« inspirer », définition dans le dictionnaire Littré

inspirer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

inspirer

(in-spi-ré) v. a.
  • 1Souffler dans. Inspirer de l'air dans la poitrine d'un noyé. Il [Satan] inspire son venin dans le cœur, Bossuet, 2e sermon, Démons, 2.
  • 2 Terme de physiologie. Inspirer de l'air, faire entrer de l'air dans sa poitrine. Le ver renfermé dans la galle animale ne saurait se passer d'une communication libre avec l'air extérieur, il a besoin de l'inspirer, Bonnet, Contempl. nat. XI, 5, note 6.

    Absolument. Inspirer, faire l'acte de l'inspiration. Inspirer et expirer font l'acte complet de la respiration.

  • 3 Fig. Souffler dans le cœur, dans l'esprit, en parlant de la Divinité de qui sont reçues des lumières surnaturelles. C'est le Saint-Esprit qui l'a inspiré. La suite des événements justifia clairement que Mathathias était inspiré, Bossuet, Var. 5e avert. 24. Les trembleurs, gens fanatiques qui croient que toutes leurs rêveries leur sont inspirées, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Il se dit aussi des divinités du paganisme. Vous [Numa] qui leur avez persuadé [aux Romains] que vous étiez inspiré par la nymphe Égérie, Fénelon, Dial. des morts anc. 19.

    Familièrement. Je fus bien inspiré quand je fis telle chose, c'est-à-dire je fus bien avisé, j'eus une bonne idée lorsque, etc. Ah ! que je fus bien inspirée, Quand je vous reçus dans ma cour ! Marmontel, Didon, II, 3.

  • 4 Par extension, donner l'enthousiasme poétique, l'enthousiasme de l'art. Les poëtes disent que les Muses les inspirent. Et, maudissant cent fois le démon qui m'inspire, Je fais mille serments de ne jamais écrire, Boileau, Sat. II. Il [Cupidon] descend, il s'arrête aux champs de la Sicile, Où lui-même inspira Théocrite et Virgile, Voltaire, Henr. IX.

    Il se dit, en un sens analogue, de ce qui fait naître l'inspiration chez l'écrivain ou l'artiste. Ce beau sujet inspire le musicien. Achille était poétique ; Mais, morbleu ! nous l'effaçons : S'il inspire une œuvre épique, Nous inspirons des chansons, Béranger, Mirmidons.

  • 5Faire naître dans le cœur ou l'esprit quelque mouvement, dessein ou pensée. Ces mêmes dieux à Tulle ont inspiré ce choix, Corneille, Hor. III, 3. Mme de Chaulnes prend ses mesures… pour s'en aller à Chaulnes… un besoin qu'inspire la vie qu'on fait ici ; chacun veut s'en reposer à la campagne, Sévigné, 7 oct. 1687. Vous ne perdez rien avec nous de toutes les bonnes qualités que Dieu vous a données ; nous vous prions de les inspirer à votre fille, Sévigné, 29 oct. 1688. Si… nous attendons les derniers soupirs pour prendre les sentiments que la seule pensée de la mort nous devrait inspirer à tous les moments de notre vie, Bossuet, Duch. d'Orl. Le courage qu'inspirait à nos troupes le besoin pressant de l'État, les avantages passés, et un jeune prince du sang qui portait la victoire dans ses yeux, Bossuet, Louis de Bourbon. Il y a des âmes d'un ordre supérieur à ses lois [de l'amour], à qui il ne peut inspirer des sentiments indignes de leur rang, Bossuet, Mar.-Thér. Méditant ces éloquents et graves discours qui enseignaient et qui inspiraient tous les ans la justice, Fléchier, Lamoignon. Elle lui a inspiré [au fils de Louis XIV] ses premiers vœux et ses premières prières ; elle a tiré de son cœur ses premiers soupirs, Fléchier, Mme de Mont. Une dame illustre, capable de former l'esprit et le cœur des enfants du plus grand monarque du monde, de leur inspirer des paroles et des pensées dignes de leur rang et de leur naissance, Fléchier, ib. Appelez les cruels qui vous l'ont inspirée [cette action si noire], Racine, Brit. IV, 3. Et moi-même éprouvant la terreur que j'inspire…, Racine, Phèd. III, 5. Sait-il toute l'horreur que ce Juif vous inspire ? Racine, Esth. III, 4. Le ciel en ce moment m'inspire un artifice, Racine, Mithr. III, 4. Votre exemple m'a inspiré le faste, Fénelon, Tél. VIII. Ses regards inspiraient le respect et la crainte, Voltaire, Henr. VII. On a de lui [Fénelon] cinquante-cinq ouvrages différents ; tous partent d'un cœur plein de vertu ; mais son Télémaque l'inspire, Voltaire, Louis XIV, écrivains, Fénelon. Impose donc silence aux plaintes de ta lyre ; Des cœurs nés sans vertu l'infortune est l'écueil ; Mais toi, roi détrôné, que ton malheur t'inspire Un généreux orgueil, Lamartine, Méd. I, 14.

    On dit quelquefois inspirer dans ; c'est une nuance. Vos bontés à leur tour Dans les cœurs les plus durs inspireront l'amour, Racine, Alex. III, 6.

    Inspirer de, avec un infinitif. Autant de vertus qu'elle a pratiquées sont autant de sujets de confiance en la bonté de Dieu, qui se plaît à récompenser ceux à qui il inspire de le servir, Fléchier, Mme de Mont.

    Inspirer que, avec le verbe à l'indicatif. Des âmes hautaines qui, pour faire servir les princes [emprisonnés par ordre de la cour] à leurs intérêts cachés, ne cessaient de lui inspirer [au frère de Louis XIII] qu'il devait s'en rendre le maître, Bossuet, le Tellier.

  • 6Inspirer, avec le nom de la personne pour complément direct, conseiller, diriger, animer. Suivez, suivez, seigneur, le ciel qui vous inspire, Corneille, Cinna, II, 1. Les dieux qui m'inspiraient et que j'ai mal suivis M'ont fait taire trois fois par de secrets avis, Racine, Mithr. IV, 2. Je vois que la sagesse elle-même t'inspire, Racine, Esth. II, 5.

    Inspirer quelqu'un de, avec un verbe à l'infinitif. Et l'inspirant bientôt de rompre avec Florange, Donnez-moi le moyen de montrer qu'à mon tour Je sais pour un ami contraindre mon amour, Corneille, la Veuve, III, 1. (On peut voir au participe un exemple, dans Fléchier, d'une tournure semblable).

  • 7S'inspirer, v. réfl. Recevoir l'inspiration. Il s'inspire de ses lectures.

HISTORIQUE

XIIe s. Tant furent espiré del felun susduiant [qui trompe] Tut li mielz [les mieux] de la curt et tut li plus vaillant, Et tut li plus sené [sensés], e Englois e Normant, Th. le mart. 136.

XIIIe s. Piteux diex, piteux roys, piteux hom, piteux sire, Par ta sainte pitié mon dur cuer si m'inspire, Que toute humaine cure puist haïr et despire, J. de Meung, Test. 2103.

XIVe s. …Mais Jesus inspiroit La noble bourgeoisie qui par dedans estoit, Tellement qu'à nos gens doucement se rendoit, Guesclin, V. 21337. Et fut la dame avecques son seigneur et mary tellement inspirée de sens et de beau maintien…, Ménagier, I, 6.

XVe s. Et puis du lymon composa Adam qu'en paradis posa, Et lui inspira au corps l'ame, Nativité de N. S. J. C. Mystère. Ainsy est science donnée De Dieu et en l'homme inspirée, La Fontaine, 308.

XVIe s. Ce mouchoir empoisonné inspira son venin si promptement que…, Montaigne, III, 159. Un feu d'où s'inspiroit la chaleur à tout le logis par des tuyaux, Montaigne, IV, 235. Les vapeurs ou odeurs que nous attirons, inspirons par le nez es ventricules du cerveau, Paré, Introd. 10.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. inspirar ; ital. inspirare ; du lat. inspirare, de in, en, dans, et spirare, souffler.