encensiers, tut de fin or, Rois, 257.

XIIIe s. Il prenoient les nés [nefs] toutes ardans à crocs de fer, et les tiroient parvive force fors du port, Villehardouin, XCVI. Et fu li vaissiaus [une outre] saciés fors à graus de fier, et fu aportés à terre, Chr. de Rains, 96. Il s'en vont querre le cheval, Qui aloit noant [nageant] contreval, Du croc le prennent par les renes, Bl. et Jeh. 2723. Ausinc doit fame par tout tendre Ses raiz por tous les hommes prendre ; Car por ce qu'el ne puet savoir Des quiex el puist la grace avoir, àu mains por ung à soi sachier, à tous doit son croc atachier, la Rose, 13798. El feu le jettent erranment, Od crocs de fer ens le buterent, Marie de France, Purgatoire, 889. Deable à leur croc les ensaichent, Enz en enfer dedenz les saichent, G. de Coinsy, Ste Leocade, V. 373.

XIVe s. Lors jeterent lor ancre, et les grans cros d'achier, Dont il firent ensamble leur vaissiaus attachier, Baud. de Seb. IV, 710.

XVe s. De moy ne serez escondit, S'aucune chose desirez à vostre bien, quant l'escriprez ; Paine mectray, d'entente franche, Que l'ayez de croq ou de hanche, Orléans, Réponse à Frédet. Ayans [dans un combat singulier] bastons accoustumés… sans avoir alesnes, ne crocs, broches, poinsons, fers barbelez, aguilles, pointes envenimées…, Monstrelet, t. I, ch IX, p. 8, 1402, dans LACURNE. Je vueil gaigner mon pain en toute place, Sans ressongnier [craindre] justice ne ses cros, Deschamps, Poésies mss. f° 236, dans LACURNE, au mot cros.

XVIe s. Et toi, miserable goutteux, as-tu pendu plaisir au croc ? Goupille, Plaisants devis, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 164. Maintenant de croc et de hanche, que toutes voyes estoient licites contre les Lutheriens, tant fussent elles estranges, Laplanche, Estat de la Fr. sous Franç. II, p. 146, dans LACURNE. Il pressa de là en avant le sauvage qui l'avoit pressé, et quant et quant lui donna de croc et hanche si bien qu'il le mit tout plat sur l'herbe, D. Flores de Grece, f° CXX, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. croc ; ital. crocco ; d'un radical qui est également germanique et celtique : anc. scandin. krôkr ; angl. crook ; kymri, crôg ; breton, krôk. Il n'est pas sûr que graus, dans la Chronique de Rains, soit crocs ; ce peut être un mot ayant pour radical grap (voy. GRAPPIN).