« enseigne », définition dans le dictionnaire Littré

enseigne

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enseigne

(an-sè-gn') s. f.
  • 1Marque, indice pour faire reconnaître quelque chose. Donner de bonnes, de fausses enseignes. Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs, De couleur fort tannée, et tels que des abeilles, Avaient longtemps paru ; mais quoi ? dans les frelons Ces enseignes étaient pareilles, La Fontaine, Fabl. I, 21. L'empreinte dont tous ses traits portent la divine enseigne, Rousseau, Hél. I, 5.

    À bonnes enseignes, à bon titre, avec sûreté, en toute garantie. Vous êtes comme il faut pour n'être persuadée qu'à bonnes enseignes, Sévigné, 92. Il n'y a pas trop de sûreté de se mettre sur le Rhône qu'à bonnes enseignes, Racine, Lett. 7 à la Fontaine. Elle ne voulait rien éprouver de l'amour qu'à bonnes enseignes, Hamilton, Gramm. 10. N'en voulant favoriser aucun qu'à bonnes enseignes, Lesage, Gil Blas, VII, 7. Qui ne s'en laisse imposer qu'à bonnes enseignes, Rousseau, Ém. II. Je me suis emparé de vingt paires de mulets que je ne rendrai qu'à bonnes enseignes, Courier, Lett. I, 109.

    À telles enseignes que, en preuve que. J'ai payé le reliquaire à ce jeune homme, à telles enseignes qu'il doit avoir actuellement sur lui cent vingt écus d'or que je lui ai comptés, Lesage, Guzm. d'Alfar. II, 10. À telles enseignes que j'ai encore un mouchoir à elle, qu'elle a oublié chez moi, Marivaux, Marianne, 1re partie.

  • 2 Anciennement. Enseigne ou faveur, pièce détachée de la parure d'une dame et donnée à un chevalier combattant dans un tournoi.
  • 3Ancien terme de manufacture. Une certaine mesure de drap, qui revenait à trois aunes. Une pièce de quinze enseignes, c'est-à-dire de quarante-cinq aunes.
  • 4Tableau figuratif mis au-dessus d'une maison pour indiquer le commerce ou la profession du propriétaire. L'enseigne fait la chalandise, La Fontaine, Fabl. VII, 15. Ne songez pas même à réformer les enseignes d'une ville, La Bruyère, X. Elle aura bien de la peine à quitter un hôtel pour reprendre son enseigne de la Picarde, Dancourt, Déroute de Pharaon. sc. 7. [Le portrait du roi d'Yvetot] C'est l'enseigne d'un cabaret Fameux dans la province, Béranger, Yvetot.

    Nous sommes tous deux logés à la même enseigne, c'est-à-dire nous sommes dans le même embarras, ou malheur, ou perte.

    Il a logé à l'enseigne de la lune, il a couché à l'enseigne de la belle étoile, se dit de quelqu'un qui, n'ayant point de logis, ayant été mis hors du sien, a couché dehors.

    Fig. On ne passe point dans le monde pour se connaître en vers, si l'on n'a mis l'enseigne de poëte, ni pour être habile en mathématiques, si l'on n'a mis celle de mathématicien ; mais les vrais honnêtes gens ne veulent point d'enseigne, Pascal, Pensées, part. I, art. IX. Folie de mettre l'enseigne de philosophie, La Bruyère, XII. Le châtiment tomba sur ses oreilles, Qui, tout à coup s'allongeant à merveilles, Par leur longueur et leur mobilité Servent d'enseigne à sa fatuité, Rousseau J.-B. Allég. I, 5.

    C'est une enseigne à bière, se dit d'un portrait, d'un tableau mal peint. M. Durand a mis beaucoup de nouvelles nuances à son enseigne à bière, Voltaire, Lett. Thibouville, 9 janvier 1771.

  • 5Drapeau, signe de ralliement dans les armées romaines. Les enseignes romaines étaient des aigles. Vous marcherez à Rome à communes enseignes, Corneille, Sertor. I, 3. Que ceux qui ont fait serment marchent sous mes enseignes, Montesquieu, Esp. VIII, 13.

    Par extension, toute espèce d'étendard. La guerre est presque aussi ancienne que le genre humain, et les enseignes sont aussi anciennes que la guerre, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuvres, t. IV, p. 298. Il veut qu'au bruit des cors, au son de la cymbale, On déroule à l'instant son enseigne royale, Delille, Par. perdu, I. Prend-il la fuite, est-il tué ? tous les corps se dispersent ou se rangent sous les enseignes de l'ennemi, Raynal, Hist. phil. v, 34.

    Fig. Marcher, combattre sous les enseignes de quelqu'un, se ranger sous son autorité. Où tes maîtres séduits marchent sous tes enseignes, Voltaire, Fanat. II, 5.

  • 6 Terme de marine. Enseigne de poupe, le pavillon qui se met sur la poupe.

    Gaule d'enseigne, se dit quelquefois du petit mât qui porte l'enseigne.

  • 7Dans l'ancienne infanterie française, la charge de porte-drapeau. Son fils obtint une enseigne.

    La compagnie commandée par celui qui avait la charge d'enseigne.

    S. m. Celui qui portait l'enseigne. Un enseigne aux gardes.

    Dans la marine, un enseigne de vaisseau, officier dont le grade était le moins élevé (depuis peu d'années on y a substitué le titre de lieutenant de frégate). La singularité du fait et le courage que cet enfant avait témoigné, le firent faire enseigne après le combat, Mme de Caylus, Souven. p. 30, dans POUGENS.

    PROVERBE

    À bon vin il ne faut pas d'enseigne, et, elliptiquement, à bon vin pas d'enseigne, c'est-à-dire il n'est pas nécessaire de faire beaucoup d'efforts pour mettre en vogue ce qui est bon.

HISTORIQUE

XIe s. L'enseigne [de] Charle n'i devons ublier, Ch. de Rol. X. Geifreid d'Anjou qui l'enseigne teneit, ib. CCLIX. Charles [crie] mont-joie l'enseigne renomée, ib. CCLX.

XIIe s. En meint estor fu veü ses enseignes, Ronc. p. 1. Jamais en nos aages [nous] ne portassions ansaigne, Sax. XX. Vestu [il] ot un bliaut à anseigne d'orfrois, ib. XXXIII.

XIIIe s. Alés moi bientost à Serre, et distes au castelain de par moi que par nulle ensegne que je li mange [mande] ne por nulle lettre, que il ne renge [rende] le castiel, H. de Valenciennes, XXII. Et s'on voit qu'ele en die vraies ensengnes, on l'en doit plus tost croire que une autre, Beaumanoir, XVIII, 3. Tu li diras que il te croie, à teles enseignes que tu iras combatre à l'empereur de Perse à tout trois cens homes, sanz plus, de ta gent, Joinville, 264. Il te mande que ce fu il meesmes que tu trovas al bois les bestes gardant, et à icelles ansaignes que il te dist que il venroit à toi quant il voldroit, Merlin, f° 42, verso.

XIVe s. Dites-lui que vers lui [je] vous envoie prier ; A très bonnes enseignes vous pourrez avancier, Guesclin. 12972. En oultre nous plaist et voulons, que tous lesdit Juys et Juyves demourans en nostre dit royaume portent leur enseigne acoustumée au dessus de la ceinture et en lieu plus apparent, et sera ladicte enseigne du large du seel de nostre Chastellet de Paris ; et qui sera trouvé sens enseigne, il paiera vint solz parisis d'amende, De Laborde, Émaux, p. 262. Il est permis aux filles de joie de la ville de Thoulouse de porter et vestir telles robes et chapperons comme elles vouldront, et entour l'un de leurs bras une ensaigne ou difference d'un jaretier ou lisiere de drap d'aultre couleur que la robe, De Laborde, ib. Pour six sainctures et dix aulnes de rubant blanc, pour faire enseignes es livres, De Laborde, ib.

XVe s. Un chascun d'eulx [des trois ordres] son droit estat maintiengne ; Car l'exceder est monstre et droicte ensaigneDe pis avoir pour le peuple et l'Eglise, Deschamps, Souffr. du peuple. D'assez d'autres nobles hommes pourroit-on dire, desqueulx, quand jeunes estoient, les enseignes de leurs enfances demontroient enseignes de leurs conditions, Bouciq. I, 2. À Jehan Martin orfevre, demeurant à Boulongne, pour une enseigne ou ymage d'or faicte en la reverence de Nostre Dame de Boulongne, De Laborde, Émaux, p. 262. Plusieurs coups et entre les autres ung en la gorge dont l'enseigne lui est demeurée toute sa vie, Commines, I, 4. Et pour toutes enseignes n'y est memoire d'eulx [des Français en Sicile] que pour les sepultures de leurs predecesseurs, Commines, VI, 3. Les Suisses, qui rapporterent tous leurs enseignes, Commines, VIII, 14. Il n'a pas esté seul entaché de ce mal [la jalousie] ; mais toutefois, pour ce qu'il fut outre l'enseigne, je ne me saurois passer sans faire savoir le gracieux tour qu'on lui fit, Louis XI, Nouv. XXXVII.

XVIe s. Ne bourgs, chasteaulx, manoirs, villes, champaignes, Où n'ait planté ses guydons et enseignes, Marot, J. V, 56. Il y en a aucuns qui, à faulses enseignes, usurpent le nom d'historiens, Amyot, Préf. XII, 39. Le trident l'enseigne de Neptune, Amyot, Thès. 6. Les souldars qui sont soubs une mesme enseigne s'appellent manipulares, Amyot, Rom. 12. Les faisceaux de verges, enseignes du souverain magistrat, Amyot, Public. 64. La ville d'Orchomene avoit reçu deux enseignes [compagnies] de gens de pied pour la garder, Amyot, Pélop. 29. Un port' enseigne qui estoit à la garde du bourg Saint Pierre, Montaigne, I, 61. Il n'en adveint pas si heureusement à l'enseigne du capitaine Julle, Montaigne, I, 62. Je m'asseure avoir veu donner pour trois sols la douzaine des figures d'enseignes que l'on portoit aux bonnets, lesquelles estoyent si bien labourées et leurs esmaux si bien parfondus sur le cuivre, qu'il n'y avoit nulle peinture si plaisante, Palissy, 308. Chacune enseigne coustumierement des uns et des autres estoit accompagnée de cent ou six vingt hommes, Froumenteau, Finances, 3e liv. p. 405. Le seigneur Horace Baion, chef des enseignes noires [les bandes noires], Du Bellay, M. Mém. liv. III, f° 84, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. enseigna, enseyna, essenha ; catal. insignia ; anc. espagn. enseña ; ital. insegna ; du latin insignia, pluriel neutre de insignis, insigne, de in, et signum, signe. Dans les anciens textes on trouve parfois enseigne masculin, qui vient alors directement du neutre insigne.