« rouge », définition dans le dictionnaire Littré

rouge

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rouge [1]

(rou-j') adj.
  • 1Qui est d'une couleur semblable à celle du feu, du sang, etc. J'étais tout rouge de honte d'avoir à traverser toute une ville avec tant d'appareil, Scarron, Rom. com. I, 18. Ayant pris la ville par la volonté du Seigneur, il [Judas Machabée] y fit un carnage incroyable, de sorte que l'étang d'après, qui avait deux stades de large, était tout rouge du sang des morts, Sacy, Bible, Machab. II, XII, 16. M. de Pompone sortit avec les yeux un peu rouges, Sévigné, 403. Je reviens aux dames : je trouve d'abord trois ou quatre de mes belles-filles [demoiselles entre qui Ch. de Sévigné cherchait une femme], plus rouges que du feu, tant elles me craignent ! Sévigné, 6 août 1680. La timide Aricie est alors arrivée… Elle approche, elle voit l'herbe rouge et fumante, Racine, Phèdre, V, 6, 2. Elle est devenue rouge comme un coq, Th. Leclercq, Prov. t. I, p. 243, dans POUGENS.

    Les diverses nuances s'expriment de la manière suivante : rouge ordinaire, pur, rouge sanguin, rouge pourpre, rouge carmin, rouge de cinabre, rouge coquelicot, rouge incarnat, rouge de feu, rouge safrané, rouge orangé, rouge de chair, rouge rosé ou rose.

    Perdrix rouge, espèce de perdrix qui a les pieds et le bec rouges.

    Maladie rouge, mal rouge, voy. MALADIE, n° 3.

    Terme de marine. Escadre rouge, celle des divisions d'une flotte qui est distinguée par le pavillon rouge (voy. ESCADRE, aux ADDITIONS et CORRECTIONS).

    Fig. Avoir le collet rouge, avoir la tête tranchée. Cinq-Mars n'y joua pas bien son rôle [auprès de Louis XIII], et voulut tromper son maître [Richelieu] qui l'avait mis là ; aussi en devint-il mauvais marchand, et en eut le collet rouge à Lyon, l'an 1642, Patin, Lett. t. II, p. 363.

  • 2Drapeau rouge, voy. DRAPEAU. [Dans la révolution] le drapeau rouge flotte aux remparts des cités ; la guerre est déclarée aux nations, Chateaubriand, Génie, III, III, 1.

    Chapeau rouge, chapeau de cardinal.

    Les enfants rouges, s'est dit quelquefois des mousquetaires.

    Anciennement. Livre rouge, livre sur lequel on enregistrait les défauts prononcés à l'audience.

    Fig. Il est écrit sur le livre rouge, il est écrit en lettres rouges, il est en danger d'être recherché pour quelque faute qu'il a faite. C'est lui qui vous attire l'attention de la justice ; il n'y est pas en bon prédicament, et l'on m'a fait voir un petit registre où il est marqué en lettres rouges, Dancourt, Déroute du pharaon, sc. 22.

    Fig. Les rouges charpentiers, voy. CHARPENTIER.

  • 3 Terme de jeu. Se dit, au trente et un, à la roulette, etc., de la couleur opposée à la noire. On dit substantivement : la rouge et la noire.
  • 4Fer rouge, fer chauffé au point de devenir rouge. La chaleur du fer rouge, qui est à très peu près égale à celle du verre en incandescence, est huit fois plus grande que la chaleur de l'eau bouillante, et vingt-quatre fois plus grande que celle du soleil en été, Buffon, Théor. terr. part. hyp. Œuv. t. IX, p. 96.

    Rouge obscur, rouge cerise, rouge blanc, se dit des différents degrés de chaleur dans le fer que l'on forge.

    Boulet rouge, voy. BOULET.

    Fig. Tirer à boulet rouge ou à boulets rouges, voy. BOULET.

  • 5Un rouge bord, un verre de vin plein jusqu'aux bords (lotion vieillie). Un laquais effronté m'apporte un rouge bord, Boileau, Sat. III.

    On a dit dans le même sens : boire à rouge bord.

  • 6Race rouge, se dit des Indiens de l'Amérique du Nord. On dit souvent : Peaux rouges.
  • 7Extrêmement roux. Cheveux rouges.

    Familièrement. Il est méchant comme un âne rouge, il est très méchant.

  • 8Adverbialement. Se fâcher tout rouge, se fâcher sérieusement. Puis les tient-on fâchés tout rouge, avec un brin d'intrigue on les mène où l'on veut, Beaumarchais, Mar. de Fig. II, 2.

    Fig. Voir rouge, être animé de passions violentes, sanguinaires.

  • 9 S. m. Couleur rouge. Un beau rouge. Un rouge vif. Rouge d'écarlate. Drap teint en rouge. Les rouges de teinture, c'est-à-dire les matières colorantes rouges qu'on peut extraire des végétaux, Fourcroy, Conn. chim. t. VIII, p. 70. Les principales substances dont on se sert pour obtenir les rouges sont la garance, la cochenille, le bois de Brésil et le carthame, Thenard, Traité de chim. t. III, p. 320, dans POUGENS.
  • 10Certaines substances de couleur rouge. Rouge de montagne.

    Rouge des Indes ou d'Andrinople, sorte de couleur rouge solide et brillante que l'on donne aux étoffes de coton.

    Rouge cinchonique, corps analogue au tannin, qu'on trouve dans les écorces de quinquina.

    Rouge végétal, matière rouge du carthame précipitée par un acide.

    Rouge à polir, dit aussi rouge indien, rouge de Prusse, colcothar, substance dont on se sert pour polir les métaux, les pierres dures, les glaces, etc.

  • 11Prendre le rouge, pousser le rouge, se dit des jeunes dindons, lorsque, à l'âge de six semaines ou de deux mois, la chair glanduleuse et les barbillons qui entourent leur bec commencent à se développer. Les dindonneaux lorsqu'ils poussent le rouge, Buffon, Ois. t. IV, p. 36. Ce n'est qu'après trois mois passés que les jeunes perdreaux poussent le rouge ; car les perdrix grises ont aussi du rouge à côté des tempes entre l'œil et l'oreille, Buffon, ib. t. IV, p. 182.
  • 12Maladie du pêcher.

    Maladie des vers à soie.

    Maladie des chiens et des oiseaux.

  • 13 Fig. Le sang, la colère, la honte qui montent au visage. Au visage sur l'heure un rouge m'est monté, Molière, Fâch. I, 1. Le rouge au visage et le feu aux yeux sont un signe de la colère, comme l'éclair qui nous avertit d'éviter la foudre, Bossuet, Connaiss. V, 5.
  • 14Fard rouge à l'usage des femmes. On veut parier que la princesse d'Harcourt ne sera pas dévote dans un an, à cette heure qu'elle est dame du palais, et qu'elle remettra du rouge ; car ce rouge c'est la loi et les prophètes ; c'est sur ce rouge que roule tout le christianisme, Sévigné, 181. Si c'est aux hommes qu'elles [les femmes] désirent de plaire, si c'est pour eux qu'elles se fardent et s'enluminent, j'ai recueilli les voix, et je leur prononce de la part de tous les hommes, ou de la plus grande partie, que le blanc et le rouge les rendent affreuses et dégoûtantes ; que le rouge seul les vieillit et les déguise, La Bruyère, III. Les Perses… commencèrent à leur imitation [des Mèdes] à se peindre les yeux et à se mettre du rouge au visage, afin d'avoir l'œil plus vif et le teint plus vermeil, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 268. Auprès d'un pot de rouge on voit un Massillon, Voltaire, Gertrude. Dès que le rouge est quitté et que, par un extérieur d'éclat, une femme est déclarée dévote, Duclos, Œuv. t. VIII, p. 55. Lise a quitté le rouge, et l'on se dit tout bas Qu'elle ferait bien mieux de quitter Lycidas, Gresset, le Méch. III, 9. Tout au contraire des autres femmes, ce qu'elle avait de moins frais était le visage, et je crois que le rouge le lui avait gâté, Rousseau, Confess. VI. [Sur le théâtre] on voit Cornélie en pleurs avec deux doigts de rouge, Rousseau, Hél. II, 17. Les Athéniennes peignent leurs sourcils en noir, et appliquent sur leur visage une couche de blanc de céruse avec de fortes teintes de rouge, Barthélemy, Anach. ch. 20. Aussitôt qu'on a été vue de toute la salle, que le rouge se raye, que la coiffure se dérange, on bâille, on se plaint du chaud, et l'on va se coucher, Genlis, Ad. et Th. t. III, p. 417, dans POUGENS. C'est avec le carthame qu'on prépare le rouge dont les femmes se servent pour la toilette, Thenard, Traité de chim. t. III, p. 303.

    Par exagération. Cette femme a un pied de rouge, elle a du rouge comme une roue de carrosse.

    Fig. Vous mîtes du rouge à Virgile, Mettez des mouches à Milton, Chénier M. J. Épître à Delille.

  • 15Républicain avancé acceptant le drapeau rouge pour symbole (voy. DRAPEAU). Les Rouges.

    PROVERBE

    Rouge au soir et blanc au matin, c'est la journée du pélerin.

HISTORIQUE

XIIe s. Recordez en quel manere nos pere furent sauvé en la mer roge, Machab. I, 4.

XIIIe s. Qui est cil qui met fin en pechier [péché], puisque la rouge color s'en est alée une foiz de son front ? Latini, Trésor, p. 401.

XVe s. J'ay par ma convoitise Tout perdu, argent et chemise, Pour vingt francs que je vi si rouges ; Mettre les cuiday en mes bouges, Deschamps, Poésies mss. f° 375. Un jour vint que le roy le mena à la chasse, et recueillirent une rouge beste laquelle courut longuement…, Monstrelet, t. III, p. 89, dans LACURNE.

XVIe s. Là dessus les batries que nous avons designées, firent breche, et, les maisons estans à descouvert, plusieurs bales rouges y furent jetées, qui mirent en peine les assiegez, D'Aubigné, Hist. III, 437. On usera du rouge d'Espagne, Paré, XXV, 44. Ce fut un grand exploit et un grand heur de guerre ; dont ils en vinrent si rouges et si insolens, qu'ils mesprisoient toutes nations et pensoient battre tout le monde, Brantôme, Capit. franç. t. I, p. 291. Les plus rouges [les plus malins] y sont pris, Cotgrave Rouge visage et grosse panse ne sont signes de penitence, Cotgrave Ainsi donc, pour venir à conclure, c'est à toy, cardinal [le cardinal de Lorraine], plus rouge de nostre sang que d'autre teinture…, Régnier de la Planche, De l'Estat de France sous François II.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, rog ; provenç. rog, au fém. roja ; cat. rotj ; espag. rojo, rubio ; ital. roggio, robbio ; du lat. rubeus, d'où rouge, comme rage, de rabies. Rubeus correspond au sanscrit rudhira, sang rouge, grec ἐ-ρυθρός.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. ROUGE. Ajoutez :
16Rouge et blanc, s'est dit pour cuivre et argent, en termes de monnaie. Les carats, qui sont les degrés de la bonté [de l'or], diminuent à proportion de la quantité du blanc et du rouge qui y sont incorporés : ce sont les noms qu'on donne d'ordinaire à l'argent et au cuivre ; de sorte qu'un quart de blanc, un quart de rouge et deux quarts d'or alliés ensemble feraient de l'or à douze carats, Ch. Patin, Introd. à la connais. des médailles, ch. VII.
17 Terme de forestier. Le rouge, ou la pourriture rouge, maladie des bois qui les rend cassants, friables, ainsi dit de sa couleur brun cannelle ; il est le développement de la cadranure, Nanquette, Expl. débit et estim. des bois, Nancy, 1868, p. 186.
18Le rouge, et, plus souvent, le rouge de rivière, nom d'une espèce de gibier à plume. Consommation en 1853, gibier vendu sur le marché de la vallée, râles, rouges, sarcelles, A. Husson, les Consommations de Paris, p. 246.
19 L'arbre rouge, l'erythrophlaeum de Guinée, Baillon, Dict. de bot. p. 248.
20Voir rouge, être saisi de fureur, du désir de nuire, de tuer ; expression mise en vogue par Eug. Sue, dans les Mystères de Paris, personnage du Chourineur. Il plaisait à Palmerston de nourrir des griefs contre nous, de nous représenter comme des alliés peu sûrs, des modèles de fourberie, des abîmes d'ambition ; il voit rouge quand il est question du roi des Français, Laugel, cité dans Rev. des Deux-Mondes, 15 mars 1877, p. 343.

HISTORIQUE

XVe s. Ajoutez : S'ele est fine [une dame], soyez songneux Que de ses fins tours vous gardez ; Car souvent les plus rouges gueux Y sont surprins, bien l'entendez, Chansons du XVe siècle, publiées par G. Paris, p. 129. (les plus rouges gueux, les gueux les plus rusés, nous dirions les plus roués ; voy. un emploi semblable de rouge à l'historique dans le XIVe siècle).