« désert.2 », définition dans le dictionnaire Littré

désert

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

désert [2]

(dé-zêr ; le t ne se lie pas : un dé-zêr affreux ; au pluriel, l's ne se lie pas : des dé-zêr affreux ; cependant quelques-uns lient : des dé-zêr-z affreux) s. m.
  • 1Lieu, pays sauvage et désert. L'esprit de Dieu conduit Benoît au désert, Massillon, Panég. St Benoît. Quel climat, quel désert a donc pu te cacher ? Racine, Esth. I, 1. Les déserts autrefois peuplés de sénateurs Ne sont plus habités que par leurs délateurs, Racine, Brit. I, 2. Étant partis d'Horeb, nous passâmes par ce grand et effroyable désert que vous avez vu, Sacy, Bible, Deutéron. I, 19. Voici le plus beau désert qu'on puisse voir ; n'admirez-vous pas ces ruisseaux qui tombent des montagnes, ces rochers escarpés, et en partie couverts de mousse ? Fénelon, Dial. des morts mod. Léger, Ébroin. De déserts en déserts errant, persécuté, Voltaire, Mérope, V, 1. Ses sorties journalières [de Napoléon], qu'éclairait toujours un soleil brillant, dans lequel il s'efforçait de voir et de montrer son étoile, ne le distrayaient point ; au triste silence de Moscou morte se joignait celui des déserts qui l'environnent, et le silence encore plus menaçant d'Alexandre, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 10.

    Fig. Je ne me plais qu'avec le monde, et tout sans lui m'est un désert et m'ennuie, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 393. Ils voudraient être au fond des déserts, mais ils n'ont pas la force de se faire un désert du monde lui-même, Massillon, Profess. relig. Sermon 1. Le seul qui m'entendît encore dans ce désert peuplé, Staël, Corinne, XIV, 3. Ô toi qui m'apparus dans ce désert du monde, Habitante du ciel, passagère en ces lieux, ô toi qui fis briller dans cette nuit profonde Un rayon d'amour à mes yeux, Lamartine, Médit. I, 17. J'ai vécu ; j'ai passé ce désert de la vie, Où toujours sous mes pas chaque fleur s'est flétrie, Lamartine, ib. I, 18.

  • 2 Par extension, lieu, pays peu habité, retiré. Il n'y a rien ici, c'est un désert, Sévigné, 161. Et parfois il me prend des mouvements soudains De fuir dans un désert l'approche des humains, Molière, Mis. I, 1. Le seul bruit de leur approche fait un désert des contrées les plus habitées, Raynal, Hist. phil. V, 34.

    Par exagération. Faire un désert de sa maison, ne recevoir personne. Je ne ferai point un désert de ma maison, parce qu'il s'y passe des choses qui me déplaisent comme à vous, Diderot, Père de famille, III, 7.

    Familièrement. Parler, prêcher dans le désert, n'être pas écouté.

    Se retirer au désert, dans le langage de Port - Royal, s'enfermer dans une étroite retraite.

    Aller entendre la parole de Dieu au désert, locution des protestants qui, après la révocation de l'édit de Nantes, se réunissaient dans des lieux écartés et déserts pour entendre le prêche, qui était interdit sous des peines très sévères.

  • 3 Fig. Absence complète, manque absolu. Quel plan de philosophie plus simple [que celle de Platon] ! quelles vues plus nobles ! mais quel vide ! quel désert de spéculation ! Buffon, Animaux. Système de génération.

HISTORIQUE

XIIe s. Auquant home s'en estoient alé el desert, Machab. I, 2. E li reis Sedechias s'enfuid par la champaine del desert, Rois, p. 434. Et cest vin, que ces [ceux-là] en beivent qui se alasseront [lasseront] par aventure al desert, ib. 178. Deus enseverad [mit à part] le lignage Levi, et eslit et retint especialment à son servise del tabernacle, qui primes fud levez al desert de Sinaï, ib. 2. [Le mal] Que nous soufrons en cest desert sauvage, Ronc. p. 81.

XIIIe s. Or vois comme Fortune sert Çà jus en ce mondain desert, la Rose, 6366.

XIVe s. Ne tint voie ne sente li drommons soufisans, Vers Inde le [la] majour, es desers d'Abrahans, Baud. de Seb. X, 1065.

XVIe s. Ceulx de qui la mer, les montagnes et les deserts inhabitables ne peuvent arrester l'avarice, Amyot, Pyrrh. 23.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. desert ; espagn. desierto ; ital. deserto ; du latin desertum (voy. DÉSERT 1).