« dicter », définition dans le dictionnaire Littré

dicter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dicter

(di-kté) v. a.
  • 1Prononcer plus ou moins lentement et à haute voix ce qu'on fait écrire au fur et à mesure par quelqu'un. Dicter une lettre à son secrétaire, un thème à des écoliers. L'empereur, ne pouvant plus douter de la bataille, rentra dans sa tente pour en dicter l'ordre, Ségur, Hist. de Nap. VII, 7.

    Absolument. Je vous conjure, par toute l'amitié que vous avez pour moi, de ne m'écrire qu'une feuille tout au plus ; dites à quelqu'un de m'écrire, et même ne dictez point, cela fatigue, Sévigné, Lett. 10 janv. 1680.

  • 2 Fig. Suggérer, en parlant de paroles, de discours, d'écrits. On a dicté à cet accusé toutes ses réponses. C'est l'humilité qui a dicté ces paroles, Bossuet, Or. 9. Sans doute la douleur vous dicte ce langage, Racine, Brit. II, 6. … Mais quels discours faut-il que je lui tienne ? - Ah ! daignez sur ce choix ne me point consulter ; L'occasion, le ciel pourra vous les dicter, Racine, Baj. II, 5. Quoi ! vous repentez-vous des généreux discours Que vous dictait le soin de conserver ses jours ? Racine, ib. III, 1. Va, ne perds point de temps ; ce que tu m'as dicté, Je veux de point en point qu'il soit exécuté, Racine, Esth. II, 5. Il finit par lui dicter un testament où il réduit son fils à la légitime, La Bruyère, IV. Notre conscience nous dicte tout bas les maximes de la vie éternelle, Massillon, Panég. S. Étienne. Comme les honnêtes gens évitent de se servir des termes que dicte l'emportement ou qui blessent la pudeur, on les a exclus du Dictionnaire, Acad. Dict. de 1740, préface. Je ne sais si c'est l'esprit ou le cœur qui me dicte cet article-ci, Montesquieu, Esp. XV, 8.

    Absolument. Arbitre des beaux vers, Apollon, loin de moi ! Pour célébrer d'Arnaud, pour chanter sa grande âme, Mon cœur dicte, il suffit, qu'ai-je besoin de toi ? Gilbert, à M. d'Arnaud.

  • 3Prescrire, imposer. La raison nous dicte cela. Le sénat chaque jour et le peuple irrités De s'ouïr par ma voix dicter vos volontés, Racine, Brit. IV, 2. Et faisons qu'à ses fils il ne puisse dicter Que les conditions qu'ils voudront accepter, Racine, Mithr. I, 5. Quelque loi qu'il vous dicte, il faut vous y soumettre, Racine, Phèdre, III, 3. Vous-même avez dicté tout ce triste appareil, Racine, Esth. III, 1. Quoi ! ces affreux serments qu'on vient de te dicter…, Voltaire, Zaïre. III, 4. César aurait dicté cet arrêt sanguinaire ! Voltaire, Triumv. IV, 2. Votre cœur a-t-il pu, sans être épouvanté, Avoir un sentiment que je n'ai pas dicté ? Voltaire, Fanat. III, 3. Peut-être l'amour même avait dicté ce choix, Voltaire, Tancr. II, 6.
  • 4Se dicter, v. réfl. Être dicté, suggéré, prescrit. Une telle réponse ne se dicte pas.

HISTORIQUE

XIIe s. Salomons de Bretaigne le serrement dita, Ronc. p. 192. Li evesques de Lundres une epistle enveia Saint Thomas ultre mer, mes sun num i cela, E el nun des evesques del païs le dita E des autres persones, mais nul n'en i numa, Th. le mart. 81. S'oïr volez les lettres, jes [je les] vus sai tres bien dire, Si cum li reis les fist e diter e escrire, ib. 118.

XIIIe s. Et bien tesmoigne Joffrois li mareschaus de Champaigne, qui ceste oevre dita, Villehardouin, XCVI.

XIVe s. Par elle eslit l'en si comme droite raison commande et dite, Oresme, Eth. 37.

XVe s. Et ce nonobstant, si empris-je assez hardiement, moi issu de l'escole, à rimer et à dicter les guerres dessus dites, Froissart, Prol. Cy commence l'art de dicter [composer des vers], et faire des chansons, balades, virelais et rondeaux, Deschamps, Poésies mss. f° 394, dans LACURNE. À l'endemain, l'autre, garni d'une lettre, Dieu sait comment dictée [rédigée], vint rencontrer sa dame, Louis XI, Nouv. XXXVII.

XVIe s. Les lettres dictées et signées, Grandgousier…, Rabelais, Gar. I, 30. Soy gouverner au son d'une cloche, et non au dicté de bon sens et entendement, Rabelais, ib. I, 52. Puisque, par une faveur particuliere de la bonté divine, certaine façon de priere nous a esté prescripte et dictée mot à mot par la bouche de Dieu, Montaigne, I, 394.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. dictar ; ital. dittare ; du latin dictare, fréquentatif de dicere, dire (voy. ce mot).