« dragon », définition dans le dictionnaire Littré

dragon

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dragon

(dra-gon) s. m.
  • 1Animal fabuleux qu'on représente avec des griffes, des ailes et une queue de serpent. Mais que me servira cette vaine poursuite, Si toujours les dragons sont prêts à t'enlever ? Corneille, Médée, V, 8. Quand un autre dragon, qui n'avait qu'un seul chef Et bien plus d'une queue…, La Fontaine, Fabl. I, 12. Indomptable taureau, dragon impétueux, Sa croupe se recourbe en replis tortueux, Racine, Phèd. V, 6.

    Terme de blason. Reptile qu'on représente avec deux pieds et une longue queue, sans ailes. Dragon monstrueux, se dit d'un dragon ailé.

    Fig. Un dragon de vertu, femme d'une vertu austère et farouche, et le plus souvent affectée, car dragon de vertu se prend moins en bonne qu'en mauvaise part. Ces dragons de vertu, ces honnêtes diablesses, Se retranchent toujours sur leurs sages prouesses, Molière, Éc. des f. IV, 8.

    Fig. Faire le dragon, montrer une vertu farouche. Mais toi, ne peux-tu rien tirer de la boutique ; J'ai fait le diable à quatre. - Et j'ai fait le dragon, Regnard, le Bal, 3. Tu ne feras plus le dragon, belle brunette, Favart, Cherch. d'esprit, sc. 12.

    Endormir le dragon, tromper la surveillance d'un gardien sévère, locution prise du dragon de la mythologie qui, ne dormant jamais, gardait la toison d'or. Il fallait commencer par endormir le dragon, Hamilton, Gramm. 4.

    C'est un vrai dragon, un petit dragon, se dit familièrement d'une femme vive et acariâtre, et d'un enfant mutin. Pour peu que l'on s'oppose à ce que veut sa tête, On en a pour huit jours d'effroyable tempête ; Elle me fait trembler dès qu'elle prend son ton ; Je ne sais où me mettre, et c'est un vrai dragon, Molière, Fem. sav. II, 9.

  • 2Nom d'un ancien étendard sur lequel était figuré un dragon.
  • 3Dans le style de l'Écriture, le dragon infernal, ou, simplement, le dragon, le démon. Des abominations suggérées par le Dragon à ceux qui suivent son parti, Pascal, Prov. 14.

    Le dragon renversé, ancien ordre de chevalerie, institué par l'empereur Sigismond à l'occasion du concile de Constance et de la condamnation de Jean Huss et de Jérôme de Prague.

  • 4 Fig. Souci, inquiétude, remords, chimère. Hélas ! de quoi ne me souviens-je point ? les moindres choses me sont chères ; j'ai mille dragons, Sévigné, 19. Ce m'eût été un dragon perpétuel de n'avoir pas rendu les derniers devoirs … ma tante, Sévigné, 149. Je me sens coupable d'une partie de vos dragons, Sévigné, 333. Je suis assurée que deux ou trois mois vous ont quelquefois défiguré vos dragons… que vous ne les avez pas reconnus, Sévigné, ib.

    Ce mot, très usité dans ce sens au XVIIe siècle, du moins chez Mme de Sévigné, ne l'est plus guère aujourd'hui.

  • 5Dans l'ancienne armée, nom d'une cavalerie légère qui combattait tantôt à cheval, et tantôt à pied, et qui avait des colonels et des sergents comme l'infanterie, et des cornettes comme la cavalerie. Bientôt vole après eux ce corps fier et rapide, Qui, semblable au dragon qu'il eut jadis pour guide, Toujours prêt, toujours prompt, de pied ferme, en courant, Donne de deux combats le spectacle effrayant, Voltaire, Fontenoy. M. de Louvois nous envoie de tous côtés des jésuites et des dragons, Voltaire, l'Ingénu, 8. …Les dragons, race assez peu dévote, Ne parlaient là que langue de gargote ; Charmant aux mieux les ennuis du chemin, Ils ne fêtaient que le patron du vin, Gresset, Vert-Vert, III.

    Aujourd'hui, dragon, espèce de soldat de cavalerie qui appartient à la cavalerie de ligne. Un régiment de dragons. Il [l'Empereur] sentait des bandes de Cosaques rôder sur les flancs et derrière lui : cent cinquante dragons de sa vieille garde ne venaient-ils pas d'être rencontrés, assaillis, écrasés par une foule de ces barbares ? Ségur, Hist. de Nap. VIII, 10.

    Les dragons sont souvent pris, comme les grenadiers, les hussards, pour le type de la licence et de la brusquerie militaire. N'est-il pas à craindre que, loin de votre surveillance, il n'abuse de sa liberté et ne commette quelqu'une de ces étourderies qui malgré l'excuse de l'âge ont parfois des résultats fort graves ? - Cela est à craindre en effet, mais qu'y faire ? un apprenti dragon ne peut pas être cloîtré comme une religieuse, Ch. de Bernard, la Peau du lion, § X.

  • 6Espèce de lézard de l'Inde, muni d'ailes membraneuses.

    Poisson du genre pégase.

    Ancien nom de la vive.

    Oiseau d'Amérique.

    Sang de dragon, voy. SANG-DRAGON.

  • 7 Terme d'astronomie. Constellation de l'hémisphère boréal.

    La tête et la queue du dragon, les deux points où l'orbite de la lune coupe le plan de l'écliptique, et auprès desquels, la lune se rencontrant en conjonction ou en opposition, se font les éclipses de soleil ou de lune. Ces deux points se nomment aussi les nœuds.

  • 8Nom, dans l'ancienne hippiatrique, de la tache blanchâtre qui se dessine dans le cristallin du cheval, lorsque la cataracte commence à s'y former.

    Par extension. Sorte de tache dans l'œil de l'homme (ce mot n'a point d'usage dans le langage médical). Argus et ses cent luminaires, Non pas tous aux prunelles claires, Les uns mauvais, les autres bons, Et plusieurs ayant des dragons, Scarron, Virg. trav. VII. Roux, mal fait, borgne, et un dragon dans l'œil, Marmontel, Mém. VIII.

    S. m. plur. Points ou taches qui se rencontrent dans le diamant.

  • 9 Terme de marine. Voile d'étai de hune d'un lougre.

    Dragon d'eau, ancien nom de la trombe. C'est un de ces gros tourbillons que les mariniers appellent trompes, pompes ou dragons d'eau ; ce sont comme de longs tubes ou cylindres formés de vapeurs épaisses, lesquelles touchent les nues d'une de leurs extrémités et de l'autre la mer qui paraît bouillonner tout autour, Voyage de Siam, liv. I (t. I, p. 37)

    Dragon de vent, ancien nom de l'ouragan.

  • 10Anciennement, dragon volant, pièce d'artillerie de 32 livres de balles.
  • 11Nom donné par les anciens chimistes au salpêtre.

    Dragon mitigé, le mercure doux.

HISTORIQUE

XIe s. Serpenz et guivres, dragon et aversier, Ch. de Rol. CLXXXI. Le dragon [il] porte, à qui la gent s'alie [se rallie], ib. CXII.

XIIe s. A une part est au roi avisé Por le dragon que il voit ventoler, Et l'oriflambe esgarda par delez, Garin, dans DU CANGE, draco. Ge sui freres des dragons et compains des ostrusces, Job, p. 441.

XIIIe s. Tu freinsis [brisas], sire Dieux, les chiés [têtes] del dragon, Psautier, f° 88. Ne sai quel gent nous trouverons ; En leurs enseignes ont dragons ; Ce souloient Romains porter ; Ce nous fait moult à redouter, Roman d'Athis, dans DU CANGE, draco. Mès li autres vint au devant, Tot autresi com un dragon, Renart sesi au peliçon, Ren. 24931. Dragons volans et estenceles Font-il par l'air sembler esteles, Qui des ciex en cheant descendent, Si cum les foles gens entendent, la Rose, 19115. Jà tornassent aus Frans li Sarrasin felon, Quant li dus i sorvient, qui portoit le dragon, Ch. d'Ant. II, 823.

XIVe s. Et fu fait serment les uns aux autres que, se aulcun d'eux estoit pour ce pris, se assembleroient à Saint Innocent… et après ce se par aulcun d'iceulx eust esté fait vouler le dragon [si quelqu'un d'entre eux se f-t mis en campagne], Du Cange, draco.

XVe s. Monseigneur Bertran tient son fié de nostre sire le roy par baronnie, et doit à nostre sire le roy son service, c'est à sçavoir de cinq chevaliers, et doit porter le dragon du duc de Normandie, Du Cange, draco.

XVIe s. Ces politiques ont des dragons [arquebusiers à cheval ainsi nommés dès 1585] sur les champs, qui prennent tous vos pacquets, Sat. Mén. p. 90. Il faut tirer hors la veine peu à peu… tous les auteurs luy ont donné le nom de vena… si le dragon [dragonneau] vient à suppurer…, Paré, VI, 23. Six jours après, je la trouvai hors la porte Montmartre, sur un cheval de bast, qui rioit à gorge desployée et s'en alloit avec les chassemarées, pour avec eux faire voler son dragon [se mettre en campagne], et retourner en son pays, Paré, XIX, 25.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. drac, dragon ; espagn. dragon ; ital. dragone. Dans le provençal, drac est le nominatif du latin dráco, avec l'accent sur drá ; et dragon est le régime, de dracónem, avec l'accent sur . Quant aux dragons, sorte de cavalerie, Voltaire dit : L'opinion la plus vraisemblable sur l'origine du mot dragon est qu'ils portèrent un dragon dans leurs étendards, sous le maréchal de Brissac, qui institua ce corps dans les guerres du Piémont, Voltaire, Fontenoy, note nn. Ils eurent d'abord le nom d'arquebusiers à cheval ; puis le drapeau aura donné le nom aux soldats. Il n'y a rien à faire, ce semble, pour cette étymologie, du latin drungus, qui signifie une troupe de soldats.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DRAGON. Ajoutez :
12 Terme de monnayage. Dragon, banc à tirer dans lequel le métal, entraîné par une chaîne sans fin à travers une ouverture oblongue ménagée entre deux surfaces d'acier, acquiert une égalité d'épaisseur irréprochable.
13 Arbre du dragon, dracaena draco, L., Baillon, Dict. de botan. p. 247.
14Sorte de papillon, bombyx terrifica ou bombyx Milhauseri, ainsi appelé à cause de la chenille.