« rouer », définition dans le dictionnaire Littré

rouer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rouer

(rou-é), je rouais, nous rouions, vous rouiez ; que je roue, que nous rouions, que vous rouiez v. a.
  • 1 Terme de marine. Plier un cordage plusieurs fois sur lui-même en rond. Rouer à tour, le plier de gauche à droite ; rouer à contre, le plier de droite à gauche.
  • 2Infliger le supplice de la roue. On roua hier tout vif à Rennes un homme qui confessa avoir eu le dessein de le tuer [M. de Chaulnes] ; c'est le dixième qui a eu ce dessein, Sévigné, 13 nov. 1675. Comme les magistrats, après avoir fait rouer quelques malfaiteurs, ordonnent que l'on exposera en plusieurs endroits écartés, sur les grands chemins, leurs membres écartelés, pour faire frayeur aux autres scélérats, Bossuet, Sermons, Bonté et rigueur de Dieu, 2. On fait savoir que l'ordre très exprès de Sa Majesté, notre seigneur très clément, est que cet homme [Patkul], qui est traître à la patrie, soit roué et écartelé pour réparation de ses crimes et pour l'exemple des autres, Voltaire, Charles XII, 3. L'intendant du Dauphiné fit rouer le petit-fils du pasteur Chamier, qui avait dressé l'édit de Nantes, Voltaire, Louis XIV, 36.

    Absolument. Les honnêtes gens, en passant par la Grève où l'on roue, ordonnent à leur cocher d'aller vite, et vont se distraire à l'opéra du spectacle affreux qu'ils ont vu sur leur chemin, Voltaire, Lett. Pinto, 21 juill. 1762. Il [le bourreau] s'applaudit, il dit dans son cœur : nul ne roue mieux que moi, J. de Maistre, Soirées de St-Pétersbourg, 1er entretien.

  • 3Écraser entre les roues ou sous les roues d'une charrette, d'un carrosse. On leur a dit [aux recrues de Bretagne] qu'il ne fallait pas branler ri aller et venir quand ils sont dans leurs rangs : ils se laissaient rouer l'autre jour par le carrosse de Mme de Chaulnes sans vouloir se retirer d'un seul pas, Sévigné, 15 mai 1689. Moi donc, qui dois souvent en certain lieu me rendre… Ne sachant plus tantôt à quel saint me vouer [dans un embarras de voitures], Je me mets au hasard de me faire rouer, Boileau, Sat. VI.
  • 4 Fig. et familièrement. Rouer de coups, battre excessivement. On vous viendra rouer de coups, Scarron, Virg, IV. Et pour le coquin de Silvestre, je le rouerai de coups, Molière, Scapin, I, 6. Te voyant ces habits, on te rouera de coups, Th. Corneille, Geôlier de soi-même, I, 5.
  • 5 Fig. et familièrement. Fatiguer extrêmement. Les cahots de cette voiture m'ont roué. Il est tout roué d'avoir passé une nuit sans dormir.

HISTORIQUE

XIIIe s. Puis va tant roant par la sale…, la Rose, 6167.

XVe s. Mais tant rouay, Qu'ung tel qui me plaisoit trouvay, Que loyal et bon esprouvay, Chartier, le Liv. des quatre dames. Et son procès fait, [le bâtard de Bourbon] fut condamné à estre roué et jeté dedans un sac à la riviere, Monstrelet, II, 253.

XVIe s. Il alloit çà et là rouant par les isles, et demandant de l'argent aux habitans, Amyot, Thém. 40. Il le suivoit à la trace, et rouoit à l'entour de luy, Amyot, Fab. 11. Manger, boire, dormir ; boire, dormir et manger : nous rouons sans cesse en ce cercle, Montaigne, II, 387. D'un horrible regard rouant ses-yeux ardents, Et d'un horrible son faisant cracquer ses dents, Du Bellay, J. III, 61, verso. Joyeux de voir du sommet d'une tour Rome brusler, et rouer tout au tour Des grands palais la flamme qui ondoye, Du Bellay, J. V, 5, recto. Astres qui dans le ciel rouez vostre voyage, Ronsard, 168.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, rouwé ; prov. rodar, rogar ; espagn. rodar ; ital. rotare ; du lat. rotare, mouvoir circulairement, de rota, roue. Dans le moyen âge, rotare se disait, en latin, pour infliger le supplice de la roue ; et roer, en français, pour tourner, aller à l'entour.