« malin », définition dans le dictionnaire Littré

malin

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

malin, maligne

(ma-lin, li-gn' ; au masculin, la finale in devant son substantif commençant par une voyelle garde le son nasal et l'n se lie : le ma-lin n-esprit) adj.
  • 1Qui a de la malignité, qui se plaît au mal. Nous qui sommes si indiscrets et si malins dans nos paroles, Fénelon, t. XVII, p. 218.

    Substantivement. T'ai-je peint la maligne aux yeux faux, au cœur noir ? Boileau, Sat. X.

    L'esprit malin, le malin esprit, ou, absolument, le malin, le diable. Tout le monde est sous l'empire du malin, Sacy, Bible, St. Jean, 1re épît. V, 19. Je crains, dit-il, les ruses du malin, La Fontaine, Herm. Ces visites, ces bals, ces conversations Sont du malin esprit toutes inventions, Molière, Tart. I, 1. Ne faut-il pas être possédé du malin pour s'exterminer au lieu de couler doucement sa vie ? Voltaire, Lett. en vers et en prose, 78.

    L'enfant malin, l'Amour. L'enfant malin et trompeur ne caressait que pour trahir, Fénelon, Tél. VII.

    En ce sens, il se dit aussi des choses. Interprétation maligne. Votre douceur maligne autant qu'ingénieuse Pour rendre de mon rang la hauteur odieuse, Quinault, Pausan. I, 4. Ils semaient adroitement leurs accusations malignes comme des plaintes de l'injustice de leur ami, Rousseau, Confess. X.

    Maligne joie, la joie qu'on a du mal d'autrui et qu'on voudrait cacher. Mon cœur en prend par force une maligne joie, Corneille, Poly. III, 5. Un Français qui était avec moi m'avoua qu'il sentait une joie maligne de voir que les Anglais, qui nous reprochent si hautement notre servitude, étaient esclaves aussi bien que nous [il s'agit de la presse des matelots], Voltaire, Mél. litt. à M***.

    Malin vouloir, intention maligne, intention de nuire. Il a un malin vouloir, il a du malin vouloir contre moi… Ce doucet est un chat Qui, sous son minois hypocrite, Contre toute ta parenté, D'un malin vouloir est porté, La Fontaine, Fabl. VI, 5.

  • 2Qui se plaît à dire ou à faire de petites méchancetés pour se divertir. Un esprit malin et un bon cœur. D'un trait de ce poëme [la satire] en bons mots si fertile, Le Français, né malin, forma le vaudeville, Boileau, Art p. II. Je ne vis de mes jours plus maligne femelle, Destouches, Irrésolu, IV, 4. Voilà tout ce que je peux répondre, moi malingre et affaibli d'une fluxion sur les yeux, au plus malin des rois et au plus aimable des hommes, qui me fait sans cesse des balafres et qui crie qu'il est égratigné, Voltaire, Lett. roi de Prusse, juin 1759. Je suis obligé en conscience de vous dire que je ne suis pas né plus malin que vous, et que dans le fond je suis bon homme, Voltaire, Lett. l'abbé Trublet, 27 avr. 1761. Elle passait pour maligne ; et, dans une aussi grande dame, cette réputation me faisait trembler, Rousseau, Conf. X.

    Il se dit aussi des choses. Un œil malin. Un regard malin. De malins couplets. Souvent j'habille en vers une maligne prose ; C'est par là que je vaux, si je vaux quelque chose, Boileau, Sat. VII. Quoiqu'il fût impossible D'avoir l'air plus malin, Béranger, De prof.

  • 3Fin, rusé, en parlant des personnes. Il est trop malin pour se laisser attraper.

    Substantivement. C'est un malin, on ne l'attrapera pas facilement. Ma prophétie a été accomplie encore plutôt que je ne croyais, en dépit des malins qui niaient que je connusse l'avenir, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 110.

  • 4Qui a quelque qualité mauvaise, nuisible. Maligne influence, Tristan, M. de Chrispe. III, 1. Une vapeur maligne en ma tête est montée, Tristan, ib. V, 4. Telles sont les malignes qualités de la volonté humaine, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 483. Soit que l'intempérie des saisons eût laissé dans les airs quelque maligne impression…, Fléchier, Duc de Mont. C'est par là qu'un auteur que presse l'indigence Peut des astres malins corriger l'influence, Boileau, Sat. I.

    Il se dit des maladies qui présentent le caractère de la malignité. Pustule maligne.

    Ulcère malin, ulcère de mauvaise nature et qui tend incessamment à faire des progrès.

    Fièvre maligne, ancien nom des fièvres graves, et qui, dans le langage actuel de la médecine, n'a plus de sens déterminé.

REMARQUE

La Fontaine a dit maline au singulier ; c'est un archaïsme de prononciation : Elle avait évité la perfide machine, Lorsque, se rencontrant sous la main de l'oiseau, Elle sent son ongle maline, Fabl. VI, 6. On remarquera aussi ongle au féminin. En Normandie et dans d'autres provinces, le peuple prononce maline.

HISTORIQUE

XIIIe s. Ou se Diex par tes visions Envoie revelacions, Ou li malignes esperiz, Por metre les gens en periz, la Rose, 18711.

XVe s. Sur cela fondant ma raison, Pour guarir une soif maline, J'ai recours au bon vin comme à ma medecine, Basselin, IV.

XVIe s. Ulceres malignes, Paré, XI, 12.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. maligne ; espagn. et ital. maligno ; du lat. malignus, dérivé de malus, méchant. Le wallon dit malignant, qui est le participe présent d'un ancien verbe maligner, d'où l'anglais malignant.