« rôder », définition dans le dictionnaire Littré

rôder

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rôder

(rô-dé) v. n.
  • 1Aller, courir çà et là. Il [Anchise] m'a suivi malgré son âge Par tous les lieux où j'ai rôdé, Scarron, Virg. VI. Toute la nuit il rôde ainsi qu'un loup-garou, Il ne nous permet pas de fermer la prunelle, Regnard, Fol. am. I, 1.

    Activement. Collinet, plus que jamais, rôda les rues avec un vêtement fort riche, qui ne le faisait prendre que pour quelque baron, Francion, VI, p. 246. Depuis plus de vingt ans je rôde l'univers, Où je fais admirer l'effet de mes concerts, Regnard, le Bal, 7. Eugène de Savoie, sorti de France depuis un an ou deux, rôdant l'Europe sans obtenir d'emploi nulle part, Saint-Simon, 41, 235.

  • 2Aller çà et là, avec l'intention d'épier, de chercher. Et moi, Morille, je rôdais autour d'ici, pour voir si je pourrais te rencontrer, Hauteroche, Cocher supp. sc. 1. Le voilà qui vient rôder autour de vous, Molière, G. Dand. II, 4. Les Écritures nous le dépeignent [Satan] comme un ennemi toujours vigilant qui rôde sans cesse aux environs, pour tâcher de nous dévorer, Bossuet, 1er sermon sur les démons, 2. Il y a assez longtemps que je rôde autour du Parnasse, Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 287, dans POUGENS. Alors, battant ses flancs, la lionne inhumaine Quitte ses lionceaux et rôde dans la plaine, Delille, Géorg. III.
  • 3 Terme de marine. Rôder sur son ancre, se dit d'un bâtiment qui, étant mouillé dans un courant violent, se meut de part et d'autre de la direction du courant, en manoeuvrant convenablement son gouvernail.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

HISTORIQUE

XVe s. Après qu'ilz eurent tous soupé et joué et raudé les ungs avecques les autres, Du Cange, collatio. Atant se mist le roy à chemin tout courant, affin que Norhot ouyst ; mais peu leur valut, car toute la nuit raudirent sans en avoir nouvelle, Perceforest, t. VI, f° 107. Elles s'esbattent et se raudent ensemble, Les quinze joyes du mariage, p. 126. Ainsi se raudent et moquent du bon homme, ib. p. 128.

XVIe s. Il s'en alla rodant à l'entour des isles de Cos et de Gnidos, Amyot, Alc. 56. Nous n'allons pas ; nous rodons plustost, et tournoyons çà et là sur nos pas, Montaigne, IV, 14. Aprez avoir rodé les yeulx par tout, je me trouvai en pourpoinct, Montaigne, IV, 205. Il avoit huit galeres qui raudoient par toute cette mer, Carloix, I, 7. Il avoit raudé tout ce païslà, par plusieurs fois, pour mieux en recognoistre les advenues, Carloix, V, 11. Pour courir à clos yeux aux hasards de la guerre, Chercher toutes les mers, rauder toute la terre, Desportes, Élégies, I, II. Te baille ton pere exhibition à l'université pour aller rauder de nuyct ? Palsgrave, p. 570.

ÉTYMOLOGIE

Génev. se roder ; picard, raudir, rôder ; provenç. rodar, rogar, rouler, tourner, arrondir, rôder ; espagn. et portug. rodar ; ital. rotare ; du lat. rotare, tourner, de rota (voy. ROUE). Cette étymologie est assurée par la phrase roder les yeux, de l'historique. Seulement il faut remarquer que rôder provient d'une influence provençale ou du moins des contrées avoisinant la langue d'oc ; la forme vraiment française est rouer ou roer : XVe s. Se aucun vient de nuit en nostre jardin, ou roer entour notre hostel, Du Cange, rotulare.