« renier », définition dans le dictionnaire Littré

renier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

renier

(re-ni-é), je reniais, nous reniions, vous reniiez ; que je renie, que nous reniions, que vous reniiez v. a.
  • 1Déclarer qu'on ne connaît point une personne, une chose que l'on connaît effectivement. Le premier et le plus zélé de tous [Pierre] le renie trois fois [Jésus], Bossuet, Hist. II, 6. Ses larmes effacèrent le crime que sa bouche avait commis, en reniant son maître, Bourdaloue, Exhort. sur le ren. de St Pierre, t. I, p. 473.

    Absolument. Viens t'instruire par l'exemple d'un si grand apôtre [Pierre] : il présume, il s'engage, il renie, Bossuet, Méd. sur l'Évang. la Cène, 76e jour.

  • 2Renier quelqu'un pour son parent, pour son ami, refuser de le reconnaître pour tel.

    On dit dans le même sens : renier ses parents, ses amis. Il [Lamotte] exhortait Rousseau, qui reniait son père, à ne point rougir de sa naissance, Voltaire, Louis XIV, Écriv. Lamotte. Tu ne saurais marcher dans cet auguste lieu, Tu n'y peux faire un pas, sans y trouver ton Dieu ; Et tu n'y peux rester sans renier ton père, Ton honneur qui te parle, et ton Dieu qui t'éclaire, Voltaire, Zaïre, II, 3. M. l'abbé Rothelin, qui m'a un peu renié devant les hommes, Voltaire, Lett. Formont, 20 déc. 1738.

  • 3Désavouer, méconnaître une chose de fait. Renier sa patrie, sa famille.
  • 4Abandonner entièrement. Le peuple dit que les sorciers renient chrême et baptême. Il ne pouvait être tranquille, depuis qu'il avait eu le malheur de renier sa foi, Lesage, Diable boit. 15. Deux cents et un témoins les accusèrent [les templiers] de renier Jésus-Christ en entrant dans l'ordre, Voltaire, Mœurs, 66. Non, renier sa croyance, Non, renier son Dieu n'est pas en sa puissance, Delavigne, Une famille, 15.

    Absolument. Apostasier. Parmi les chrétiens établis en Orient, il y en a toujours quelqu'un qui renie.

  • 5Renier Dieu, et, absolument, renier, jurer le nom de Dieu. La Rancune, avec une froideur capable de faire renier un théatin, lui disait : Voilà un grand malheur, Scarron, Rom. com. I, 6.

HISTORIQUE

Xe s. Qu'elle Deo raneiet, chi maent [demeure] sus en ciel, Eulalie.

XIIe s. Sainz Pieres li apostles, que Deus tant honura, Que en ciel e en terre poesté li duna, Jesu Crist sun seigneur par treis feiz renia, Th. le mart. 107.

XIIIe s. Atant es vous un crestien renoiet venus au conte, qui bien savoit les passages et le pays, Chr. de Rains, 204. Car se tu le bien congneüsses, Onques ses homs esté n'eüsses… Ains croi que, sans point de demore, Son hommage li renoiasses, Ne jamès par amor n'amasses, la Rose, 4265. Voudriiez vous Dieu renoier, Celui que tant solez proier ? Rutebeuf, II, 82. De ce clos où il les avoient mis, les fesoient traire l'un après l'autre, et leur demandoient : te veulz-tu renoier ? Joinville, 242. Il me fist amener mes mariniers devant moy, et me dit que il estoient touz renoiés, Joinville, 241. Renoier soi n'est pas autre chose que refuser ses volentez, en tel maniere que cil qui estoit superbes deviegne humbles, Latini, Trésor, p. 460. Envers Hervé, le cuivert renoié, Du Cange, renegatus.

XVe s. Et aux plusieurs forts et grands pillards françois reniés, ils firent trancher les testes, ou pendre à un gibet, Froissart, III, IV, 1.

XVIe s. Le devin ne renia [nia] point le faict, Amyot, Alex. 117. Le roi, en reniant à sa mode, dist à son frere devant la roine qu'il falloit qu'un d'eux sortist le roiaume [sic], D'Aubigné, Hist. II, 106. Il regnioit Dieu, que s'ils y revenoient plus, qu'il les tailleroit en pieces, Carloix, V, 8.

ÉTYMOLOGIE

Berry, regnier ; wallon, riney ; provenç. renegar, renejar, reneyar ; espagn. renegar ; ital. rinnegare ; de re, et lat. negare, nier.