« traverse », définition dans le dictionnaire Littré

traverse

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

traverse

(tra-vèr-s') s. f.
  • 1Action de traverser, de faire traverser. Promettons audit Boutet de n'accorder aucuns passe-ports et exemptions pour la sortie, entrée et traverses ou passages d'aucunes marchandises, Bail Boutet, lett. pat. 27 juin 1680.

    Chemin qu'il y a à faire d'un lieu à un autre. Parlons de la traverse d'Autun ici, qui est un chemin diabolique, Sévigné, 354.

  • 2Route particulière, plus courte que le grand chemin, on menant à un lieu auquel le grand chemin ne mène pas. Prendre la traverse. Il fut décidé que nous suivrions jusqu'à deux lieues de Montélimart la grande route de Marseille, et que là nous prendrions la traverse, Saussure. Voy. Alpes, t. VI ; p. 108, dans POUGENS. As-tu remarqué, dans le chemin de traverse que nous avons pris tout à l'heure, un grand mur à droite ? Genlis, Théât. d'éduc. Zélie, I, 2.

    Fig. Il y a, pour arriver aux dignités, ce qu'on appelle la grande voie ou le chemin battu ; il y a le chemin détourné ou de traverse qui est le plus court, La Bruyère, VIII.

    Rue de traverse, petite rue qui va d'une grande rue à une autre.

    Fig. Par les traverses, par voie indirecte. Adressez vos lettres pour moi et pour mon fils à du But ; je crois que je les recevrai encore mieux par là que par les traverses, Sévigné, 6 mai 1676.

    De traverse, en dehors de la voie directe, du courant ordinaire. Il [le fils de Bussy] est trop rude, et trop violent, et trop avantageux en paroles ; cela m'est venu de traverse, je vous le dis avec amitié, Sévigné, à Bussy, 25 fév. 1686. Laissons mûrir le dessein de ce voyage de traverse, Sévigné, 23 av. 1690. Je suis assommée des grandes nouvelles de l'Europe ; tenez, en voilà de traverse que m'envoie Mme de Lavardin, Sévigné, 1er déc. 1675. Riom n'avait jamais imaginé causer [à la duchesse de Berry] une passion qui durât toujours, sans néanmoins empêcher les passades et les goûts de traverse, Saint-Simon, 435, 55.

    Au jeu, des paris de traverse, paris qui ne sont pas du courant du jeu.

    Fig. Ne croyez point que ce soit chose possible que de vaquer à nos deux commerces et à tous les paris de traverse qui arrivent chaque jour, Sévigné, 1er av. 1689.

  • 3 Terme de fortification. Massif de terre élevé sur le terre-plein d'un parapet, dans une tranchée ou dans une batterie, pour mettre les défenseurs à l'abri des coups de revers ou d'enfilade.

    Traverse tournante, celle qui est tout à fait indépendante de l'épaulement, et tout autour de laquelle on peut circuler.

  • 4Pièce de bois qu'on met en travers pour affermir certains ouvrages de menuiserie et de charpente. La traverse d'une porte, d'une fenêtre. Mettre des traverses. Phidias profita des moindres espaces pour multiplier les ornements ; sur les quatre traverses qui lient les pieds du trône, je comptai trente-sept figures, Barthélemy, Anach. 38.

    Terme de menuisier. Fausse traverse, celle qui est faite en bois mince et qu'on rapporte sur un panneau de porte ou de volet.

    Traverse de support, bande de bois plate qui se pose avec des chevilles sur le derrière des fourchettes d'un carrosse.

    Traverse de devant, morceau de bois qui s'attache des deux bouts sur le brancards.

  • 5En serrurerie, les traverses d'une grille, les barres transversales.
  • 6Perche servant à la construction d'un train de bois.
  • 7Gros tuyau de tôle posé horizontalement et conduisant la fumée d'une cheminée bouchée par le haut dans une autre cheminée.
  • 8Dans un chemin de fer, pièces de bois posées transversalement sur la voie, et sur lesquelles reposent les coussinets des rails. En forêt, les bois de hêtre sont toujours très demandés pour traverses de chemins de fer.
  • 9 Terme de pêche. Traverses des bourdigues, se dit des cloisons qui se dirigent l'une vers l'autre, et forment des espèces de goulets.
  • 10Armature en cuivre sur laquelle est monté le coulisseau d'un piston de cuvette à l'anglaise.
  • 11 Terme de blason. Se dit quelquefois d'une barre de bâtardise.
  • 12 Terme de marine. Banc de sable, de vase ou de gravier, à l'entrée d'un port, d'une rade ou d'une baie.
  • 13 Fig. Obstacle, affliction, revers. Après avoir passé tant et tant de traverses, Régnier, Épît. II. En vit-on jamais un [sort] dont les rudes traverses Prissent en moins de rien tant de faces diverses ? Corneille, Hor. IV, 4. Le temps du vrai mérite est celui des traverses ; Pour triompher il faut souffrir, Corneille, Imit. I, 22. Je veux écrire dans mes Heures ce que dit M. de Commines sur les traverses de la vie humaine, Sévigné, 24 nov. 1678. [Louis XIV] Trop fier dans ses succès, mais ferme en ses traverses, Voltaire, Henr. VII. Cet homme que la nature avait formé pour être grand par lui-même, sans le secours ou malgré les traverses de la fortune, Raynal, Hist. phil. XIII, 35.
  • 14À la traverse, loc. adv. D'une façon inopinée et gênante. Les rivaux qui se jettent à la traverse d'une inclination établie, Molière, Préc. 5. Ai-je jamais commencé une bonne action où le péché ne se soit comme jeté à la traverse ? Bossuet, 1er sermon, Concept. Ste Vierge, 2. Il n'y a rien sur la terre ni de si bien concerté par la prudence, ni de si bien affermi par le pouvoir, qui ne soit souvent troublé et embarrassé par des événements bizarres qui se jettent à la traverse, Bossuet, 2e sermon, Purific. 2. Quelque obstacle s'était mis à la traverse pour s'opposer à son bonheur, Hamilton, Gram. 9. J'en eus d'abord du regret, mais les distractions vinrent à la traverse, Rousseau, Conf. III.

    Incidemment. S'il vous vient un petit conte à la traverse, ne vous en contraignez pas, Sévigné, à Bussy, 9 oct. 1675.

HISTORIQUE

XVe s. Le pape n'estoit pas trop content de voir ainsi le roy si proche et si voisin, et lui auroit sans doute fait dès l'heure quelque traverse…, André de la Vigne, Voy. de Naples de Charles VIII, p. 123, dans LACURNE.

XVIe s. En moins de deuz jours il sceut toutes les rues, ruelles et traverses de Paris, comme son Deus det, Rabelais, Pant. II, 16. En deux jours et deux nuicts ils bastirent des traverses et des retranchemens tels qu'on n'osa les enfoncer, Lanoue, 633. Il luy donna tant de traverses, et le rengea à telz termes, qu'il fallut que L. Lollius vinst du Languedoc pour le secourir, Amyot, Sertor. 16. Il passa en très grand danger, et les autres vaisseaux eurent assez commode traverse, Amyot, C. d'Ut. 21. À une traverse de chemin, les coureurs du comte arriverent dans le gros des autres les premiers, D'Aubigné, Hist. II, 364. Et n'avoient jamais veu tant de gens courir la poste et prendre les traverses que sur ce chemin-là, Castelnau, 199. C'est une exemption [mourir de vieillesse] qu'elle [la nature] donne par faveur particuliere à un seul, le deschargeant des traverses et difficultés qu'elle a jecté entre deux en cette longue carriere, Montaigne, I, 406. Ne se fiant à ses ailes que pour une bien courte traverse, Montaigne, II, 104. Aux choses qui se disent en commun, pour absurdes que je les juge, je ne me jecte jamais à la traverse, ni de parole, ni de signe, Montaigne, IV, 57.

ÉTYMOLOGIE

Travers ; prov. traversa ; cat. travessa ; esp. travesia ; portug. travessa ; ital. traversa.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TRAVERSE. Ajoutez :
15 Dans l'exploitation du bois de flottage, nom donné au hêtre fendu, Mém. de la soc. centr. d'agricult. 1873, p. 260.