« sophiste », définition dans le dictionnaire Littré

sophiste

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sophiste

(so-fi-st') s. m.
  • 1Primitivement, chez les Grecs, une personne habile, expérimentée dans les affaires de la vie privée ou publique. Les sept sages portèrent aussi le nom de sophistes. Solon, qui le premier des Athéniens a eu le titre de sophiste, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. XI, 2e part. p. 756, dans POUGENS. Une courtisane de Milet, nommée Thargélie, qui par ses talents avait mérité le titre de sophiste, et que son extrême beauté avait élevée au faîte des honneurs, Rollin, ib. p. 759.
  • 2Plus tard, et chez les Grecs aussi, nom donné à des hommes moitié rhéteurs, moitié philosophes, qui cherchaient plus à faire parade de leur esprit qu'à reconnaître la vérité des choses. Les Nuées eussent été bonnes contre un sophiste, mais non pas contre Socrate, qui n'était rien moins que sophiste, Fontenelle, Remarq. sur Aristoph. Œuv. t. IX, p. 417. Aucun sophiste ne parut avec plus d'éclat que Gorgias, envoyé par les Léontins, ses compatriotes, pour obtenir des secours contre les Syracusains, Condillac, Hist. anc. III, 17. Il nous reste de lui [Eunape] un commentaire sur les vies des sophistes qu'il faut lire avec précaution, Diderot, Opin. des anc. philos. Éclectisme. S'il [Socrate] regarda comme inutiles les méditations des philosophes, les sophistes lui parurent d'autant plus dangereux, que, soutenant toutes les doctrines sans en adopter aucune, ils introduisaient la licence du doute dans les vérités les plus essentielles au repos des sociétés, Barthélemy, Anach. ch. 67.
  • 3Aujourd'hui, celui qui fait des arguments captieux. Les Grecs, grands parleurs, grands disputeurs, naturellement sophistes, ne cessèrent d'embrouiller la religion par des controverses, Montesquieu, Rom. 22. Le sophiste géométrique Spinosa, dont la modération, le désintéressement et la générosité ont été dignes d'Épictète, Voltaire, Philos. 1re homélie. Voilà. ma tendre et solide amie, l'ouvrage [Lettre à d'Alembert] du grand sophiste [J. J. Rousseau], Diderot, Lett. à Mlle Voland, 1er juin 1759. Mais qu'on m'ose prôner des sophistes pesants, Apostats effrontés du goût et du bon sens, Alors certes, alors ma colère s'allume, Gilbert, Le XVIIIe siècle. C'est surtout à réparer le mal fait par les sophistes que doit s'attacher aujourd'hui le poëte, Hugo, Odes et ballades, Préface de 1824.

    Fig. Caligula était un vrai sophiste dans sa cruauté, Montesquieu, Rom. 15. Les passions, qui sont de tous les sophistes les plus adroits et les plus dangereux, Marmontel, Œuv. t. IX, p. 510.

    Au fém. D'autres fois c'est [la tragédie] une ennuyeuse sophiste, une pointilleuse ridicule, une subtile raisonneuse, Fréron, Observ. sur les écrits mod. t. I, p. 28.

    Adj. Un géomètre un peu dur nous parlait ainsi : y a-t-il rien dans la littérature de plus dangereux que les rhéteurs sophistes ? Voltaire, Dict. phil. Sophiste. Tout un monde sophiste, en style de sermon, De longs écrits moraux nous ennuie avec zèle, Gilbert, Le XVIIIe siècle.

HISTORIQUE

XIVe s. Et teles raisons font les sophistes pour conclure choses…, Oresme, Éth. 194.

XVe s. Item, dit ladite chronique, que l'un des conseillers et sophistes d'icelui Julien eut semblable vision dudit miracle de ladite mort, Monstrelet, I, 39.

XVIe s. Amour, roy des sanglots, prison cruelle et dure… Sophiste injurieux, artisan de malice, Desportes, Diane, I, 69. Comment Gargantua feut institué par un sophiste en lettres latines, Rabelais, I, 14.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. sophista ; espagn. et ital. sofista ; du lat. sophista, en grec σοφιστὴς (voy. SOPHISME).