« résister », définition dans le dictionnaire Littré

résister

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

résister

(ré-zi-sté) v. n.
  • 1Ne pas céder au choc, à l'impression d'un autre corps. Une pierre qui résiste au ciseau. Une poutre qui résiste à une forte charge. Si l'on pense que plus un corps peut résister, plus il soit capable d'arrêter le mouvement, Descartes, Monde, 7. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables [des tempêtes] Résisté sans courber le dos, La Fontaine, Fabl. I, 22. Les Romains introduisaient encore dans les ciments une autre substance qui les rendait capables de résister au froid et aux gelées ; c'est de l'huile, Mongez, Inst. Mém. litt. et beaux arts, t. I, p. 521.
  • 2Ne pas se laisser pénétrer. Un chapeau qui résiste à la pluie.
  • 3Opposer la force à la force, se défendre. La ville a résisté pendant plusieurs mois. Résister aux agents de la force publique. Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang, Avant qu'aucun résiste, ou reprenne son rang, Corneille, le Cid, IV, 3. Rome seule aujourd'hui peut résister à Rome, Corneille, Sertor. II, 1. Les Dauniens y entrèrent avec tant de vigueur, que cette jeunesse lacédémonienne, étant surprise, ne put résister, Fénelon, Tél XVI. Leurs ennemis [des Spartiates] sachant que tout ce qui résistait était passé au fil de l'épée, et qu'ils ne pardonnaient qu'aux fuyards, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 531. dans POUGENS. [Les Troyens] Résistaient en désordre et fuyaient au hasard, Delille, Én. X.

    Ce cheval résiste au cavalier, le cavalier a de la peine à s'en faire obéir.

  • 4 Fig. S'opposer aux desseins, aux volontés ; tenir ferme contre quelque chose de puissant, de fort. Donc votre aïeul Pompée au ciel a résisté Quand il a combattu pour notre liberté, Corneille, Cinna, II, 1. Qui résiste trop tard a peine à résister [à la tentation], Et c'est au premier pas qu'il la faut arrêter, Corneille, Imit. I, 13. Je tâche à le sauver ; dieux, n'y résistez pas, Du Ryer, Scévole, II, 3. Conseils marqués par le doigt de Dieu, dont l'empreinte est si vive et si manifeste dans les événements que j'ai à traiter, qu'on ne peut résister à cette lumière, Bossuet, Reine d'Angl. Admirez cette femme forte, qui résiste aux faiblesses de son sexe dès son enfance, à l'orgueil dans sa plus grande élévation, à la douleur dans le temps de son abattement et de sa mort même, Fléchier, Duch. de Mont. Il [Dieu] résiste au superbe et punit l'homicide, Racine, Athal. II, 7. Il cherche une vertu qui lui résiste moins, Racine, Alex. I, 1. Vous résistiez, seigneur, à leur sévérité [des magistrats qui avaient prononcé une sentence de mort], Racine, Brit. IV, 3. Moi-même, résistant à mon impatience…, Racine, Baj. III, 2. M. de Villette a résisté à cette éloquence de M. Bossuet à laquelle personne ne résiste [Bossuet voulait le convertir], Maintenon, Lett. à Mme de St-Géran, 24 août 1681. Telle est la faiblesse et l'inconstance des hommes ; ils se promettent tout d'eux-mêmes, et ne résistent à rien, Fénelon, Tél. X. L'âme résiste bien plus aisément aux vives douleurs qu'à la tristesse prolongée, Rousseau, Hél. I, 25. Mon cœur, qui n'a jamais su résister aux caresses, se laissa émouvoir aux leurs, Rousseau, Conf. XI. Le respect que le parlement devait au roi [Louis XI] n'empêchait pas qu'il ne lui résistât avec beaucoup de liberté, Duclos, Œuv. t. III, p. 298.

    Résister contre, ne pas se soumettre à (locution blâmée, mais, ce semble, à tort). " Et c'est contre ce mot qu'a résisté le comte " Résister contre un mot n'est pas parler français : il eût pu dire s'obstiner sur un mot, Acad. sentim. Cid.

  • 5Il se dit, dans le langage de la galanterie, des refus des femmes. [L'ode] Vante un baiser cueilli sur les lèvres d'Iris, Qui mollement résiste, et par un doux caprice Quelquefois le refuse, afin qu'on le ravisse, Boileau, Art p. II. Quand on veut qu'un sexe résiste, on veut qu'il résiste autant qu'il faut, pour faire mieux goûter la victoire à celui qui attaque, mais non pas assez pour la remporter, Fontenelle, Dial. II, morts anc. [Homme] très médiocre dans la société, mais auquel, dit-on, nulle femme jusqu'ici n'a résisté, Genlis, Mères riv. t. I, p. 90, dans POUGENS.
  • 6Se refuser à. Aux dépens de mon sang satisfaites Chimène, Je n'y résiste point, je consens à ma peine, Corneille, Cid, II, 9. Vous les aviez menacés de leur faire signer cette constitution, quand vous pensiez qu'ils y résisteraient, Pascal, Prov. XVII. La fortune t'appelle une seconde fois ; Narcisse, voudrais-tu résister à sa voix ? Racine, Brit. II, 8. L'ange aspire à monter, et résiste à descendre, Delille, Parad. perdu, II.

    Ne pas permettre, ne pas laisser, avec un nom de chose pour sujet. J'accours tout transporté d'un amour sans égal, Dont l'ardeur résistait à se croire oubliée, Molière, Sgan. 22. La coutume y résiste ; si vous étiez en pays de droit écrit, cela se pourrait faire, Molière, Mal. imag. I, 9. Quand nous n'aurions aucune autre preuve contre cette fable [d'une loi autorisant la polygamie], le nom même d'un empereur si grave, si sérieux, si chrétien [Valentinien] y résisterait, Bossuet, Déf. Var. 1er disc. 63.

  • 7Supporter la peine, le travail, en parlant des hommes ou des animaux. Résister à la douleur. Cheval qui résiste à la fatigue. Quoique à peine à mes maux je puisse résister, J'aime mieux les souffrir que de les mériter, Corneille, Hor. I, 3. Je n'y puis résister, ce spectacle me tue, Racine, Bérén. IV, 7. Gardez qu'elle résiste à sa félicité, Voltaire, Oreste, II, 4.

    Familièrement. On n'y peut plus résister, se dit de quelque incommodité qu'on a peine à supporter. Il fait une si grande fumée, qu'on n'y saurait résister.

  • 8Il se dit des choses qui durent malgré quelque obstacle ou difficulté. Ce ciment résiste aux gelées. Je dois être fort aise que cette amitié résiste à l'absence et à la Provence, Sévigné, 28 nov. 1670.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

HISTORIQUE

XIVe s. Une chose qui contrarie et obvie et resiste à raison, Oresme, Eth. 31.

XVe s. Il ne pouvoit mie resister contre eux, Froissart, II, II, 4. Iceux Bourguignons furent si vaillamment resistez et reboutez par les notables seigneurs, bourgeois et habitans dudit Paris, Chron. addit. à la suite de Monstrelet, f° 2, dans LACURNE.

XVIe s. Afin de resister que ledit sieur de Nemours ne sa compagnie ne peust passer par là qu'estoit son chemin constrainct pourvenir audit Bresse, Lett. de Louis XII, t. III, p. 173, dans LACURNE. Les enfans qui sont pour estre subjects au mal caduque… ne peuvent resister ny durer à ce lavement [lotion] de vin, Amyot, Lyc. 32. Le bois seul ne pouvoit pas durer ni resister aux coups, Amyot, Cam. 68. Le peuple vouloit que l'un des consuls fust esleu des maisons populaires ; à quoi le senat resistoit fort et ferme, Amyot, ib. 72. À la fin, la chose allant en longueur, sa force corporelle ne peut plus resister, ains se laissa aller et defaillit tout à coup, Amyot, Brutus, 18.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. resistir ; ital. resistere ; du lat. resistere, de re, et sistere, fréquentatif de stare (voy. STABLE). Résister a été fait, au XIVe siècle, sans consulter l'accent latin.