« disgrâce », définition dans le dictionnaire Littré

disgrâce

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disgrâce

(di-sgrâ-s') s. f.
  • 1Perte des bonnes grâces d'une personne puissante. Encourir la disgrâce du prince. Il a soutenu héroïquement sa disgrâce, Sévigné, 348. Le meilleur de tous les biens, s'il y a des biens, c'est le repos, la retraite, et un endroit qui soit son domaine ; N*** a pensé cela dans sa disgrâce, et l'a oublié dans la prospérité, La Bruyère, VIII. La disgrâce éteint les haines et les jalousies, La Bruyère, XII. Rien n'est si voisin de la faveur que la disgrâce, Maintenon, Lett. d'Aubigné, 3 juillet 1680. Pour languir dans l'éclat d'une illustre disgrâce, Voltaire, Sémiram. II, 4. La disgrâce jette je ne sais quoi de touchant sur les grandes vertus et les qualités éminentes, Mairan, Éloges, Card. Polignac. Albuquerque mourut à Goa en 1515, sans richesses, et dans la disgrâce d'Emmanuel, auquel on l'avait rendu suspect, Raynal, Hist. phil. I, 17.

    Par analogie. Tous les hommes sont dans la disgrâce de Dieu, Pascal, Juifs, 1. Lorsque nous avons été assez malheureux que de tomber dans la disgrâce de Dieu, Massillon, Car. Temples. L'homme est maintenant en disgrâce chez tous ceux qui pensent, Vauvenargues, Max. CCXIX. Nous sommes tombés d'un tourbillon dont nous étions le centre, dans le tourbillon du soleil d'aujourd'hui ; d'astres que nous étions nous sommes devenus lune, ayant par faveur autour de nous une autre petite lune pour nous consoler dans notre disgrâce, Voltaire, Dial. XXIX, 10.

  • 2État, par rapport aux événements, comparé à la disgrâce par rapport à une personne. Enfin donc ton amour ne craint plus de disgrâce, Corneille, le Ment. IV, 2. J'ai le cœur au-dessus des plus fières disgrâces, Corneille, Cid, II, 1. Voilà ce que c'est que du monde ; la moindre disgrâce nous fait mépriser de ceux qui nous chérissaient, Molière, Préc. 18. J'en juge par moi-même ; et la moindre disgrâce, Lorsque je suis à jeun, me saisit, me terrasse, Molière, Sganar. 7. J'ai cru que notre mariage n'était qu'un adultère déguisé, qu'il nous attirerait quelque disgrâce d'en haut, Molière, le Fest. I, 3. Ah ! malheur ! ah ! disgrâce, ah ! pauvre seigneur Sganarelle, où pourrais-je te rencontrer ? Molière, l'Am. méd. I, 6. Et qui peut mieux que vous consoler sa disgrâce ? Racine, Bérén. III, 2. La mort n'est point pour moi le comble des disgrâces, Racine, Baj. II, 3. La Discorde, qui voit leur honteuse disgrâce, Dans les airs cependant tonne, éclate, menace, Boileau, Lutrin, III. Je cours trouver Lucain ; plein d'une noble audace, De la liberté sainte il chanta la disgrâce, Legouv. Épichar. et Nér. I, 3.
  • 3Mauvaise grâce. Elle a de la disgrâce dans le maintien. Cet homme met de la disgrâce jusque dans le bien qu'il fait. On aura craint sans doute la disgrâce attachée à la forme didactique, qui effarouche la plupart des lecteurs, Mém. sur les finances de l'Anglet. trad. de l'anglais, Mayence, 1768, introd. p. 1. C'est à de tels contrastes [la rudesse et la servilité] qu'il faut attribuer la disgrâce allemande, que l'on se plaît à contrefaire dans les comédies de tous les pays, Staël, Allem. III, 11.

HISTORIQUE

XVIe s. Lors de la disgrace dudit d'Aubigné, il voulut à toute force suivre la fortune du disgracié, D'Aubigné, Vie, LVI.

ÉTYMOLOGIE

Dis… préfixe, dans le sens négatif, et grâce.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DISGRÂCE. Ajoutez : - REM. Bussy Rabutin a dit faire des disgrâces, par opposition à faire des fortunes : Le même caprice qui fait faire des fortunes prodigieuses à de certaines gens, fait faire à d'autres de grandes disgrâces sans fondement, Lett. à Mme de Sévigné, 23 déc. 1670. Cela est peu correct, ce semble.