« drap », définition dans le dictionnaire Littré

drap

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

drap

(dra ; le p ne se lie jamais : un dra étoffé ; au pluriel, l's se lie : des dra-z étoffés ; draps rime avec mâts, pas, rats, etc.) s. m.
  • 1Étoffe dont la chaîne et la trame sont en laine et dont le tissu est couvert d'un duvet plus ou moins fin, produit par les opérations du lainage et du foulage. Drap fin. Gros drap. Une pièce de drap. Un habit de drap.

    Drap de pied, pièce de drap ou de velours noir qu'on étend sur un prie-dieu.

    Vouloir avoir le drap et l'argent, c'est-à-dire vouloir avoir la chose qu'on achète, et ne pas la payer ; locution tirée de la farce de Patelin, qui emporte le drap et ne le paye pas. Cela se dit aussi, par extension, de celui qui retient ce qu'il a vendu et le prix qu'il a reçu.

    Tailler en plein drap, couper un vêtement dans la pièce du drap ; et fig. avoir plein pouvoir dans une affaire, pleine disposition de l'argent, etc. Beau-père, on dit bien vrai, quant à moi j'y souscris : On a beau faire, il faut prendre femme à Paris, L'on y taille en plein drap, Regnard, le Bal, sc. 7.

    Drap mortuaire, pièce d'étoffe de laine, dont on couvre le cercueil des personnes mortes, noir pour les personnes mariées, blanc pour les personnes non mariées. Il se baisse à l'instant, et croit se satisfaire, Mais il n'aperçoit plus que le drap mortuaire, Dont on avait couvert la princesse des cieux, Godeau, l'Assomption, dans RICHELET.

    Drap mortuaire, nom d'une couleuvre de Ganjam (Bengale) (coluber mortuarius).

    Nom, parmi les marchands, de l'olive lugubre (univalves, mollusques).

    Nom d'un insecte du genre cétoine (cétoine stictique, coléoptères).

    Nom du marbre lumachelle.

  • 2 Par extension. Drap d'or, de soie, tissu d'or, de soie. Levez donc ce drap d'or et voyons ce qu'il cache, Mairet, Soliman, V, 4.

    Absolument. Les quatre draps, quatre sortes d'étoffes. Aucun ne pourra être reçu marchand et maître dudit état, s'il ne fait chef-d'œuvre, dans le bureau commun, sur l'un des quatre draps ci-après nommés, savoir sur le velours plein, le satin plein, le damas, le brocart d'or ou d'argent, Ordonnances des march. de draps d'or, etc. 9 juillet 1667.

    Camp du drap d'or, entrevue de François 1er et d'Henri VIII, près d'Ardres en 1520, où une grande magnificence fut étalée.

    Drap d'or, ancien nom d'une tulipe. De cette fleur, il passe au drap d'or, La Bruyère, XIII.

    Drap d'or, variété de prune ; variété de poire. Nom donné par les horticulteurs au crocus mésiaque.

    Drap d'or, nom vulgaire du cône textile (mollusques).

    Drap d'argent, nom, parmi les marchands, d'une coquille univalve (le cône moucheté, ou mieux le cône sablé, LEGOARANT).

    Drap de soie, nom, parmi les marchands, d'une coquille univalve, le cône géographique.

  • 3Morceau de toile ou de coton large ordinairement de deux mètres, qu'on étend le long du matelas et du lit et dans lequel on enveloppe le traversin. Une paire de draps. Des draps blancs. La princesse, enfin moins superbe, Ouvre au galant ses draps de lin, Béranger, Prov.

    Combattre contre ses draps, contre son chevet, avoir peine à se lever.

    Entre deux draps, au lit. Perclus… Tout de mon long entre deux draps, Régnier, Épît. III. Le meilleur de ce conte Entre deux draps pour Renaud se passa, La Fontaine, Orais. Quoi ! même dans ton lit, cruel entre deux draps…, Boileau, Lutr. IV. Pour te guérir de cette sciatique, Qui te retient comme un paralytique Entre deux draps sans aucun mouvement, Maître Adam, Rondeau. La manie de M. de Béthune était de se mettre entre deux draps, à quelque heure qu'il voulût faire ses dépêches, Saint-Simon, 182, 186.

    Mettre quelqu'un dans de beaux draps blancs, lui donner un lit dont les draps sont blancs et beaux ; et fig. mettre quelqu'un dans de beaux draps, le compromettre, le mettre dans une fâcheuse position. Ah ! coquines que vous êtes ; vous nous mettez dans de beaux draps blancs, à ce que je vois ! Molière, Préc. 18.

    Être dans de mauvais draps, et, ironiquement, dans de beaux draps, être dans une mauvaise situation. La compagnie de Jésus est dans de mauvais draps, D'Alembert, Lett. à Volt. 31 mars 1762.

    Dans beaucoup de lieux, on tire le drap sur la face d'une personne qui vient de mourir.

    Familièrement. Ce malade, cet enfant ne se soutient non plus qu'un drap mouillé, il ne peut se tenir sur ses jambes.

    Terme de vénerie. Drap de curée, toile sur laquelle on étend les parties du cerf données aux chiens en curée.

  • 4Drap marin ou drap de mer, espèce de laine feutrée qui recouvre la plupart des coquilles, formant à leur surface un épiderme qui en cache les brillantes couleurs.

PROVERBES

Les lisières valent pis que le drap, pour dire que les gens des frontières sont pires que les gens de l'intérieur du pays.

Au bout de l'aune faut le drap, signifie qu'on trouve la fin de toutes choses.

Il n'y a que cela de drap, pour dire : contentez-vous de ce qu'il y a.

Les plus riches en mourant n'emportent qu'un drap, non plus que les plus pauvres, locution tirée du linceul dans lequel on ensevelit les morts et qui est tout ce qu'ils emportent de leur fortune ou de leur puissance.

HISTORIQUE

XIIe s. En Alexandre [Alexandrie] en fu li dras faitis [fait], Ronc. p. 24. Tous ses dras [habits] [il] a rompus et depecez, ib. p. 107. Les dras de soie desrompre et deschirer, ib. p. 177.

XIIIe s. [Rue qui] Ne fust toute couverte de dras très richement, Berte, IX. Et le drap [du manteau] en fu fait au royaume de Frise, ib. XXX. Il deit jurer sur sains que il nen a que la robe de son vestir, et les dras de son lit, Ass. de Jér. I, 189. Les aunes à auner les dras et les toilles, Beaumanoir, XXVI, 16. L'une des dames qui le gardoit li vouloit traire le drap sus le visage, et disoit que il estoit mort, Joinville, 207.

XIVe s. [Le prév"t des marchands envoya à Charles, duc de Normandie] deux draps, ung de per [pers], et l'autre de rouge, pour ce que le duc fist faire des chapperons pour luy et pour ses gens tels comme ceux de Paris les portoient, Chron. de St Denis, t. II, f° 244, dans LACURNE.

XVe s. Un puissant homme de la ville qui estoit des draps [habillé aux dépens] du roi, Froissart, II, II, 115. Et sist à table [le roi d'Angleterre] en draps fourrés d'ermines, de vermeille escarlate, sans manches, Froissart, I, I, 273. Draps de haute lice ouvrés à Arras en Picardie, Froissart, liv. IV, p. 259, dans LACURNE. A icelle piteuse procession fut mené le mareschal de France Bouciquaut tout nud, fors de ses petits draps, Bouciq. I, ch. 25. Les chambres tendre de drapz d'or De haulte lice ; y ot encor Draps faitz de l'istoire de Troye, Deschamps, Poésies mss. f° 455, dans LACURNE. Cheval, poulain ne jument n'ay, Ne drap linge ol'en puist gesir, ib. f° 110. Et je m'en rioye en moy-mesme entre les draps, les 15 Joyes, p. 126.

XVIe s. Voyant tant de drap d'or [tant de seigneurs] monter, Jean D'Auton, Annales de Louis XII, p. 149, dans LACURNE. Et y eussiez esté couché en blancs draps, pour une marque ineffaçable de vostre desloyauté, Sat. Mén. p. 146. Defiezvous des gens qui ne voyent le jour que par une fenestre de drap [les moines], Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 24. A drap meschant, belle monstre devant, Leroux de Lincy, ib. t. II, p. 165.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. drai ; provenç. drap ; anc. espagn. et portug. trapo ; ital. drappo ; bas-lat. drappus ; d'un mot germanique (ce qu'indique la variation des langues romanes entre le d et le t), conservé dans l'angl. trapping, décoration, tenture, que Burnouf, Yaçna, notes, p. XLVIII, rattache au zend drafcha, drapeau. Dans l'ancien français drap linge signifiait toile.