« disette », définition dans le dictionnaire Littré

disette

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disette

(di-zè-t') s. f.
  • 1Manque de choses nécessaires et particulièrement de vivres. Année de disette. Cette année sera une année de disette. La disette de 1812. La dépendance où la disette réduit le pauvre, Bourdaloue, 8e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 100. Mais quoi ! dans la disette une muse affamée Ne peut pas, dira-t-on, subsister de fumée, Boileau, Art p. IV. La disette, la faim nous ont ravi nos frères, De Belloy, Siége de Calais, I, 6. Séparés par la stérilité du terrain et la disette d'eau, Raynal, Hist. phil. VI, 23.
  • 2 Fig. Manque. Disette de mots, d'idées. C'est ce retranchement de livres qui vous jette dans les Oraisons du P. Cotton et dans la disette de ne savoir plus que lire, Sévigné, 612. Nous sommes dans une grande disette de prêtres, Bossuet, Lett. rel. 6. On dit que nos dames, par trop de délicatesse, sont cause, en partie, de cette disette où notre langue court risque d'être réduite, Rollin, Hist. anc. liv. XXV, ch. 2, art. I, § 2. Vous vantez avec raison l'extrême richesse de votre langue [italienne] ; mais permettez-nous de n'être pas dans la disette, Voltaire, Lett. Tovazzi, 24 janv. 1761. Quelques-uns ont voulu réparer notre disette [en fait de poésie épique] en donnant au Télémaque le titre de poëme épique ; mais rien ne prouve mieux la pauvreté que de se vanter d'un bien qu'on n'a pas, Voltaire, Ess. poésie ép. ch. 9.
  • 3Nom de la betterave, qui a porté le nom de racine d'abondance et de disette.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et si veult Sainte, qui deseure est nomée, que, se ele avoit besoigne ne disgete, loialment que ele peuist le [la] maison qui devant est dite, vendre et despendre et boire et mangier et faire toute se [sa] volonté, Tailliar, Recueil, p. 178. Se Richaus me [ma] feme caoit [tombait] en poverte, ne [et] ele eust besoigne ne disette, Tailliar, ib. p. 196. Huit jours ot que dormi [il] n'avoit, Dont il moult disete en avoit, Bl. et Jeh. 1397. S'il y a si très grant famine que il aient par disete jeüné trois jours ou quatre, on ne doit pas merveiller se on vuide le liu sauve se [sa] vie, Beaumanoir, 57. … Baron, or m'entendés, Asés avez soufertes disietes et lastés ; Li vilains bien le dist, et si est verités, Que mieus nous vaut par arme avoir les chiés [chefs, têtes] coupés Que longuement soufrir les grans caitivetés, Ch. d'Ant. VIII, 458. Et [que il] les taigne si près que il les face traire maugré els loig de la riviere as plains chans ; et quant il seront esloigné, si auront moult grant disiete d'ewe, Merlin, f° 50, recto. Après plenté [abondance] vient grant disette, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 240.

XIVe s. Car par ses grans outraiges [dépenses excessives] il giete Lui et sa femme en grant disette, Jean de Condé, p. 132. Car li vivres estoit vilainement faillis ; Grant disette y avoient li grans et li petis, Guesclin. 15233.

XVe s. Dont les Anglois eurent moult de disette et de cher temps, Froissart, I, I, 159.

XVIe s. Il ne faut que deux jours de pluye, et vingt et quatre heures de disette, pour mettre en murmure un regimen, Lanoue, 203. La necessité et disette de vivres où il se treuve le contrainct à ce faire, Amyot, Arist. 35.

ÉTYMOLOGIE

On a indiqué un mot hypothétique desita, formé sur le modèle de desitus, manque ; mais Diez remarque avec raison que dans desita ou desitus l'accent est sur de, et que par conséquent disette n'en peut venir, et il indique desecta, chose rognée, de desectum, supin de desecare, retrancher, de la préposition de, et secare, couper (voy. SECTION). Pourtant il faut remarquer la forme disgete (peut-être, vu cette forme, faut-il lire disjete là où l'on trouve disiete), qui indiquerait le verbe jeter : la disgete, l'action de jeter hors, de priver.