« ensanglanter », définition dans le dictionnaire Littré

ensanglanter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ensanglanter

(an-san-glan-té) v. a.
  • 1Souiller de sang. La blessure qu'il reçut ensanglanta tous ses habits. Vous armez contre Troie une puissance vaine, Si, dans un sacrifice auguste et solennel, Une fille du sang d'Hélène De Diane en ces lieux n'ensanglante l'autel, Racine, Iphig. I, 2. Le sang des assassins est le vrai sacrifice Qui doit de votre hymen ensanglanter l'autel, Voltaire, Mérope, II, 6.

    Rougir de son propre sang. [Priam] Ensanglantant l'autel qu'il tenait embrassé, Racine, Andr. III, 8.

    Rougir du sang des autres. Athalie ensanglanta le palais des rois de Juda.

  • 2 Par extension, il se dit d'objets et d'événements à propos desquels le sang est versé. Vous me rendez le sceptre… je vous conjure… De n'ensanglanter pas ce que vous me rendez ; Faites grâce, seigneur, ou souffrez que j'en fasse [aux assassins de Pompée], Corneille, Pomp. IV, 3. Seigneur, ensanglanter cette illustre journée…, Corneille, Attila, v, 4. Jephté ensanglante sa victoire par un sacrifice qui ne peut être excusé que par un ordre secret de Dieu, sur lequel il ne lui a pas plu de nous rien faire connaître, Bossuet, Hist. I, 4. Je ne réponds pas que ma main, à vos yeux, N'ensanglante à la fin nos funestes adieux, Racine, Bérén. v, 6. Ce n'est pas que son bras disputant la victoire N'en ait aux ennemis ensanglanté la gloire, Racine, Alex. III, 2. Ah ! n'ensanglantez pas le prix de la victoire, Voltaire, Alz. IV, 1. Les cruels ont deux fois ensanglanté la paix, Chénier M. J. Charles IX, IV, 4. Il est, Sophie, un monstre à l'œil perfide [la police] Qui de Venise ensanglanta les lois, Béranger, Cachet.

    Ce prince a ensanglanté son règne, il s'est montré cruel.

  • 3Ensanglanter la terre, faire des guerres sanglantes. Les conquérants ensanglantent la terre. Laissons au temps le soin de réformer la terre ; Cultivons-la, mon fils, ne l'ensanglantons plus, Masson, Helv. VIII.

    Il se dit aussi de ce qui fait verser beaucoup de sang. L'exil des Tarquins même ensanglanta nos terres, Corneille, Cinna, II, 1. Ces guerres ont ensanglanté l'Europe bien longtemps, Voltaire, Voyage de la raison. Jamais la philosophie n'ensanglanta l'univers ; si les philosophes eurent des disputes entre eux, la tranquillité des nations n'en fut pas troublée, D'Holbach, Ess. Préj. ch. 10, dans DUMARSAIS, t. VI, p. 234.

  • 4Ensanglanter des jeux, les faire dégénérer en rixe sanglante. Trois fois le festin fut sur le point d'être ensanglanté, Hamilton, Gramm. 6. Malheur aux mortels sanguinaires Qui par de tragiques forfaits Ensanglantent ses doux mystères, Rousseau J.-B. Cantate de Bacchus.
  • 5Ensanglanter la scène, représenter des meurtres sur le théâtre. Le valet d'Antoine : N'ayez pas peur, je vais vous percer la bedaine. - Antoine : Arrête, il ne faut pas ensanglanter la scène, La règle le défend, La Fontaine, Ragotin, IV, 9. Il [Eschyle] évita toujours d'ensanglanter la scène, parce que ses tableaux devaient effrayer sans être horribles, Barthélemy, Anach. ch. 69.
  • 6S'ensanglanter, v. réfl. Se tacher de sang. Il s'est ensanglanté en tuant un loup.

HISTORIQUE

XIe s. Tout en verrez le brant [la lame de l'épée] ensanglentet, Ch. de Rol. LXXXIII.

XIIe s. Pinabaux trebucha sur l'erbe ensanglantée, Ronc. p. 196. Il l'ensanglantent [teignent de sang] del sanc à un levrier, li Coronemens Looys, v. 1305.

XIIIe s. Il l'emmainent en prison tout plaié [blessé] et ensanglanté, H. de Valenciennes, XXVI. Vous m'adoubastes, sire, n'i a mestier celée, Me çainsistes, biaus sire, une moult longue espée ; Moult me poise forment ne l'aie encor mostrée Et du sanc aus François tainte et ensanglantée, Ch. d'Ant. V, 921.

XVIe s. Comme quand on a livré à l'occision ses plus proches parens, et ensanglanté ses mains dans le sang de ses propres amis, Lanoue, 54. Ce qui faict veoir tant de cruautez inouies aux guerres populaires, c'est que cette canaille de vulgaire s'aguerrit et se gendarme à s'ensanglanter jusqu'aux coudes et deschiquetter un corps à ses pieds, Montaigne, III, 109.

ÉTYMOLOGIE

En 1, et sanglant ; provenç. ensanglentar, essanglantar ; espagn. ensangrentar ; portug. ensanguentar.