« malice », définition dans le dictionnaire Littré

malice

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

malice

(ma-li-s') s. f.
  • 1Inclination à malfaire. Il te restait encor, pour comble de malice, à te lier d'amour avecque Massinisse, Mairet, Sophon. I, 1. La justice du simple rendra sa voie heureuse, le méchant périra par sa malice, Sacy, Bible, Prov. de Salom. XI, 5. Ne nous traitez pas selon notre malice, mais selon vos miséricordes, Sacy, ib. Machab. I, XIII, 46. Nous faire plaindre l'aveuglement de ceux qui apportent la seule autorité pour preuve dans les matières physiques au lieu du raisonnement et des expériences, et nous donner de l'horreur pour la malice des autres, qui emploient le raisonnement seul dans la théologie, au lieu de l'autorité de l'Écriture et des Pères, Pascal, Fragm. d'un traité de vide. On verra, par cette réponse, et notre innocence et la malice de ceux qui nous ont imputé des impiétés dont ils sont les uniques inventeurs, Pascal, Prov. XVII. Nous voyons que les premiers hommes, lorsque le monde plus innocent était encore dans son enfance, remplissaient des neuf cents ans par leur vie, et que, lorsque la malice s'est accrue, la vie en même temps s'est diminuée, Bossuet, Yolande de Monterby. Lorsqu'une âme si pure se croyait tellement plongée dans la malice, Bossuet, États d'orais. IX, 3. Une pleine résistance à ce remords suppose la malice la plus invétérée et la plus insurmontable, Bourdaloue, 9e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 174. Que les guerres sont permises pour assurer la paix, pour protéger l'innocence, pour arrêter la malice qui se déborde, et pour retenir la cupidité dans les bornes de la justice, Fléchier, Turenne. Un cœur noble ne peut soupçonner en autrui La bassesse et la malice Qu'il ne se sent point en lui, Racine, Esth. III, 9. Ce que j'en fais, c'est par malice ; Je n'aime point Lubin, mais je veux me venger, Dancourt, Com. des comédiens, divert. sc. 3. Les discours sont si sujets à interprétation, il y a tant de différence entre l'indiscrétion et la malice, Montesquieu, Esp. XII, 12. Je reconnais bien là sa malice, Voltaire, Facét. Diatr. du doct. Akakia.

    Malice noire, profonde perversité. Je vous conjure d'oublier le crime de vos frères et cette malice noire dont ils ont usé contre vous, Sacy, Bible, Genèse, L, 17. Son cœur n'enferme pas une malice noire, Racine, Brit. V, 3. Et jamais ma noire malice N'a fait pâlir la vérité, Chaulieu, à Lafare.

    Malice noire, action de méchanceté horrible et réfléchie.

  • 2Il se dit aussi des choses. La malice de ses discours. La malice de cette hérésie [pélagianisme] consistait en ce que, niant la grâce de Dieu, elle attribuait tout le bien à notre mérite, Bossuet, Réfut. catéch. Ferry, I, II, 12. Les dérèglements n'ont pas pour cela perdu leur malice, Massillon, Carême, Élus.

    Dans le langage des casuistes et autres, la malice du péché, ce que le péché a de malfaisant. Le déréglement, l'iniquité, la laideur, la malice même du péché, Bossuet, 3e sermon, Circonc. 1.

  • 3Action faite avec malice. Une coupable malice. On sait toutes les malices dont il est capable.

    Fig. Aux malices du sort enfin dérobez-vous, Racine, Esth. III, 1.

  • 4Inclination à faire de petites méchancetés, par badinage. Mais je veux que le sort, par un heureux caprice, Fasse de vos écrits prospérer la malice, Boileau, Sat. IX. Sa malice fut plus légère, plus piquante, plus féconde en idées originales et plaisantes qu'elle n'avait jamais été, Marmontel, Mém. VII. De la faiblesse sans bonté, de la malice sans noirceur, des ressentiments sans colère, l'insouciance d'un avenir qui ne devait pas être le sien, Marmontel, ib. XI.
  • 5Petite méchanceté, faite par badinage. Qui, cherchant dans ses vers la seule vérité, Fit, sans être malin, ses plus grandes malices, Boileau, Épître X. Le roi se permettait rarement des malices, mais il y avait des gens pour lesquels il y succombait, Saint-Simon, 97, 24. Les gens malins feraient tout le contraire, ne fût-ce que pour me faire des malices, Voltaire, Princ. d'act. 14. Et leur rendre, à mon tour, malice pour malice, Collin D'Harleville, Malice pour malice, I, 13.

    Entendre malice à quelque chose, y donner un sens détourné, un sens malin.

    Ne pas entendre malice à quelque chose, faire ou dire quelque chose sans mauvaise intention.

    Ne pas entendre malice, signifie aussi être simple, niais.

    Fig. et familièrement. Un innocent fourré de malice, celui qui est malicieux et qui feint d'être simple et bon.

    La belle malice ! Voyez la malice ! se dit, par plaisanterie, en imputant à malice ce à quoi on ne veut pas répondre sérieusement. L'auteur n'est ni poli ni gai… il m'appelle Capanée, quoique je n'aie jamais été au siége de Thèbes ; il voudrait me faire passer pour un impie ; voyez la malice ! Voltaire, Lett. d'Argental, 20 juin 1767.

SYNONYME

MALICE, MALIGNITÉ. Ces deux mots sont très voisins, puisqu'ils dérivent tous deux de l'adjectif latin malus, méchant, et ne diffèrent que par la terminaison. Mais on remarquera d'abord que malignité a beaucoup moins le sens favorable que malice a quelquefois, celui de petite méchanceté, d'espièglerie. Puis on peut dire en général que la malice désigne malfaire, mal agir, et la malignité l'inclination à faire du mal.

HISTORIQUE

XIIe s. Ne nos rendez pas selonc nos malices, mais selonc ta debonnaireté, Machab. I, 13. Une seule tesche [tache] avoit male, Dont li sodomite sont pale ; Ne sot l'en en lui aultre vice, Ne ne faisoit aultre malice, Brut, f° 102, dans LACURNE. Pur co s'est mult li reis de s'ire refrenez, E desfais li malices qui dunc ert [était] aprestez, Th. le mart. 43. E ore t'ad rendud Deu ta malice sur le chief, Rois, p. 233.

XIIIe s. Que trestous leur malices leur retourne à contraire, Berte, LXIX. Et quant il voit que il s'atornent à malisse… dont en prent-il si cruel vengance, H. de Valenciennes, I.

XIVe s. Et cest moien est ou milieu de deus malices ou vices desquelles une est selon…, Oresme, Eth. 46. Pour quoy nous, qui ne voulons souffrir telles fraudes et malices estre faits ou prejudice de nous et de nostre peuple…, Ordonn. des rois, t. V, p. 404.

XVe s. Et tant fit par son subtil malice et engin que…, Froissart, I, I, 6. Plus de follye que de malice, Commines, V, 17.

XVIe s. Lorsque le chancre est ja accreu, il repugne par sa malice à tous remedes, Paré, V, 26.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. maglice ; provenç. malicia, malissa ; espagn. malicia ; ital. malizia ; du lat. malitia ; de malus, méchant (voy. MAL). On remarquera dans l'historique que malice est quelquefois masculin.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MALICE.

Sac à malices, voy. SAC au Supplément.