« déporter », définition dans le dictionnaire Littré

déporter

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

déporter

(dé-por-té) v. a.
  • 1Transporter quelqu'un dans un lieu d'où il ne doit point sortir. On a déporté les coupables.
  • 2Se déporter, v. réfl. Se désister, s'abstenir. Ce magistrat s'est déporté par délicatesse. Quant au cardinalat, le prince de Conti s'en déporterait, ou la cour demanderait deux chapeaux, La Rochefoucauld, Mém. 47. Ils se garderaient bien de leur témoigner le moindre mépris ni de s'arroger une supériorité dont ils se déporteraient volontiers en leur faveur, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 202. Il faut que cette fille se déporte de sa poursuite, à condition que M. Guillaume consentira à ce mariage, Brueys, Avocat pat. III, 9.

HISTORIQUE

XIIe s. Soz une olive se sist por deporter [avoir du plaisir], Ronc. p. 1. Bele pour qui [je] chant et deport [joue], merci ! Couci, IV. Car Charles les deporte [favorise] et nous tient si destrois, Sax. XVIII.

XIIIe s. Et por ce qu'ils sevent que je sui à si grant meschief, voelent que je me deporte [renonce à] de toute cette tierre, H. de Valenciennes, XIX. Et lors faire jurer à ces quatre preudomes noveaus esleus les sermenz devant diz, et lors doit il les quatre premiers esleus deporter de leur services, Liv. des mét. 134. Et ki onques trespasseroit cest ban, il seroit à dix livres [d'amende], et si perderoit l'oevre ki ne seroit ouvrée au fuer [titre] ki est dis, et se li convenroit deporter de l'ouvrage un an, Tailliar, Recueil, p. 240. La roche porte un bois doutable, Dont li arbre sont merveillable : L'un est brehaigne et riens ne porte ; L'autre en fruit porter se deporte [se complaît], la Rose, 5974. Amors l'avoit [la flèche] faite à ses mains, Por les fins amans conforter, Et por lor maus miex deporter [adoucir], ib. 1866. Se il connoist les loiax des triceurs, il porra et devra les loiax traire près de li et conforter et deporter, s'il ont mestier de confort et de deport, Beaumanoir, 24. Il avient souvent que li rice, qui sunt gouverneur des besongnes de le [la] vile, metent mains [moins] qu'il ne doivent, eus et lor parens, et deportent [déchargent] les autres rices homes, por ce qu'il soient deporté, et ensi cort tous li frès sor le commun des povres, Beaumanoir, L, 10. Puisqu'eles sunt prodes femes de lor cors, elles doivent estre deportées moult d'autres vices, Beaumanoir, LVII, 6. Et aussi, se li accusés se veut desporter d'estre tesmoins, il ne convient pas qu'il en face plus se il ne veut, Beaumanoir, VI, 16.

XVe s. Li maire et les pers jureront que nulz de la commune par amitié ilz ne deporteront [exempteront], ou nulz par inimitié ne blecheront [surchargeront], Ordonn. sept. 1485. Et lui fit prier que pour Dieu il se voulust deporter et retraire, Froissart, I, I, 88. Or nous deporterons-nous de parler de la matiere des deux rois…, Froissart, I, I, 146. Et se tailloient les riches [de Gand], et deportoient [exemptaient] les pauvres, Froissart, II, II, 121. Et escripvit au roy, lui suppliant qu'il se voulsist deporter de ceste entreprinse, Commines, II, 5.

XVIe s. Aulcuns lui tindrent compaignye, les aultres s'en depourtarent, Rabelais, Gar. I, 41. De tout ce negoce je me depourtoys [remettais] sus vostre bonne voulenté et paternel commendement, Rabelais, Pant. III, 48. Comme de fait je me suis toujours deporté de paroles outrageuses et piquantes, et ai presque partout tellement attrempé mon style, qu'il a esté plus propre à enseigner qu'à tirer par force, Calvin, 29. Deporte-toi de m'affliger, et je serai remis en vigueur, Calvin, 101. J'ai si grand honte de raconter telles vilenies, que je me deporte de passer outre, Calvin, Instit. 64. Si cuida Theseus au commencement user de force, mais il fut contraint par les brigues et menées de ses adversaires de s'en deporter, Amyot, Thés. 43. Les ambassadeurs dirent que Tarquinius se deportoit de plus vouloir rentrer en son royaume et de faire la guerre, Amyot, Publ. 4. Cest Antiphates avoit autrefois esté beau jeune garson, et lors s'estoit deporté [conduit] fierement envers luy sans en faire compte, Amyot, Thém. 35.

ÉTYMOLOGIE

Berry, se déporter, s'exempter ; provenç. et espagn. deportar ; ital. diportare ; du latin deportare, de la préposition de, et portare, porter.