« veine », définition dans le dictionnaire Littré

veine

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veine

(vè-n') s. f.
  • 1Petit canal qui ramène au cœur le sang distribué par les artères dans toutes les parties et devenu noir en cette distribution. Veine cave. Veine jugulaire. Grosse veine Petite veine. Dégorger par des sangsues les veines hémorrhoïdales. Exciser les veines variqueuses.

    On lui a ouvert la veine, on l'a saigné. Il fallait imiter [lors de la Saint-Barthelémy] les chirurgiens experts, qui, pendant que la veine est ouverte, tirent du sang jusques aux défaillances pour nettoyer les corps cacochymes de leurs mauvaises humeurs, Naudé, Coups d'État, p. 171.

    Veine porte, voy. PORTE 2.

    Terme de maréchal. Barrer la veine à un cheval, la couper, ou la lier dessus et dessous, pour arrêter le cours de quelque humeur.

    Fig. Barrer la veine, couper court à… Portland parla à Torcy du renvoi [de Jacques hors de France] ; Torcy n'en fit point à deux fois, et lui barra tout aussitôt la veine, Saint-Simon, 54, 148.

    Veine artérieuse, ancien nom de l'artère pulmonaire. La veine artérieuse qui a été ainsi mal nommée, pour ce que c'est en effet une artère, laquelle, prenant son origine du cœur, se divise en plusieurs branches qui vont se répandre partout dans les poumons, Descartes, Méth. v, 5.

  • 2En général, tout vaisseau, veine ou artère, contenant du sang. Tel Sophocle à cent ans charmait encore Athènes, Tel bouillonnait encor son vieux sang dans ses veines, Corneille, au roi, 1676. Je sens de veine en veine une subtile flamme Courir par tout mon corps, sitôt que je te vois, Boileau, Longin, Subl. VIII. Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace, Racine, Phèdre, I, 3. Dans ses veines lui-même il portait son trépas [il était empoisonné], Voltaire, Fanat. v, 1. Un malade qui, tombé dans le délire, s'ouvre les veines et perd dans sa fureur son sang avec ses forces, Raynal, Hist. phil. I, 13.

    Fig. Véritablement, il n'était pas besoin… de tirer du sang de toutes les veines de l'État par tant de nouveaux édits, Guez de Balzac, liv. II, Lett. 3.

    Tant que le sang, tant qu'un reste de sang coulera dans mes veines, aussi longtemps que je vivrai. Tant qu'un reste de sang coulera dans mes veines, Racine, Iphig. IV, 6.

    Fig. L'âge où le sang bout, bouillonne dans les veines, où le sang est glacé dans les veines, c'est-à-dire la jeunesse, la vieillesse. Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines, En vain dans les combats ont des soins diligents ; Mars est comme l'Amour : ses travaux et ses peines Veulent de jeunes gens, Malherbe, II, 12.

    Le sang lui bout dans les veines, se dit d'un homme ardent, fougueux.

    Par exagération. Il n'a pas une goutte de sang dans les veines, se dit d'un homme saisi d'épouvante, d'horreur.

    Familièrement. Cet homme n'a pas de sang dans les veines, il n'a pas de courage.

    Fig. Il n'a veine, il n'a nulle veine qui y tende, se dit d'une personne qui n'a nulle disposition, nulle inclination pour quelque chose. Vous m'avez trompée sur Mme la duchesse du Maine dans l'article principal qui est celui de la piété : elle n'a veine qui y tende, Maintenon, Lett. à Mme de Brinon, 27 août 1693.

    Se faire ouvrir les veines, supplice chez les Romains ; on incisait les vaisseaux aux bras et aux jambes, et le patient mourait d'hémorrhagie.

  • 3 Fig. Veine poétique, ou, absolument, veine, disposition naturelle à la poésie qui donne de la facilité pour faire de bons vers. Je me trouve un peu incommodé de la veine poétique, par la quantité de saignées que j'y ai faites ces jours passés, Molière, Préc. 12. Tous les poëtes laissèrent couler leur veine, bonne ou mauvaise, et l'accablèrent de louanges, La Fayette, Mém. cour de Fr. Œuv. t. II, p. 379, dans POUGENS. Je vais de toutes parts où me guide ma veine, Sans tenir en marchant une route certaine, Boileau, Disc. au roi. Saint-Amant n'eut du ciel que sa veine en partage, Boileau, ib. I. Rare et fameux esprit dont la fertile veine Ignore en écrivant le travail et la peine, Boileau, ib. II. Mais je connais bientôt que ma veine glacée…, Chaulieu, Retraite. Et quelques vers échappés à ma veine, Nés sans dessein et façonnés sans peine, Pour l'avenir ne m'engagent à rien, Gresset, Épître à ma muse.

    Il est en veine, il est dans une disposition favorable à la poésie, à la composition. On l'applaudit, l'auteur était en veine, Béranger, Dauph.

    Il s'est dit au pluriel. Ô pauvre comédie, objet de tant de veines, Si tu n'es qu'un portrait des actions humaines…, Corneille, Gal. du pal. I, 7.

  • 4 Poétiquement. Intérieur, centre. Des veines d'un caillou qu'il frappe au même instant, Il fait sortir un feu qui pétille en sortant, Boileau, Lutr. III.
  • 5 Terme de géologie. Partie longue et étroite de terre, de roche, d'une qualité ou d'une couleur différente de celle qui l'entoure. M. Bowles rapporte que, dans le terrain de la Nata en Espagne, il y a une veine de quartz qui sort de la terre, s'étend à plus d'une demi-lieue et se perd ensuite dans la montagne, Buffon, Min. t. I, p. 51.

    Terme rural. Veine de terre, portion de terre, souvent plus longue que large, d'une nature différente de celle qui l'environne. Les racines se détournent d'un obstacle ou d'une veine de mauvais terrain pour aller chercher la bonne terre, Buffon, Hist. anim. ch. 1.

  • 6Endroit d'une mine où se trouve le minéral. Veine d'argent. Veine de soufre. Veine riche, abondante. Un chercheur de mines crut, ou fit accroire avoir trouvé beaucoup de veines d'or dans les Pyrénées, Saint-Simon, 168, 266. M. Genneté a donné l'énumération de toutes les couches ou veines de charbon de la montagne de Saint-Gilles au pays de Liége, Buffon, Min. t. II, p. 236. Les filets de minerai qui parcourent cette gangue et les filons très minces portent souvent le nom de veine, Brongniart, Traité de min. t. I, p. 283.

    Terme de houilleur. Ouvrier à la veine, celui qui extrait le charbon de la couche.

    Fig. Cet homme est tombé sur une bonne veine, il a rencontré heureusement.

  • 7 Par une métaphore tirée de la veine qu'on rencontre dans les exploitations, chance bonne ou mauvaise. Nous avons trouvé une bonne veine, et qui nous explique bien une querelle que vous eûtes une fois…, Sévigné, 4 mai 1672. Mme de la Fayette… est dans une mauvaise veine de santé, Sévigné, 4 févr. 1689. J'ai, depuis quelque temps, essuyé bien des peines, Enfin la chance tourne : il est d'heureuses veines, Collin D'Harleville, Optimiste, v, 13.

    Absolument. Suite de chances favorables. Il est en veine. Il profite de sa veine.

    Être en veine de bonheur, réussir dans tout ce qu'on entreprend.

    Il se dit quelquefois au pluriel pour chances. Il vivait sans se contraindre, selon ses veines et ses boutades de nature, Sainte-Beuve, Moniteur, 27 oct. 1856.

  • 8Veine d'eau, filet d'eau qui coule sous terre. Cette grande fertilité vient de ces deux fleuves qui, par des veines d'eau, humectent le terroir, Vaugelas, Q. C. v, 1. En une infinité d'endroits de la terre, il court des veines d'eau qui ont effectivement quelque rapport avec le sang qui coule dans nos veines, Fontenelle, Couplet.
  • 9Veine fluide, nom que porte, en hydraulique, la colonne liquide qui sort par un orifice à minces parois.

    Contraction de la veine fluide, rétrécissement, à la sortie, du jet d'un liquide qui s'écoule d'un vase par une petite ouverture.

  • 10Marque longue et étroite qui va en serpentant dans le bois et dans les pierres dures. Les veines du noyer. Les veines vertes qui se rencontrent dans le marbre Campan, sont dues selon M. Bayen, à une matière schisteuse, Buffon, Min. t. II, p. 42.

    Terme de relieur. Raies colorées de la reliure. On ne doit poser les veines d'or que lorsque la couverture est dorée, Manuel du relieur, p. 169.

  • 11Nom des nervures des feuilles, qui partent de la nervure principale et se ramifient dans le limbe.
  • 12 Terme de boucherie. Voy. AVANT-CŒUR.
  • 13Veine de Médine, la filaire.

    PROVERBE

    Qui voit ses veines voit ses peines, se dit à une personne âgée dont les veines sont apparentes, ce qui est signe d'un âge qui s'avance.

HISTORIQUE

XIIe s. La maistre vene de son cuer [cœur] [il] desevra, Ronc. p. 85.

XIIIe s. Dist li leus [le loup] : qu'est-ce que je sent ? Au cuer li bat aucune vaine, Et si n'en ist [sort] feu ne alaine, Ren. 7799. Dant Brun, de Dieu soiez saingniez ; Estes-vos de vaine saingniez ? Vostre bras vos est escrevez, ib. 9345. S'il iere [était] pris en bonne voine, Pitié auroit de vostre poine, la Rose, 3223. Fontaines, Qui sordent par estranges vaines, ib. 20682. Tramblé m'en a la mestre vaine, Rutebeuf, 32.

XIVe s. Puisqu'il est, dit-elle, en tel vaine [si désireux de bien faire], Je le vueil aler essaier, J. Bruyant, dans Ménagier, t. II, p. 37.

XVe s. Cil fer [une lance de Bordeaux] lui trancha le haterel [cou], et lui passa outre, et lui coupa toutes les veines, Froissart, II, II, 5.

XVIe s. … de tel façon, que de chanter la veine Devient en moy non point lasse ne vaine, Ains triste et lente…, Marot, I, 223. Cette matiere est sucée et attirée par les veines mesaraïques, puis distribuée à la veine porte, Paré, Introd. 6. Les veines capillaires, Paré, ib. La veine cave [l'inférieure], Paré, I, 25. Tu lui as bien trouvé la veine, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, vônn ; provenç. et espagn. vena ; portug. vea veia, ; ital. vena ; du lat. vena.